- Austain Trudault, chirurgien-apothicaire des Fosses de Mortefol !
Malgré l'annonce tonitruante qui avait été faîte, personne ne se leva dans la salle carrée des Abeyssals pour saluer l'entrée du vieil homme.
Ses bruits de pas résonnaient sur le sol froid comme s'il avançait dans une pièce totalement vide, où les visages de marbre des courtisans et autres fonctionnaires ne seraient que des tableaux ou tapisseries immobiles, l'observant depuis l'éternité.
Mais Trudault ne craignait pas de paraître ridicule face à ces faces qu'il méprisait du plus profond de son être. Il était en mission. Tout ce qu'il faisait, il le faisait pour la cité de Mortefol. Et certainement pas pour l'entourage du gouverneur de cette province.
Il avança, les poings serrés, à travers la pièce carrée, traversée de quatre rangées de quatre piliers richement décorées, notamment au niveau de leurs chapiteaux. Y étaient représentées des parties de chasse, face à des créatures folkloriques qu'on ne retrouvait guère plus dans les marais du Putride, telles que les terrifiantes tarasques, ou, plus étranges encore, les came-cruses, monstruosités unijambistes aux ailes plus sombres que la nuit.
Plus bas, des torches encadrées de fer étaient suspendues au pylônes de pierre, éclairant la pièce sombre et humide, du fait de l'absence de fenêtres. Des tapisseries couvraient les mur sur chacun des côtés de la salle, mais Austain Trudault ne les regardait pas.
Son attention toute entière était dirigée vers le siège central, presque adossé au mur, sur une estrade faisant face à l'entrée. Là où était assis le gouverneur Oliveran Sovidé.
A ses côtés, comme s'y attendait le vieux chirurgien, se trouvait la mestre Donovan, la mine sombre, et les cheveux flamboyants. Il ne daigna pas lui adresser le moindre regard.
Il s'arrêta à quelques pas du gouverneur, au niveau de deux gardes armés de hallebardes. Puis, il s'inclina respectueusement en baissant la tête.
- Gouverneur, je vous présente mes plus humbles salutations.
Austain Trudault n'aimait pas devoir courber l'échine face à cet inconscient répugnant. Mais il n'avait pas le choix. Il faudrait faire selon le protocole.
- Relevez-vous, Maître Trudault, répondit le consul, en agitant la main avec nonchalance.
Sa voix était aigue, et grésillait dans l'air chargé de la pièce, comme s'il n'avait jamais quitté l'adolescence. Un duvet juvénile lui recouvrait le haut de la bouche, tandis que d'anciennes plaques d'acné s'étendaient toujours sur ses joues imberbes. Pourtant, son apparence était trompeuse. Il avait déjà passé plus de vingt années dans les institutions impériales. Le Nourrisson, comme le surnommaient en secret certains de ses confrères, avait la quarantaine bien entamée.
Le vieil homme se releva, et jeta son regard dans ceux, marrons et poupins, du gouverneur. Ce dernier ne paraissait absolument pas investi, ni préoccupé par le sujet qu'ils allaient aborder. Mais ça, le chirurgien-apothicaire s'en doutait déjà.
Le gouverneur tourna mollement sa tête vers sa gauche.
- Quel est le sujet de cette entrevue, cher chambellan ?
Un homme jeune, mais voûté tel un vieillard, apparut derrière la chaise de son maître en toussotant. Il tenait entre ses mains un long parchemin qui menaçait d'entraîner son corps malingre vers l'avant, pour le faire choir de l'estrade.
- La question du jour... portait sur l'apparente contamination du quartier des Fosses, par une maladie ancienne...la variole putréfactrice. Elle a été sollicitée par le maître chirurgien-apothicaire Austain Trudault, ici présent, et soutenue par le mestre Donovan, de la bibliothèque des Abeyssals.
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Lores d'Iqavir: Pestes de Mortefol
FantasiAustain Trudault sait que la Mort rôde dans les rues de Mortefol. Il l'a vue de ses propres yeux en tombant sur un énième cadavre, sauvagement déchiqueté au cours de la nuit du 14 janvier 1002. Guérisseur réputé, il sait quelle est la cause de ce m...