Les Gardiens TALISMAN

MONSIEUR MAILLÉ

MONSIEUR MAILLÉ

Puisque le livreur et la bijoutière n'ont aucun souvenir de ce qui s'est produit, Romin opte pour une explication simple et la plus rationnelle possible dans les circonstances. Un groupe de personnes est entré en même temps que le livreur et a saccagé l'arrière-boutique. Il était à l'avant quand il a entendu un cri et lorsqu'il est arrivé à l'arrière, il a reçu un coup à la tête. Ce qui est plausible, car Romin a une bosse derrière la tête après avoir percuté le mur. Cette explication simple semble les satisfaire. La bijoutière demande à Romin d'appeler la police pendant qu'elle avise son père, de la situation.

L'enquêteur s'installe dans un coin en attendant l'arrivée des secours. Il en profite pour s'enquérir de l'état de Joseph. Ce dernier est toujours à ses côtés malgré sa faiblesse. Il informe Romin qu'il a réussi à contacter le Conseil et un autre gardien va prendre la relève de Marie. Ce nouveau gardien, Rafaël, arrivera en fin de journée avant la tombée de la nuit. D'ici là, une attaque des ombres est peu probable. Il n'en reste pas moins qu'ils doivent demeurer sur leur garde et récupérer son talisman au plus vite.

La police arrive quelques instants après l'appel au 911. Monsieur Maillé se présente également à leur suite. Ce dernier est catastrophé par l'état des lieux, mais lorsqu'il voit sa fille saine et sauve son soulagement est évident. Romin se dit que cet homme a les valeurs à la bonne place. Pendant plusieurs minutes, il doit répondre aux questions de la police. Les policiers lui demandent de faire une déclaration écrite, même s'il dit ne pas pouvoir identifier qui que ce soit. Il refuse les soins des ambulanciers et les dirige plutôt vers la bijoutière et le livreur. Les policiers trouvent étrange que rien n'ait été volé. Ils questionnent monsieur Maillé à savoir si lui ou ses proches ont reçu des menaces dernièrement. Pendant qu'il rédige sa déclaration, il entend monsieur Maillé dire aux policiers que la bijouterie est équipée de caméras de surveillance. L'élu est pris d'un moment de panique. En visionnant les images, son histoire inventée sera mise à jour. Joseph le rassure en lui chuchotant qu'il va s'en occuper. Le bijoutier se rend dans son bureau pour ouvrir l'ordinateur sur lequel les images sont sauvegardées. Joseph est sur ses talons et au moment où l'ordinateur s'ouvre, il crée une surcharge qui grille les circuits rendant l'ordinateur inutilisable. Monsieur Maillé s'excuse auprès des policiers. Ceux-ci demandent d'être contactés si jamais il récupère le disque dur et les images. En attendant, le dommage à l'ordinateur est ajouté au rapport. Il est possible que cela fasse partie du méfait.

Dès que le bijoutier est libéré par les policiers qui continuent à traiter la scène de crime, il vient à la rencontre de Romin. Il le remercie pour son aide auprès de sa fille tout en lui serrant la main avec vigueur. Puis, il revient sur la raison de sa présence dans la bijouterie.

-Ma fille me dit que vous cherchez une chaîne et une croix dorées que votre conjointe m'aurait laissées hier?

-C'est exact, je veux récupérer la croix en attendant la réparation de la chaîne. Avant que tout ceci ne se produise, en regardant le saccage, votre fille m'a parlé d'un coffre-fort. C'est le dernier endroit où il lui restait à vérifier.

-Très bien, aussitôt que la police me permet de déplacer des choses, je vais pouvoir dégager un passage jusqu'au coffre. Présentement, il n'est pas accessible. Si vous voulez, je peux vous appeler lorsque se sera fait. Les policiers m'ont dit qu'ils en avaient encore pour au moins 30 minutes à traiter la scène.

-Merci, mais si cela ne vous dérange pas, je préfère patienter ici. Cette croix est très importante pour moi.

-Je vois et puis-je savoir en quoi ce bijou a tant d'importance pour vous?

L'enquêteur sent le regard suspicieux de monsieur Maillé sur lui. Il cherche les bons mots pour s'expliquer. Pendant ce court instant, il remarque que le bijoutier joue avec une bague en or sur laquelle il voit une étoile de David.

-Votre bague, elle est d'origine juive? Êtes-vous croyant, monsieur Maillé?

Monsieur Maillé réalise qu'il touchait sa bague, un geste inconscient qu'il fait lorsqu'il est anxieux.

-Euh, oui en quelque sorte. Vous ne répondez pas à ma question Monsieur ?

-C'est vrai, où sont mes manières. Je me présente, je suis Romin Rousseau.

-Alors, monsieur Rousseau cette croix? insiste le bijoutier.

-Cette croix m'a été offerte lors de ma première communion. J'ai été élevé comme catholique, même si je ne suis pas pratiquant ni croyant au sens strict de la bible. Vous allez me dire que c'est de la superstition, mais je me suis toujours senti protégé avec cette croix sur moi. Il ne m'est jamais rien arrivé de grave dans la vie sauf depuis hier quand je l'ai retirée pour faire réparer la chaîne. Je sens le besoin de récupérer ma croix, ma protection en quelque sorte.

Monsieur Maillé regarde sa bague et semble songeur.

-Je peux comprendre cela, monsieur Rousseau. Je porte cette bague pour me rappeler mes origines juives. J'ai dû quitter ma communauté parce qu'elle n'aurait pas accepté mon choix de vie. Je suis tombé amoureux d'une femme non juive et nous avons choisi de faire notre vie ensemble. Disons que mes croyances ont évolué et comme vous le dites, je ne suis pas pratiquant et ni croyant au sens strict de la Torah.

-J'ai vu et lu sur cette plaque que vous avez mené une vie bien remplie. Vous avez eu du succès en affaires et sans être trop présomptueux, je dirais que vous avez également réussi votre vie personnelle. Romin termine sa phrase en pointant l'article de journal laminé accroché au mur sur lequel on voit une photo du bijoutier entouré par ses deux filles.

Le visage de monsieur Maillé s'illumine en regardant la photo.

-Vous avez raison, monsieur Rousseau. Vous êtes du genre curieux et perspicace. Êtes-vous journaliste?

-Non, non, je suis enquêteur privé.

-J'aurais dû y penser. Bon, je vais voir si je peux vérifier le contenu du coffre-fort.