Cupidonne amoureuse

Prologue

Amour : Sentiment profond envers un être vivant, suffisamment intense pour pousser ceux qui le ressentent à rechercher une certaine proximité.

Quand on pense à Cupidon, on pense souvent à un ange armé d'un arc capable à l'aide d'une de ses flèches de faire tomber deux personnes amoureuses, mais pour moi, ce concept m'est totalement étranger.

Quelle ironie d'être cupidon sans n'avoir jamais connu moi-même l'amour. Cependant, plus je m'y intéresse, plus je doute de la beauté d'aimer, j'ai vu tant de personnes brisées, blessées, froissées qui ont été trompées ou trahies. Et malgré cela, aucun d'eux ne cherche à s'éloigner de ce sentiment. Au contraire, ils s'y accrochent de toutes leurs forces et espèrent qu'un jour quelqu'un viendra réparer les fissures de leur âme, que cette même personne arrivera à rendre la vie plus supportable.

Je n'y trouve pas d'intérêt à se donner entièrement à quelqu'un, je ne trouve pas non plus d'intérêt à être aimé. Néanmoins, je ne cesse de vouloir, un jour, comprendre ce qu'est la chaleur d'être dans les bras de quelqu'un, je ne cesse d'être intriguée à cette idée que quelqu'un fasse de moi, son monde.

Et cette pensée, ces derniers jours, me hante tel que même dans un moment de repos, j'y songe. Dix-neuf ans, et jamais je n'ai posé mes yeux sur un humain, autant d'années et jamais je ne m'étais sentie si seule.

Il n'y a aucune échappatoire à nos devoirs divins, on est destiné à accompagner les âmes solitaires vers leur moitié. On est prisonnier d'un monde où on n'a jamais voulu y être né. Et dans tous ces questionnements et remords, j'ai peur de ne jamais pouvoir être aimé. Pourquoi ne pas sortir avec un autre cupidon ?

Tous les cupidons ne sont pas dénués de sentiments, mais tous les cupidons se ressemblent, se heurtent et s'abandonnent. On est seulement capable d'appréhender les sentiments de l'humanité à travers une fausse empathie. Les cupidons qui finissent ensemble ne sont jamais réellement amoureux.

C'est sans aucun doute pour ça que j'ai arrêté de faire apparaître l'inconnu parfait au coin de rue. Je me suis lassée du tir à l'arc et je me suis mise aux fléchettes. Avec un peu de chance, ma flèche tombera à pic, et vous connaîtriez le grand amour. Et puis si vous vous retrouvez le cœur brisé, maudissez-moi, je le fais déjà.

On m'a renvoyé ou devrais-je dire, on m'a gentiment affiliée vers un autre lieu de travail. On voulait plus de moi à Paris, et je comprends, je restais plantée là comme une plante verte, alors que tous les autres cupidons présents se démenait pour remplir leur quota, je regardais combien de sucre le monsieur d'à côté mettait dans son café, zéro comme le nombre de flèches que j'ai tiré.

Et me voilà, dans ma petite ville de province, avec son lot de cœur solitaire et d'âme lamentée, et je suis censé leur trouver l'amour ? Alors que je n'ai aucune idée de ce qu'est le standard de la personne parfaite. Mais qui peut m'offrir cela ?

Qui peut me donner ce qu'il me reste à vivre ?

Seule dans les champs de tulipes, les ailes lacérées, l'air humide et la gorge étouffée, je ressentis pour la première fois de la tristesse, une profonde solitude.

Une solitude que j'aimerais faire disparaître, une solitude que j'aimerais oublier. On ne m'avait jamais parlé de ça, on ne m'avait pas préparé à ressentir ce genre d'émotions dans mon parcours de cupidon. Après tout, qui peut se préparer à la jalousie, à la peur, à la déception et à un cœur meurtri par l'absence d'affection ? Même les humains n'y arrivent pas.

À force de les observer, je me suis retrouvée en eux. Finalement, à part un arc et une paire d'ailes, on n'a pas tant de différence. Je ne pensais pas qu'un jour, cela pourrait toucher un cupidon. Et malgré cela, je me sens si proche de ce sentiment. Je ne peux même pas gérer mes propres peines alors comment suis-je censé régler celles des autres ? Comment puis-je faire en sorte que des gens s'aiment quand moi-même, je ne prends même pas la peine d'aimer ? Et ça, aucun cupidon ne me l'avait enseigné.