Tulipe : Liliacée bulbeuse à fleur solitaire, cultivée industriellement.
Ange Ambroise
La pluie commence à tambouriner, les gouttes se glissent sur chaque partie de mon corps, entre chaque pli de ma peau, le vent secoue mes cheveux et les fleurs orangées, qui recouvrent le sol, se bousculent. Le ciel se couvre d'un nuage gris, sans aucune présence de lumière, mis à part une vingtaine d'étoiles qui s'estompent peu à peu. Je ne trouve pas la force de bouger ni même de relever la tête du sol.
- Il commence à pleuvoir...
Ma voix se craque, l'air me consume et me brûle la gorge. La sensation est aussi désagréable que la nonchalance de ce paysage, je ne peux voir qu'à une périphérie de quelques mètres et tout ce que je peux observer, ce sont ces mêmes stupides fleurs. Je suis posée sur ce rocher depuis bientôt trois heures et je n'ai même pas encore attaqué ma mission. La fine averse ne cesse pas pour autant. Je replace une de mes mèches rousse derrière mon oreille tandis que mon esprit est encore perdu dans l'abysse de mes pensées.
Au bout d'un certain temps, je finis par relever ma tête et j'aperçois quelque chose d'étonnant dans ce paysage. À l'horizon, en contrebas, je vois une silhouette d'une personne qui se déplace entre les champs de tulipes. Pourquoi quelqu'un marcherait-il simplement dans un champ de fleurs avant l'aube ? Cela n'intervient pas directement avec ma mission de cupidonne, pourtant, mon regard ne quitte pas ce jeune homme. Il tient dans sa main droite un appareil photo qu'il pointe vers moi.
Il me semble tellement léger, apaisé, libre. Il est dans son monde, perdu dans ses pensées, mais je ne ressens aucun soupçon de tristesse ni même une once de solitude qui émane de lui. Il regarde au loin, toujours dans ma direction, et nos regards se croisent sans pourtant se voir. À cet instant, je ne remarque pas le soleil qui s'était levé, ni même le bruit des oiseaux, ni ceux de la ville qui se réveille.
Il a fallu juste une dizaine de minutes, avant que son ombre disparaisse et que seule la trace de ses semelles s'ancrent dans la terre humide. J'entends les pales du moulin reprendre leur travail et je me rends compte que le temps m'a encore filé entre les doigts.
Je sens encore ma gorge qui grésille de la fumée de la nuit dernière. Je m'aventure dans chaque recoins de la ville, laissant ma curiosité m'emmener là où elle souhaite se rendre. Chaque ruelle empruntée m'emmène dans un nouveau lieu chargé d'histoires. Je contemple pour la première fois les gens, leurs traits de visage, leurs expressions, et leur façon de se comporter les uns avec les autres. Pourtant, rien ne change réellement de Paris, les personnes sont identiques, les lieux semblables.
Quelqu'un me heurte, et se retourne la seconde d'après. Je sais que ce n'est pas pour moi qu'il le fait. Puisque qu'il ne peut pas me voir ni même me toucher. Je prends mon arc en main et place ma flèche au creux de son cœur, traversant celui de la personne d'en face, celle pour qui il s'est retourné.
Je ne fais que mon métier, mais je me sens tellement envieuse de cette situation, de ces rires gênés, de ces regards complices, de ce désolé dissimulé entre deux compliments. Il n'a suffi que de ça pour que ces deux personnes tombent amoureuses, elles ne le savent pas encore, mais je les ai conviées à un destin unique, celui de s'aimer.
Je me mens à moi-même, je le vois bien que j'avais avant ces deux-là, une dizaine de personnes prêtent à ouvrir leur cœur à un autre.
Et je les ai ignorés, par pure jalousie. Comment un cupidon peut-il être autant sans cœur ?
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Cupidonne amoureuse
RomanceEt si une cupidonne avait cessé d'avoir espoir en les siens ? Comment une personne qui n'a jamais aimé peut-elle prétendre savoir tout les secrets de l'amour ? Ange Ambroise, cupidonne à temps partiel dans un petit village de campagne, se voit pou...