Chapitre 2

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La fin d'année arriva tellement vite que je ne la vis même pas venir. Et là, se posa un véritable problème : je n'allais plus jamais la revoir si je ne faisais rien.

Je dus rassembler mon courage à deux mains et trouver une solution. Finalement, je décidai de lui parler à la sortie du dernier jour de cours. C'était un vendredi.

La veille, j'appréhendais énormément cette discussion et je ne faisais que de me remettre en question. Et si l'amour que je ressentais pour elle n'était pas réciproque ? Avant, jamais cette question ne m'avait effleuré l'esprit tant je l'aimais inconditionnellement. Pourtant, c'était une question assez importante à prendre en compte.

De plus, j'étais persuadé qu'elle ne connaissait même pas mon existence... Connaissait-elle mon nom ? Avait-elle déjà vu mon visage ?

Mais bon, comment pouvais-je trouver des réponses si je ne tentais rien ?

Le jour J, je mis ma plus belle tenue : une chemisette blanche avec un pantalon droit noir. Je pris soin de brosser et de mettre un peu de gel dans mes cheveux toujours en bataille. J'étais allé jusqu'à piquer le parfum de mon père pour m'en mettre. Je voulais être parfait. Je n'avais pas pour habitude de me préparer ainsi et c'était sans doute un peu ridicule... en temps normal, j'aurais plutôt mis un t-shirt et un jean un peu oversize parce que j'étais plus à l'aise dedans.

La journée passa très rapidement et j'avais la tête tout le temps ailleurs. Mes amis me parlaient mais je ne les écoutais qu'à moitié : je réfléchissais à ce que je pourrais bien lui dire tout-à-l'heure.  Quelle genre de conversation peut-on avoir pour inviter la personne que l'on aime ?

Quand la sonnerie de fin de cours retentit, je sursautai en me rendant compte que je n'avais rien suivi au cours des dernières heures.

Tout le monde se leva et se dirigea vers la sortie. Dehors, l'heure était aux embrassades, aux adieux, aux rires et aux pleurs. Cependant, je ne prêtais pas vraiment attention à cette mêlée de sentiments : mon estomac se tordait et se retordait sans arrêt et l'angoisse commençait à augmenter crescendo.

J'attendis. Quinze minutes. Puis trente. Puis une heure. Le trottoir du lycée se vida peu à peu pour finir complètement désert. J'avais cherché son regard pendant tout ce temps et je n'étais pas parvenu à le trouver. J'avais l'impression que quelqu'un venait de déchiqueter mon cœur à la machette. Je finis par conclure que je ne te reverrai plus jamais.

Je m'apprêtais à rentrer chez moi le cœur en miette, quand, loin devant moi, j'aperçus une paire rouge de Converses décorée de petites broderies. Ses Converses ! Je les aurai reconnues entre mille ! Elle marchait tranquillement vers le parc où je la voyais souvent aller à la fin des cours. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine.

Je me mis à courir derrière elle sans même contrôler mes jambes qui avançaient avec une énergie et obéissaient à des ordres invisibles. À bout de souffle, je criai « Lise ! Attends s'il te plaît... ». Elle se retourna lentement en me regardant d'un air interrogateur.

Pendant quelques secondes, on se dévisagea sans bouger, ni l'un, ni l'autre. Le temps semblait s'être figé. Je repris finalement mes esprits et marchai vers elle. Elle enleva son casque d'un geste délicat et subtil et remit sa fameuse mèche invisible de cheveux derrière son oreille. Elle avait un sourire timide, presque impossible à percevoir.

« Oui ? énonça-t-elle d'une voix réservée.

- Je... je... »

Voilà que je me mis à bégayer. Il ne manquait plus que ça ! Pendant que je me battais contre mes propres mots, elle continuait à me fixer comme pour m'encourager à parler.

« Je voulais savoir si... j'hésitai avant de reprendre ma phrase, tu voulais bien qu'on se voit demain... »

Elle m'observa pendant plusieurs secondes, et réfléchit, visiblement étonnée par la proposition. Mon torse arrêta de se soulever pendant un court instant.

« D'accord... accepta-elle avec hésitation.

- On se retrouve au parc à 15h, ça te va ?

- Ok, j'y serai. »

Et puis c'était tout. Elle se retourna et repartit comme si notre entrevue n'avait jamais eu lieu. Je la contemplai jusqu'à ce qu'elle disparaisse au bout de la rue pour s'engouffrer dans le parc. Je sentis mes joues chauffer et souris. Un tas d'émotions variées et indescriptibles me traversèrent. Voilà. C'était donc ça d'être amoureux.

Au moment de me coucher, je repensai à tous les événements de la journée. La tête sur l'oreiller, je m'égayais d'avoir réussi à lui parler. Ce n'était pas grand chose mais c'était déjà beaucoup pour moi.

Et là, je me rendis vraiment compte que,

Mon dieu, qu'est-ce que je l'aimais.

Un été sous les amarantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant