CHAPITRE 3
La semaine suivante est affreuse. Ma tentative d'éloigner le fantôme est restée vaine. Qu'est ce qui est pire d'avoir un fantôme dans sa chambre? Avoir un fantôme qui vous suit partout en chuchotant, criant, et qui s'amuse à vous traverser. Et encore il a la décence de me laisser seul quand je dois prendre une douche.
En bref : je n'en peux plus. Je suis sans arrêt suivi et sans arrêt déconcentré. Il me parle à longueur de journée de choses futiles et intéressantes, ponctuées de "aides moi dans mon enquête, aide moi dans mon enquête, aide moi dans mon enquête". Épuisant, agaçant, infernal. Je n'en peux plus.
Une semaine passe dans ce contexte, avec un fantôme qui me suit chacun de mes pas.
Le Jeudi, en cours de capacités spéciales sur les méthamorphes, le fantôme se glisse à côté de moi tout en étant invisible (c'était l'objet de mon dernier cours de physique et psychologie du fantôme, ils peuvent devenir totalement transparents a volonté) Ce dernier se met alors à s'amuser en mettant ses bras à l'intérieur de mon corps ; des frissons me parcourent sans cesse. Je ne vous conseille pas de tenter l'expérience, c'est assez désagréable.
"-Dégage, j'ai soufflé.
Bien sûr, il m'a ignoré.
-Mais va t'en !"
La prof se retourne vers moi. Merde, j'ai parlé un peu fort.
"Monsieur Terrel vous avez quelque chose a dire sur la décoction de l'amanite phalloïde ?"
(Non, je n'ai rien a dire dessus et a vrai dire ne n'en ai également rien a faire !)
En bref, je n'en peux plus.
Le vendredi arrive, je monte dans la tour des première année, avec un être invisible me sifflant à l'oreille.
Dans ma chambre, je prends le fantôme entre quatre yeux.
"Si tu n'arrête pas tes affaires, je vais voir la directrice et elle te fera partir du château." Ma phrase me semble assez puérile sur le coup mais je veux que ce fantôme dégage.
"Je n'attend que ça." dit t'il d'un ton insolent.
Connard.
Je tape du pied dans le mur, puis je fonce vers la porte et la claque. Une fois sur le palier, je vois du coin de l'œil le fantôme traverser tranquillement un mur en sifflotant. Je descends les escaliers à toute vitesse. Ou est cette foutu salle des profs déjà ? Je prie pour que Hawk y soit.
Je fais le tour du rez-de chaussée a la recherche de cette salle des profs, passant par le réfectoire vide, avant de la retrouver à côté de la salle d'armement. Je m'arrête devant. Je me souviens d'August nous disant de frapper que sous une extrême urgence. Je suis suffisamment à bout pour ne pas trop me poser de question. Je m'exécute.
J'entend une chaise qu'on pousse puis la porte s'ouvre. Bien sûr c'est mon prof d'histoire du crime qui apparaît. Ses cheveux bruns graisseux tombent sur ses yeux lourds. Son nez en forme de bec semble vouloir m'embrocher et ses yeux semblent jaillir des éclairs.
"-Oui ?
Merde. Sur tous les profs de cette satanée école, il fallait que je tombe sur lui.
-Heu excusez moi de vous déranger mais... j'ai... heu...un problème avec un des fantômes qui me suit partout. Il me dérange pendant mes cours et ...
-Pas notre problème."
Fernandez referme la porte, ne me laissant même pas le temps de finir ma phrase. Je me retrouve la bouche grande ouverte devant une porte fermée. Quel connard ce prof.
Il faut que je trouve Hawk. Je me rappelle de l'emplacement de son bureau, à droite de l'entrée. Je tourne vers ma gauche, le fantôme me suivant toujours comme mon ombre.
Je traverse le château en ignorant les portraits qui me suivent du regard (toujours avec ce foutu fantôme qui me tourne autour en ricanant), repasse sous la tour des première année et arrive dans l'entrée. Face à moi se trouve une porte imposante en bois avec un écriteau indiquant le bureau directorial (Mme Joanne Hawk, honorable directrice de l'Académie, 2003). J'inspire, j'expire, et je frappe.
J'entend un bruit sec, comme un ordinateur portable qu'on referme, puis une chaise qui grince contre le sol, puis des pas qui se rapprochent, puis la porte qui s'ouvre avec un léger grincement.
Devant moi se tient Hawk, avec son regard sévère et acéré.
Elle semble surprise de me voir.
"-Que voulez-vous monsieur Terrel ?
Je sens mon estomac remonter dans ma gorge, et une sueur froide me parcourir le dos.
-Je...je peux vous voir ?
Hawk hausse un sourcil puis dégage l'entrée.
Son bureau est assez grand, décoré d'animaux empaillés (ce qui me file la chair de poule, on ne va pas se mentir). On y retrouve également les éternels portraits exposés dans le château. Le large bureau directorial est net : une pile de documents sur la gauche, des pots à crayon sur la droite, un mac fermé au milieu. Je remarque que les pieds du bureau se terminent en patte de lion. La chaise semble recouverte de fourrure d'ours, et j'hésite à m'y asseoir. Connaissant le château, il y a de fortes chances que cette fourrure essaie de m'attaquer. Je prends mon courage à deux mains et m'installe.
Derrière elle, seule preuve de modernité dans l'ameublement se trouve une bibliothèque ikea blanche remplie à ras bord (je le sais parce que j'ai la même dans ma chambre, chez moi). Elle détonne dans l'univers de pierre et d'ancien que dégage ce bureau. J'observe un peu plus son contenu : des livres, des documents. La seule touche de "déco" se trouve en plusieurs crânes humains disposés sur la bibliothèque. Un renard roux me toise de la dernière étagère. Des oiseaux empaillés pendent du plafond. Charmant.
Hawk contourne son bureau et s'assied sur son siège, m'invitant d'un geste de la main à faire de même.
"-Que souhaitez-vous monsieur Terrel ?
Je lui raconte cette histoire de fantôme qui a décidé de me hanter en m'empêchant de me concentrer en cours. Je ne lui parle pas de sa foutu quête, car je ne veux pas être assailli de questions. Je veux juste qu'il foute le camp.
-Malheureusement je suis navrée de vous annoncer que je ne peux rien faire pour vous. Il est stipulé dans le règlement (que je n'ai pas lu) que le lycée se désiste de toute responsabilité si un fantôme décide de hanter un élève. Bonne journée monsieur Terrel, dit t'elle directement en rouvrant son ordinateur d'un coup sec.
J'hallucine.
Je reste assis quelques instants, en espérant qu'elle va continuer, mais elle ne lève même pas les yeux vers moi. Elle se contente de taper sur le clavier de son ordinateur.
Je me relève timidement et m'approche de la porte. En la refermant, je lâche un petit "bonne journée à vous" mais elle ne prend même pas le temps de lever la tête vers moi. Bonjour la sympathie. De toute façon, je savais qu'elle ne me tenait pas dans son cœur. Elle me prend pour un moins que rien, c'est sûr. De plus, mes parents ont bien forcé pour me faire entrer ici.
Je retourne dans ma tour, l'esprit ailleurs, je manque d'ailleurs de tomber dans ces foutus escaliers.
Le fantôme me suit toujours.
Je ne vois qu'une seule issue, accepter de faire son enquête. Je suis plutôt doué au cluedo, ça doit être à peu près la même chose en vrai non ? Je fais ça vite fait bien fait (ou mal, je m'en cogne) et ensuite je suis libre pour les épreuves (et mes cours accessoirement). Et surtout, je suis seul. Cette semaine m'a bien appris une chose, la solitude c'est encore mieux que ce que je ne pensais.
Je n'ai jamais eu d'ami.es ; au maximum je trainais dans un groupe au collège. A vrai dire j'accorde très peu ma confiance. J'ai confiance en moi et je vis très bien seul avec moi même. J'aime ma solitude, j'aime ne déprendre de personne.
J'arrive dans ma chambre. Le fantôme apparaît devant moi. Je me craque les doigts et je le fixe droit dans les yeux.
"- J'accepte."
Le fantôme s'apprête à hurler sa joie mais je le coupe.
-A trois conditions. La première c'est que tu me laisses tranquille pour bosser mes cours. La deuxième c'est que tu ne te fasses pas remarquer. La troisième c'est que tu disparaisse une fois ta mission terminée.
-Marché conclu. Pour officialiser la quête je dois te passer ce collier. Dit t'il en pointant le bijoux avec une médaille en forme de lune au bout.
Je ne comprends pas ce qu'il se passe mais je me laisse faire. Le fantôme se place devant moi, retire son bijoux et le passe autour de ma tête, jusqu'à ce que le collier pendent autour de mon cou. Petit à petit, je sens un poids sur ma poitrine. Je me rends compte que le collier, qui était transparent au début, devient de plus en plus réel et tangible. Ok, flippant. J'approche ma main, fasciné. Le collier est très froid au toucher.
-Qu'est ce que t'a fais ? dis-je en essayant de retirer le collier. Mais c'est impossible, la médaille reste collée sur mon torse.
-C'est quoi ce truc ? Je redemande.
-Le fantôme devant moi sourit, comme si la situation était drôle.
-Je t'ai donné une quête, tu pourras l'enlever seulement quand tu auras atteint ton objectif.
-Je te demande pardon ?
Nous nous fixons pendant une ou deux minutes. Ses yeux sont rieurs, les miens doivent transmettre une colère infinie.
-Je m'appelle Charlie. Dit mon super pote fantôme en souriant en me tendant la main.
-Nev, pas du tout enchanté. Je garde mes deux mains le long du corps.
-Bon, on va commencer par le commencement, dit t'il avec un débit de parole qui me met déjà mal à la tête. Je me suis réveillé il y a un mois et 26 jours. Très exactement, j'ai tenu le compte. Crois moi, c'était long. Le point positif c'est que je connais ce château comme ma poche. Au début, je ne me souviens d'absolument rien. Il y a 15 jours, j'ai décidé de me trouver un prénom sinon j'allais littéralement perdre la tête. Charlie.
Je peux aussi te dire que les fantômes ici ne sont pas vraiment aimables.Ils s'en foutent de tout, et leur activité principale et de foutre la merde un peu partout. A la rentrée, les profs ont dû chercher la totalité des livres que les autres avaient cachés dans le château. Et iels cherchent encore les livres de crimino. A plusieurs, en unissant leurs forces, iels ont aussi réussi à péter les tuyauteries et cette vieille peau de Hawk a dû appeler en urgence un métamorphe plombier pour régler tout ça.L'autre jour, je les ai vus s'y mettre a plusieurs pour essayer de péter la porte du bureau de Hawk. Mais ça n'a pas marché et...
Je le coupe.
"-Ok, je m'en tape. Dis moi clairement ce que tu attends de moi. Dis-je d'une voix sèche.
-M'aider à comprendre comment je suis mort et qui je suis.
Tâche totalement facile quand on sait que les fantômes perdent totalement la mémoire en mourant. Easy (non). Comment je suis censé faire ça ? Aucune idée. La cause de sa mort ? A part aller à la morgue je ne vois pas quoi faire. Je vais lui proposer cette option quand je me rappelle qu'il ne se souvient de rien, pas même de son ancien prénom.
-Ok, maintenant tu vas appliquer la première condition et me laisser tranquille. J'ai des devoirs à faire.
Charlie va s'asseoir sur mon lit en sifflotant.
-Tais toi !
Il obtempère. Satané fantôme.
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L'Académie
ParanormalDans cette société , les humains sont séparés en 6 types : les loups garous, les sirènes, les méthamorphes, les vampires, les sorciers et les sorcières... et les anomaux, comme Nev. Nev est un garçon transgenre de 16 ans. De part son identité de ge...