XXII. Cascade

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Asthar


La chaleur du chalet faisait oublier l'étroitesse de ce lieu rempli d'objets étranges.

Des objets que, bien souvent, je n'avais aperçu qu'en dessin, illustrés dans des livres traitant d'autres royaumes et d'horizons lointains.

Que faisaient-ils ici, dans la maison de cette femme aussi âgée que le temps lui-même ?

Je n'ai aucun doute là-dessus : l'Aïeule porte la marque de l'Eternité sur son front. Je le vois gravé dans sa peau à la lumière du feu.

Et quand on porte le symbole de l'Eternité, on a vu bien plus d'un siècle passer.

Elle portait cependant bien les centenaires, toujours droite et la tête haute, le regard vif et grisé. Ses longs cheveux noirs aux multiples ornements me faisaient penser, d'une certaine manière, à Aëna. Mais l'Aïeule ne porte pas d'armure, seulement des vêtements chauds et épais.

Que je lui enviais cruellement en cet instant.

— Allons bon, mon jeune enfant, que faisais-tu devant chez moi, dans la neige ?

Je déglutis. Je sais à quel point elle est respectée par ses pairs, et elle est sans doute la personne que je voulais le plus rencontrer pour apprendre tout ce qu'il y a à savoir sur les Draconistes. Je ne voulais commettre aucun impair, et me voilà chez elle en pyjama.

— Je ne saurais le dire, Madame. Je rêvais. Un rêve blanc, qui suivait un cauchemar. Et je me suis retrouvé comme "emporté" de mon rêve au seuil de votre demeure.

Elle ne me répond rien, laissant le silence  emporter mes mots. Elle me dévisage, puis pointe son front.

— Tu la vois, affirme-t-elle.

Je hoche la tête humblement.

Oui, je vois la marque. Et je préférerais que ce ne soit pas le cas.

— Moi, je vois la tienne qui es en train de s'esquisser dans ta chair.

Je fronce les sourcils en secouant la tête.

Écoutez, j'ai bien compris que je devais me mettre à la magie, car seuls les mages peuvent voir cette marque, mais je ne suis pas un porteur d'Eternité !

— Non, tu ne l'es pas. Tu en as le potentiel, ce n'est pas pareil. Et c'est pourquoi tu te retrouves devant moi. Que tu sois mage ou non ne fait aucune différence. Cette marque est la preuve que ta vie sera longue, très longue. Car ainsi le veulent les dieux à ton encontre.

J'essaie d'accuser le coup.

Je n'aime pas ce que j'apprends, ici, à la Cîme.

Je suis venu les connaître, eux, non moi.

Mais on ne cesse de me ralentir dans mes recherches pour que je devienne un mage, et maintenant un porteur d'Eternité ?

Cela faisait beaucoup, non ?

Sentent mon trouble, Boggan se glisse dans mon cou, ce qui m'apaise.

— Ce n'est qu'une possibilité, Asthar. Tu as besoin de la magie pour qu'elle ne débordé pas en toi. Mais rien ne t'oblige à être Éternel. C'est une décision qui t'appartient, et tu auras le temps de choisir. Tu n'es qu'au début de ta vie, comment penser à une telle éventualité ?

Le petit Dragon prendre ton regard dans celui de L'Aïeule.

— Tu as perdu le sens du tact, Alissandre. Tu t'isoles trop, ces derniers siècles. As-tu donc oublié comment on s'adresse aux gens selon leur âge ?

La femme rit à gorge déployée, légèrement rauque.

— Sans doute, mon jeune ami. Cela faisait longtemps que je n'avais eu à guider un potentiel porteur!

De mon côté, je ne sais pas trop quoi penser. Mon esprit se perd dans la danse lumineuse qui s'agite frénétiquement dans la cheminée.

— Tu n'es pas le seul potentiel, Asthar. Il y en a deux autres qui sont comme toi. Chose ironique, d'ailleurs, lorsqu'on sait que vous liés tous les trois par le sang.

A nouveau, je me retrouve submergé dans une multitude de pensées. L'Aïeule ne s'arrêtera-t-elle donc jamais de me secouer de révélations ?

— Je n'ai...

—... aucun souvenir de ta famille, je le sais. Ce n'est pas pour autant qu'elle n'existe pas. Ton destin et le leur sont liés. Plus tôt tu l'accepteras, plus tôt tu pourras avancer sur la route que les Dieux ont préparé pour toi.

Cela est bien trop lourd à entendre. Je me sens écrasé sous une lourde chappe de plomb, incapable de faire le moindre geste.

Je n'ai jamais voulu de grande destinée.

Je ne voulais que découvrir ce que les livres m'ont appris en vrai.

Je voulais savoir et apporter la connaissance aux autres.

Je n'ai aucun besoin d'aventure,  ou même des dieux.

Je ne veux pas être leur jouet.

Je me sens si seul, soudain !

Il fait si froid.

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