𝟶𝟸. 𝐿𝑒𝑠 𝑅𝑜𝑠𝑠

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"Le cœur humain a des trésors cachés que seule la douleur peut révéler." 

Euripide


Nate

Mon poing s'écrasa violemment contre le sac de frappe, encore et encore, avec une rage que rien ne semblait pouvoir apaiser. Ces derniers temps, c'était devenu une routine : je venais m'enfermer dans la salle de sport du manoir pour frapper ce sac jusqu'à en avoir les phalanges en feu, essayant d'étouffer ce qui me rongeait de l'intérieur. Mais ce soir, la colère brûlait plus fort. Une transaction d'armes qui tourne mal, encore une, et plusieurs de mes hommes qui y laissent leur peau. Ces pertes répétées commençaient à peser lourd, et tout indiquait qu'on se faisait trahir de l'intérieur.

Je frappai plus fort, le sac grinça sous la violence du coup, oscillant dangereusement. Bordel, ça devenait insupportable. Un échec de plus dans cette série noire qui n'en finissait pas. Je pouvais tolérer les erreurs, mais pas celles-ci. Pas en pleine guerre de territoire. Chaque homme perdu, chaque transaction qui foirait, c'était un pas de plus vers le chaos. Et moi, je devais garder les apparences sous contrôle. Paraître imperturbable, invincible, alors que tout semblait s'effondrer autour de moi.

Aidan était convaincu qu'il ne s'agissait que d'un gang insignifiant qui nous avait surpris, mais je savais, et au fond de lui, il le savait aussi, que la situation était bien plus grave. Anderson nous déclarait la guerre, et j'étais prêt à parier que nous allions bientôt recevoir des messages beaucoup moins subtils. Mon père et lui avaient scellé un pacte de paix, conscients que leurs réseaux étaient à égalité, et qu'une guerre de pouvoir serait désastreuse pour les deux. Cependant, je doutais fort que Rick reste inactif après la mort de mon père. Je m'attendais à ce qu'il tente de reprendre le contrôle. S'il pensait que cela lui réussirait, qu'il tente sa chance.

Mes phalanges commençaient à se faire douloureuses, mais je n'allais pas m'arrêter. Sinon, c'était la prochaine personne à croiser ma route qui allait en faire les frais. Justement, Aidan entra dans la pièce, une main dans la poche de son jean, l'autre tenant son téléphone, le regard rivé dessus avec un sourire stupide sur les lèvres. Je feignis de ne pas le voir et continuai à frapper le sac avec acharnement.

Il s'arrêta à ma hauteur, puis leva enfin les yeux de son écran pour me scruter. Je remarquai ses sourcils se soulever, affichant une curiosité mêlée d'inquiétude.

— J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Tu préfères que je commence par laquelle ?

Je lâchai enfin le sac de frappe, sa surface en cuir usé marquée par mes coups répétés, puis je saisis une bouteille d'eau pleine posée au sol et la vidai d'une traite. En posant la serviette sur mes épaules nues, je me tournai vers Aidan, attendant une explication, même si je n'étais pas d'humeur à discuter. Je lui fis un signe de la tête pour l'inciter à continuer.

— Bon, commençons par la mauvaise. C'est bien le réseau d'Anderson qui est derrière l'exécution de nos hommes. J'ai eu la confirmation de Jane ; elle a été témoin de toute la scène.

À l'entente du nom de Jane, mon corps se tendit.

— Merde, Aidan, pourquoi tu as choisi de l'envoyer elle, sachant ce qui se passe ?

C'était irresponsable. Il aurait pu faire appel à n'importe quel autre homme, mais il l'avait mise en danger.

— Calme-toi, frangin. C'est elle qui a insisté pour y aller. Elle sait très bien se débrouiller toute seule, et tu sais très bien que je ne l'aurais jamais envoyée à l'abattoir, c'était moins risqué que ça en a l'air, finit-il en croisant les bras sur son torse avec un air faussement désinvolte.

RAVENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant