Un soleil brûlant éblouissait la terre sèche et les chaires humides. Les vignes, qui s'étendaient sur tout le versant de la colline, et même en contrebas, luisaient d'un ardent éclat de vitalité : vert et violet. La chaleur, en cette heure de la journée, redoublait d'effort et cuisait à demi, les grappes de raisin d'où s'évadait une exhalaison alléchante.
Outre le chant de quelques rapaces, on entendait seulement le grésillement molletonné des mains cueillant, entre les feuilles, les grains les plus beaux ; le pétillant battement d'aile des insectes ; la brise chaude et caressante.
Des sabots frappèrent, au pas, le sol caillouteux du chemin qui divisait le vignoble en deux, et qui montait tout droit vers la maison du maître et de sa femme. Tous les esclaves, un à un, levèrent la tête vers la charrette. Ce petit évènement suffisait à susciter la curiosité dans ce petit monde cloitré entre deux collines, où rien ne se passait jamais, sauf les jours où le maître distribuait les coups de fouets aux moins appliqués des travailleurs.
Seul un esclave ne s'était pas redressé pour examiner la charrette déversant sa cargaison de blé. Il profitait de la diversion de l'inconnu pour, d'un geste court et précis, s'emparer d'un grain de raisin et le faire disparaître dans sa gorge. Ses dents pressèrent la bille molle, qui résista un peu, puis céda en déversant un torrent de saveur dans toute sa bouche.
Il releva la tête pour voir si quelqu'un l'avait pris sur le vif. Entre les minces allées qui quadrillaient les vignes, il se sentait en sécurité et ne put empêcher son bras de replonger entre les feuilles. La bille vermeille se fit happer et disparut sans laisser de traces.
L'esclave sentit aussitôt un bâton se poser sur son bras. Il fit volte-face et le bâton s'arrima sous sa mâchoire.
— Déméter ! cria l'homme au bâton, un esclave Carthaginois affranchit qui travaillait maintenant dans la surveillance des esclaves. Qu'est-ce que tu as dans la bouche ?
— Rien.
— Montre tes dents... J'en étais sûr. Sane coleus es ! Tes dents sont plus rouges que des filaments de safran ! Tu voles et, en plus, tu mens à ton chef ?
— J'ai pas menti, le grain de raisin n'était déjà plus dans ma bouche quand tu me l'as demandé.
— Tu veux jouer aux plus fins avec moi, hein ? A peine la femme du maître t'accorde une faveur en t'autorisant à ne plus porter d'entraves, et tu la remercies en volant les propres récoltes de son mari !
Répondre serait impertinent, Déméter le savait. Pour le vol d'un grain de raisin, il ne serait pas sévèrement puni. Mieux valait ne pas alourdir la peine.
— On verra si le maître supporte, aussi bien que moi, cet affront, reprit le Carthaginois en appuyant sur la tunique de l'esclave pour le faire avancer.
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Déméter le Macédonien
Proză scurtăDéméter, un esclave macédonien, tombe follement amoureux de la femme de son maître, un riche viticulteur romain. Leurs sentiments transcendent leur situation sociale au point de les mener à commettre l'irréparable.