Chapitre 1

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Lara 

Surhurst. Autrement dit, l'ancien Chicago. Une des seules villes qui tient encore debout, qui résiste encore. Le virus ne l'a pas encore atteinte. Et on espère qu'il ne l'atteindra jamais.

Autrefois, Chicago était une grande ville peuplée. Elle ne l'est plus. Il ne reste que quelques quartiers qui tiennent le coup.

Le tremblement de terre a endommagé une vaste partie des États-Unis et le virus n' a pas aidé. Il a fait disparaître une grande partie de la population, et a transformé l'autre en zombie.

Le monde est actuellement en période de crise. Les autorités nous ont abandonnés, le gouvernement n'est plus. Nous sommes seuls, indépendants, et ce n'est pas toujours facile. Plus personne ne dirige notre nation, plus personne ne nous guide. Nous sommes livrés à nous-mêmes, pour ceux qui sont encore en vie.

Quelque part dans cette ancienne ville, se trouve un orphelinat. C'est ici que je vis depuis ma plus tendre enfance. Depuis mon horrible enfance. Nos tuteurs ont du mal à gérer cette catastrophe et nous élèvent comme ils le peuvent.

Les enfants, apeurés, font des cauchemars quasiment toutes les nuits. Les plus grands ne le supportent plus, n'arrivant plus à dormir. Et je fais partie de ces plus grands. Je passe mes nuits à réconforter les petits, faisant des nuits blanches fréquemment. Quant à Liam et Eliott, mes amis, ils arrivent à dormir à poings fermés. Je me demande comment ils font, car le silence de dure jamais longtemps et le bruit envahit vite le dortoir. Je les envie tellement.

Je me sens seule la nuit. Personne n'est là pour me tenir compagnie. Personne pour m'empêcher de trop penser. J'aurais voulu qu'ils se débrouillent pour veiller avec moi, au moins une fois de temps en temps. J'aurais voulu qu'ils se sentent un peu plus concernés par le malheur des enfants et qu'ils m'aident. Mais je ne peux pas leur reprocher cela. Eux aussi souhaitent dormir. Eux aussi ressentent tout ce qu'un être humain peut ressentir et je n'ai pas le droit de les blâmer.

Cette nuit, aucun des enfants ne pleure et j'ai enfin l'occasion de me reposer un peu. Cela fait des mois que je n'ai pas fait une nuit complète.

Je sais que cela rassure les garçons de savoir que j'ai quelques heures de sommeil en plus que d'habitude. Ils s'inquiètent pour moi, même s'ils ne le montrent pas forcément.

Je les connais depuis que nous sommes tout petits. Liam a toujours vécu ici et Eliott est arrivé peu après. En ce qui me concerne, je ne fus placée en orphelinat qu'à l'âge de dix ans. Au début, j'avais du mal à m'intégrer. Je restais seule tous les jours et personne ne venait me voir. Les semaines passaient et j'ai fini par me lier d'amitié avec eux. Liam était venu me parler, je lui faisais sans doute pitié, parce qu'Eliott ne m'appréciait pas beaucoup. Il a fini par baisser les barrières qu'il avait établies entre nous deux. Depuis, je ne les ai plus jamais quittés. Je les considère comme des membres de ma famille.

Je joue au morpion avec Liam lorsque Eliott débarque. Il vient de sortir du bureau de la directrice, réprimandé en raison de sa petite excursion nocturne sur les toits de l'orphelinat.

Eliott aime la solitude. Il apprécie se retrouver seul à contempler les étoiles la nuit. C'est quelqu'un de très indépendant qui sait apprécier la compagnie des autres sans pour autant oublier qu'il préfère être seul.

– Sérieusement ? Un morpion ? Je ne savais pas que vous étiez tombés si bas, déclare-t-il, le visage impassible.

Il est toujours là, à critiquer. On pourrait même qualifier ça de passe-temps. Rien ne lui plaît jamais, surtout la manière dont on occupe notre temps.

– On s'amuse comme on peut, je lui réponds.

– Et vous comptez laisser passer le temps comme ça, jusqu'à ce qu'on meure ? C'est assez pathétique.

J'en déduis que son entrevue avec la directrice ne s'est pas très bien passé. Même si habituellement, il est d'humeur froide, il l'est bien plus à l'instant. Eliott n'est pas toujours de bonne humeur. Il ne l'est jamais en fait. Il a seulement des phases plus... sympathiques ? Je n'ai pas vraiment de mot adapté à la situation. Nous sommes habitués à ses railleries et nous ne faisons plus aucun commentaire. Ça ne mène à rien de toute manière.

– J'ai gagné ! je m'écrie.

– Pfff, c'était un coup de chance, râle Liam.

– Mec, t'as jamais gagné une seule partie de morpion, lui dit Eliott.

– Bien sûr que si. Avant-hier, contre Arthur.

– Il a 5 ans. Encore heureux que tu aies gagné contre lui.

Je souris face à cette remarque. Puis s'installe un énorme blanc. Un vide immense, qui nous laisse le temps de réfléchir à tellement de choses en même temps que nous nous perdons dans le labyrinthe de nos propres pensées.

Je ne le montre pas, mais j'angoisse. J'appréhende le moment où le virus prendra possession de nos corps. Le moment où tout sera fini. Le moment où tout disparaîtra, nous y compris. Parce que ce moment est inévitable. Notre ville tient encore, mais nous savons tous que ça ne va pas durer éternellement.

Mais je ne dis rien, préférant faire croire aux autres que tout va bien et que ça ne m'atteint pas. Alors qu'au fond, je suis terrorisée. Terrorisée à l'idée de les perdre et encore plus de me perdre moi-même.

Contaminés ( SOUS CONTRAT D'EDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant