Chapitre 2

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Lara 


Affalée sur mon lit, je lis un livre pour me vider l'esprit. Les garçons sont assis côte à côte et regardent par la fenêtre, sans parler. Liam est un grand, bavard mais il sait qu'Eliott ne l'est pas, alors il le laisse tranquille. Lorsqu'il adresse la parole à Eliott alors qu'il n'est pas d'humeur, c'est comme s'il parlait à un mur. Les non-réponses d'Eliott sont souvent pesantes. Alors nous préférons ne pas trop engager la conversation afin de ne pas nous prendre de monumentales rafales de vent. Je sais qu'il y a des raisons à son silence, pourtant, je n'arrive pas à comprendre. Comment une chose pareille peut-elle engendrer de si gros problèmes de communication ?

Il ne parle pas beaucoup, n'évoque jamais sa famille et ne fait jamais part de ce qu'il ressent. Il vit comme un loup solitaire, n'ayant besoin de personne. Enfin, c'est ce qu'on pourrait croire. On pourrait penser que Liam et moi n'avons pas une grande importance à ses yeux. Et je dois avouer que parfois, je doute de son attachement envers nous. J'ai l'impression que nous ne sommes là que pour combler un vide quand il en a besoin et que la plupart de temps, nous sommes insignifiants.

Les autres enfants s'amusent et le calme règne dans cette pièce illuminée par les derniers rayons du soleil. Les beaux jours commencent à disparaître. L'automne arrive à grands pas et ça ne me plaît pas trop. Je n'apprécie pas vraiment cette saison morne à l'ambiance lugubre. Comme si l'air de la ville n'était pas assez sinistre comme ça.

Soudainement, un bruit retentit. Un cri. Brutal. Déchirant. Perçant.

Tout le monde cesse toute activité, se concentrant sur la source de ce rugissement. Il ne semble pas humain. Il paraît monstrueux. Terrifiant. La chair de poule s'immisce dans mon corps et tous mes membres tremblent d'effroi.

La porte s'ouvre brusquement, laissant place à une vieille femme toute menue. La peau sur les os. Ses yeux ont disparu, avec un trou noir à la place. Du liquide noir s'écoule de sa bouche. Ses vêtements sont en lambeaux, déchirés de ses propres mains.

C'est la panique à bord. Certains enfants pleurent, d'autres se réfugient sous leur couverture. Ils crient à l'aide. Ils supplient le monstre de les laisser vivre. Leurs cris se répercutent dans ma tête. Je voudrais tellement les aider, mais je ne sais pas comment faire.

Nous restons figés, comme si le temps s'était arrêté. Nous fixons la femme qui n'est autre que la directrice de l'orphelinat. Je ne réprime pas ma surprise. Je devine aisément que le virus ne l'a pas épargnée et que notre tour est le prochain.

– Les gars, on se taille, réussit à articuler Eliott.

– Et les petits alors ? On ne peut quand même pas les laisser mourir ici, dis-je.

– Lara, on ne peut pas tous les sauver. Ce serait du suicide.

Il voit que je ne l'écoute pas. Je n'en ai rien à faire de ses explications. Cependant, il continue.

– Écoute, je sais que l'idée de les abandonner t'est impensable, mais c'est soit ça soit on crève tous, tu comprends ?

Je le regarde dubitative. Je sais pertinemment qu'il a raison. Mais je ne peux pas me résoudre à les laisser mourir. C'est trop horrible. Trop affreux. Trop inhumain. Je les aime comme mes frères et sœurs. Ils ne méritent pas qu'on les abandonne ici.

Malheureusement, le seul moyen que l'on reste en vie est de jouer les égoïstes. Et c'est l'une des pires décisions que j'ai à prendre de ma vie. Je déteste ce que je m'apprête à faire. J'ai déjà causé assez de dégâts dans ma vie pour en commettre d'autres. Sauf qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort, et si je veux survivre, je dois m'enfuir.

Contaminés ( SOUS CONTRAT D'EDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant