1878: la promesse

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Diénah est morte! L'information fait tâche d'huile et se répand comme une traînée de poudre. L'hôpital se remplissait de monde à une vitesse vertigineuse. Les gens entraient et sortaient comme dans un restaurant ou un bar. Les premières hypothèses émergent de la langue des commères.
- mom déwam bi da gaw! Da melni daniou ko liguey!
- Dédet degg na fébar bou yagg si mom leu
- Wala niou thiatou ko rek. Fane yi passé dafa beurri wone niouy wax si mom

Braheem et ses frères étaient mis à l'abri dans une salle d'attente loin des curieux et ceci n'a pas empêché certains entêtés de les y rejoindre. L'un d'entre eux questionna les enfants avec un cynisme aigu:

- quand est-ce que votre mère est morte? Dafa fébarone wala?

Braheem se leva avec une mine renfrognée :

- foutez nous la paix pour une fois! Guéneu leen!
- ah ki mom kanie la tambalé wax! Nioun kay daniouy dem. Fitt bissi sa yaye yeup mongui si yaw dé.
- laissez nous tranquilles

L'enfant les poussa de toute ses forces et ceux ci finirent par s'en aller. Il resta debout tout en sueur avec les yeux rouges qui dégageaient une certaine détermination, de la haine, ou alors de la colère.

- je suis en colère se dit-il ! En colère colère contre tata Fatim qui est à l'origine de toute cette histoire, en colère contre tonton Bocar qui a envoûté maman, en colère contre cette société hypocrite et menteuse, en colère contre la vie qui ne qui me prend tout les êtres qui me sont chers, en colère contre Dieu, ce vieux barbu qui me regarde sans rien faire. Dieu? Qui est-il? Pourquoi ne se manifeste t -il jamais? Existe t-il? A vrai dire je m'en fiche pas mal.

Vers 14h, Alexis le témoin de jehovah foula la porte de l'hôpital. Il était toujours aussi orthodoxe quant à sa manière de s'habiller. Cependant il n'était pas calme comme il l'était d'habitude. Les cernes sur sa figure laissaient présager qu'il n'avait pas dormi depuis un bon moment. Il posa sa bandoulière sur une chaise et demanda:

- où sont ils? Où sont les enfants?
- Dans la salle derrière!
Répondit un vieux.
- merci!

Alexis toqua poliment à la porte avant d'entrer.

- comment aller vous mes petits ?
- Ça va!

Répondit timidement l'aîné.

- avez vous mangé quelque chose? Vous semblez épuisés.
- Nous n'avons pas faim
- J'ai de petits présents pour vous. Mais bon! On verra ça plus tard.

Le médecin entra à son tour.

- Ah monsieur Alexis jacky! Je vous attendais depuis ce matin.
- Oui! Je m'excuse. J'ai dû faire mes bagages à la hâte de plus les embouteillages ne m'ont pas aidé. Mais j'ai fais le plus vite possible.
- D'accord je comprend. Vous savez ... euhh venez on s'éloigne un peu...; je vous ai appelé car on n'a pas identifié de proches qui pouvaient récupérer les enfants. Le voisin qui les a amenés se dit incapable de prendre en charge 4 enfants en plus des siens pour des raisons évidentes, et il faut avouer qu'il n'a pas tort. Je ne sais pas comment nous allons faire avec eux.
- Je sais! J'avais connaissance de leur situation c'est pour ça qu'ils habitaient dans nos locaux à titre gratuit. Nous avons des services qui peuvent les prendre mes je ne sais pas si j'en ai le droit.
- Justement! Elle vous a identifié comme tuteur légal.
- Ahhh Diénah! Toujours aussi perspicace.
- Disons qu'elle a anticipé les choses.

Braheem suivait scrupuleusement la discussion, il restait attentif, et en voyant les deux hommes marmonner il se mît à ruminer:

- toujours le même schéma! Toujours les autres qui décident à notre place ! Toujours les autres qui sculptent notre devenir et qui délimitent notre avenir. En tant que petits ou faibles êtres on ne nous demandent jamais notre avis ne serait-ce que pour le prendre en compte. Les adultes sont censés tout savoir, pas étonnant qu'ils se gourent souvent en croyant faire juste. Leur condescendance les mènent directement à leur perte. Ce sont les parents les maris et les aînés, bref tous ceux qui sont, dans la stratification sociale on dessus de nous qui posent leurs droits de veto sur notre propre vie. Injuste hiérarchie qui étouffe et annihile des désirs, rêves et d'innombrables volontés.

Braheem: la prémonition Où les histoires vivent. Découvrez maintenant