KALEA

Chapitre 2

Jai limpression de traverser un labyrinthe. Le garde qui marche devant moi tourne à gauche puis à droite sans se soucier que je cours presque pour suivre sa cadence. Je nai que peu de temps pour admirer la décoration des couloirs que nous traversons mais jen ai déjà plein les yeux. Lustres, moulures, tableauxMême les plus insignifiantes babioles transpirent le luxe.

Le palais a été agrandi et rénové il y a dix ans pour renforcer sa sécurité et protéger Elias, le prince et unique héritier de la famille royale. Tout est plus grand, plus trompeur. Je suis certaine quun chemin bien plus court existe pour se rendre jusquà la salle de réception. Cela fait déjà plusieurs minutes que le garde me fait tourner en rond dans tout le palais et tout autant de temps que je me retiens de le plaquer contre un mur et lui ordonner de me conduire sans détour jusquà notre destination, sous peine dune mort lente et douloureuse. Mais le pauvre a sûrement reçu lordre demprunter un chemin plus long et semé de tournants inutiles dans lunique but de me perdre. Une mesure de sécurité qui peut sans doute paraître superflue mais qui est en réalité plus que nécessaire pour assurer la protection du palais.

- On arrive bientôt ? Je grogne.

Le garde sarrête soudainement devant une large double porte et je manque de lui foncer dedans. Sil suffisait de demander...

- Lorsque vous entrerez avancez jusquà la moitié de lallée et saluez le roi et la reine, minforme le garde. Parlez dune voix claire et utilisez un langage respectueux. Pour les saluer correctement vous devez-

- Je connais les règles, je le coupe en ouvrant moi même la porte.

Je franchis le seuil de la salle avant que le garde ne puisse me retenir. Il se contente de refermer la porte derrière moi en grommelant dans sa barbe sur les jeunes de nos jours.

Je profite de ma traversée de la pièce pour lobserver. Tout un bâtiment a été construit il y a dix ans et cette salle en fait partie, ce qui veut dire que je nai jamais eu loccasion de la voir. Elle est gigantesque, plus que la précédente salle de réception. Toute en longueur, elle se termine par un mur recouvert de vitraux à couper le souffle. Les murs latéraux sont recouverts de moulures dorées et de papier peint rouge, soulignant le caractère royal de la pièce. Un long tapis rouge la traverse sur toute la longueur pour sarrêter seulement devant lestrade où sont posés trois somptueux trônes sur lesquels sont assis le roi et la reine. Le siège du prince est vide.

Javance dun pas rapide sous le regard du couple royal jusquau milieu du tapis. Je pose un genou au sol et écarte les bras tout en baissant la tête comme on me la appris il y a si longtemps. Je compte jusquà trois dans ma tête et me relève pour mavancer de quelques mètres supplémentaires. Je marrête à bonne distance de lestrade tout en étant assez proche pour ne pas avoir à crier pour me faire entendre.

Maintenant que je suis assez près pour observer distinctement le roi et sa femme, je devine quils mont reconnue. Je men suis douté dès que jai franchis le seuil de la pièce, à la manière dont ils se sont redressés sur leurs sièges. Je pense avoir pas mal changé en dix ans mais le teint hâlé et la chevelure de jais que je tiennent de mon père ainsi que mes iris colorées en une multitude de teintes de vert, héritage de ma mère, sont les vestiges de la fillette de neuf ans que le roi et la reine ont connue. La façon dont ils me scrutent dorénavant de haut en bas me le confirme. Les yeux ne trompent jamais. Les leurs, du bleu profond caractéristique de la lignée royale, sont parcourus dune infinité démotions, parmi lesquelles jai limpression dy lire une pointe de culpabilité. Ou peut-être nest-ce que le fruit de mon imagination, parce que cest ce que jaimerais quils ressentent à ma vue.

- Cela fait longtemps, commence la reine dune voix douce qui fait ressurgir de nombreux souvenirs dans mon esprit, certains plus agréables que dautres. Cest bon de te revoir, Ele-