Deux mois. Deux mois que je n'avais pas quitté l'enceinte de l'oppidum. Deux mois que je n'avais pas goûté à la liberté.
Du haut des remparts, j'observais avec dédain les constructions des envahisseurs. De ces maudits envahisseurs.
Les Romains s'étaient rassemblés dans la plaine, construisant une double ligne de fortifications appuyée sur des fortins autour de la ville. La première ligne était longue de près de trois lieues, et nous empêchait de sortir d'Alésia. Une autre, plus à l'extérieur, longue de plus de quatre lieues, servait de protection aux légions romaines si nos renforts tant attendus arrivaient à temps.
Chaque jour, nos sentinelles guettaient sans relâche le sommet des collines, espérant voir apparaître l'armée de renforts promise. Malheureusement, il n'y avait toujours rien... Viendraient-ils ou nous laisseraient-ils mourir derrière nos murs ?
Au bout du vingtième jour de siège, mon père, Vercingétorix, voyant nos hommes mourir de faim à petit feu et les Romains nous couper toute voie de réapprovisionnement, prit une décision terrible. Les femmes, les enfants et les vieillards devinrent des fardeaux, incapables de se battre. Afin de préserver nos vivres, mon père décida de les évacuer, espérant que César les laisserait franchir les lignes. Ce n'était pas des combattants, pourquoi les empêcheraient-ils de partir ? Mais, César, impitoyable, ne les avait pas laissé passer. Les malheureux avaient tenté de faire demi-tour, mais mon père ne pouvait plus revenir sur sa décision. Les portes de la forteresse s'étaient refermées derrière eux pour toujours.
Tous étaient morts, entre les deux lignes de fortifications. Leur lente agonie avait duré des jours... Morts de faims, mort de soifs, permettant par ce sacrifice de nourrir quelques guerriers.
J'entendais encore leurs cris de lamentations lorsque je fermais les yeux, nous conjurant, nous suppliant d'ouvrir les portes. Mais nous n'en avions rien fait. Nous ne pouvions pas risquer une invasion soudaine des Romains. Leur sort était scellé à l'instant-même où ils avaient posé le pied sur cette terre entre les deux camps. Cette terre damnée, cette terre de mort où seuls les corbeaux se disputaient les restes des malheureux allongés dans la boue.
J'aurais dû faire partie de ce sinistre cortège, mais, égoïstement, mon père avait refusé, arguant que César pourrait se servir de moi pour le faire fléchir. La vérité était qu'il se refusait à me condamner à une mort certaine.
Car nous savions ce qui se passerait. J'avais l'horrible impression d'avoir trahi les miens, de les avoir condamnés à une mort effroyable. C'était insupportable... Comment auraient-ils pu passer ces maudites lignes de fortifications ?
Dans chaque ligne, il y avait des fossés, remplis de petits pieux terminés par de pointes de fer. Notre cavalerie était inefficace contre ce genre de piège. Enfin... Cavalerie était un bien grand mot pour qualifier le petit nombre de chevaux qui nous restaient. Nous avions mangé les autres pour survivre.
Nous ne pouvions pas sortir. Ni nous ravitailler. Les Romains attendaient patiemment notre reddition.
Si nous ne faisions rien, alors nous allions mourir, et Alésia deviendrait notre tombeau.
Cela, mon père l'avait très bien compris. Toute la nuit, il avait travaillé sur la stratégie à adopter. Cette dernière bataille était notre seul espoir d'être libres, débarrassés de l'ennemi romain.
Vercingétorix comptait sur l'appui de son cousin, Vercassivellaunos : l'homme qui avait notre destin entre ses mains, l'homme qui devait nous rejoindre, accompagné d'une troupe d'élite. Assez pour vaincre César et ses dix légions, massés sous nos murailles. Du moins, s'ils arrivaient un jour...
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Alea Jacta Est (trilogie) (Édité)
Historical FictionAlésia. -52 Mon histoire commence il y a plus de 2000 ans. Les Romains, peuple de guerriers mené par Jules César, ont attaqué mes terres. Ce fut, pour la mémoire du monde, la terrible guerre des Gaules. Ils ont attaqué ma tribu que je chérissais, to...