CHAPITRE 6

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« C'est effrayant cet univers sans fond et sans limite, qu'on appelle la pensée. »
— Victor Hugo.

ISABELLA.

– Je vais bien.

Je me mord l'intérieur de la joue car malgré la tonne de crème appliquée sur ma peau, elle me fait atrocement souffrir après tout ce que je lui ai infligée. À l'abri des regards, je couvre mes mains de bandages.

– Regarde tes mains, quelqu'un qui va bien n'aurait pas les mains couvertes de bandage, dit-il.

Je vais bien.
Je vais bien.

Il reste là, appuyé contre le mur sans rien dire. Je soupire, longuement, laissant mon regard se poser sur mon reflet dans le miroir des toilettes.

– Tu devrais aller parler à ta grand-mère.

Ma respiration se coupe alors que tous mes muscles se crispent. J'inspire et expire, encore et encore. Un nœud se forme dans mon estomac.

Je ne devrais pas être celle qui fait le premier pas, je ne suis pas en tort. Alors pourquoi j'ai l'impression que tout ça est de ma faute ?

Ce n'est pas de ma faute.

– Non. Je n'ai rien de mal, tu étais là, non ? répondis-je, en le contournant pour finalement sortir des toilettes.

Je l'entends me suivre, m'appelant en vain.

Je soupire et me masse la nuque. Je me laisse tomber sur le banc, face à mon casier. Je renifle et retire mes patins. Mes pieds me font souffrir le martyr alors je reste un instant sans bouger, les laissant ainsi se reposer.

Je sens les battements de mon cœur ralentir et ma respiration s'alourdir. Rien de tout cela ne me dérange, pourtant je ferme les yeux et me courbe. Je n'ai pas mal mais je sens tout mon corps me brûler.

– Isabella...

Sa main sur mon dos m'irrite. J'inspire et expire puis relève la tête, comme si de rien était.

– Je trouverais un endroit où dormir ce soir, remercie tes parents pour moi, dis-je en attrapant finalement mon sac.

Je sors de la patinoire sans me retourner. Ma tête va exploser alors j'ai besoin de m'en aller le plus loin possible d'ici. Je monte dans le premier bus que je vois, sans me soucier de sa destination.

J'éteins mon téléphone et laisse ma tête se reposer sur la vitre. Mon cœur est lourd, si lourd que j'ai l'impression qu'il pèse une tonne. Mon cerveau est comme en ébullition, je n'arrive pas à le faire taire.

Une certaine colère monte en moi, elle est tellement confuse et inexplicable. J'ai l'impression de devenir complètement folle...

Je vais bien.
Je vais bien...

L'air se rafraîchit légèrement et je m'accorde le droit d'apprécier ce moment. Je m'accorde aussi le droit de laisser mes muscles se détendre.

J'inspire et expire, longuement.

Mes yeux sont clos, je ne pense plus à rien. Je me laisse attirer par cette obscurité profonde, car en fin de compte c'est ce qui fait le plus de bien. Ou plutôt le moins de mal.

Pour une fois, je ne pense à rien. Je ne pense pas à cette douleur qui a envahi mes mains, je ne pense pas à celle qui brise chacun de mes os. Pour une fois, mon esprit est silencieux.

Je n'ai plus l'impression d'agoniser. Je peux enfin respirer sans culpabiliser. Je sens mes cheveux bouger au rythme du vent, un poids s'envole et apaise mon cœur

Chuchotement d'un AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant