Chapitre 11

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  Les jours se succédaient à un rythme effréné. Levé six ou sept heures, petit déjeuner à huit, puis classe avec le professeur Langlois, toujours aussi charmant. A midi pétante, le dîner était servi dans la grande salle à manger, en compagnie de la Solitude depuis leur dernière altercation. S'en suivait une après midi chargée, alternant entre les cours de danse, de bienséance, de musique et les nombreux rendez-vous concernant le mariage. Jamais vraiment à l'heure pour le souper, elle se restaurait, dépourvue de partenaire. Seul Sebastian se tenait devant la porte de la pièce, laissant la jeune femme face à une table infiniment longue et morne. La demoiselle s'en retournait à sa chambre suivit de son domestique qui l'abandonnait dès le seuil franchi. Comme chaque soir, malgré la fatigue, elle s'obligeait une heure de révision pour les cours du lendemain. Les cernes, peignant son regard, trahissaient son manque cruel de repos. Marie tirait sur une corde près de sa coiffeuse et Suzanne se présentait dans la minute, l'aidant à ôter chacune des magnifiques toilettes dont elle était parée. Mais leurs beautés ne lui sautait nullement aux yeux, elle n'en avait pas le temps. Contempler les robes était un loisir que la demoiselle ne pouvait s'octroyer.

Ce soir-là, après avoir suivi ardemment ses classes et s'être présentée aux différentes réunions, elle se dirigea d'une allure traînante jusqu'à la salle à manger. Comme depuis deux semaine, elle s'apprêtait à souper au devant du mur blanc. Sebastian l'annonça comme il le faisait depuis quinze jours, à l'espace vide de l'autre côté du battant.

Marie entra la tête haute, dégageant toute sa détermination pour prouver à ses domestiques que la situation ne la chamboulait aucunement, ou peut-être voulait-elle s'en persuader. Face à elle se trouvait la grande table, son assiette trônant à l'exact emplacement que les jours précédents. Au bout du long panneau de bois se présentait une autre assiette. Une autre assiette ? La demoiselle leva les yeux et au lieu de voir le constant mur délavé, elle constata la présence du Comte. Ce soir enfin elle ne serait pas seule finalement. Un sentiment de soulagement s'empara de son cœur, ne pouvant plus s'empêcher de contempler son futur époux. Heureuse d'enfin sortir de cette perpétuelle routine exténuante.

- Madame. La voix du jeune homme se répandit, chantant parmi le silence installé depuis trop longtemps.

- Monsieur, murmura la demoiselle.

Ils s'installèrent sur leurs chaises tant éloignées. Sans un regard pour la jeune femme qui ne pouvait détourner le sien de peur qu'à nouveau il ne s'évapore, Jehan débuta le repas, piochant dans les différents plats que lui proposaient les domestiques.

- Et bien, vous ne mangez pas ? questionna-t-il agacé.

Marie sortit de sa transe et disposa quelques mets dans la porcelaine. Elle ne grignotait que timidement, prise d'une angoisse soudaine quant à la présence imprévue de son futur époux.

Il déposa ses couverts et mit fin à la tension manifeste qui s'était érigée dans la pièce.

- Je tenais à vous informer de ma satisfaction quant aux dernières semaines. Débuta-t-il d'un ton neutre. Votre assiduité me permet de vous apprendre que tous les préparatifs du mariage sont arrangés et donc que vous n'avez plus aucune obligation auprès des prestataires. Puis il ajouta. De la même manière, j'ai fait annuler chacune de vos classes pour la semaine à venir.

Un sentiment d'apaisement parcouru le corps de Marie, laissant derrière lui une traînée de frissons.

- La cérémonie arrivant à grand pas, vous vous devez d'être reposée et opérationnelle pour prouver à la haute société votre capacité à être la parfaite Comtesse. Je compte sur vous, Madame. Compléta-t-il en rivant ses yeux sur la mine déconfite de son interlocutrice.

1775Où les histoires vivent. Découvrez maintenant