J'entrouvris les yeux pour les refermer aussitôt, éblouie. Le soleil perçait déjà les rideaux légers de mon appartement. A contre cœur, je me redressai, seule sur mon grand lit. Combien de temps avais je dormi ? Le soleil semblait s'être levé depuis quelques heures déjà, bien que nous étions au beau milieu de l'hiver. Il devait être vers les onze heures.
Je sautai sur mes pieds et saisis une gilet pour couvrir mon corps en sous vêtements, gelé, laissant ma couette entortillée au bord du matelas. Un coup d'œil à mon réveil électronique: Lundi. J'étais au retard. Tellement au retard qu'il n'était même pas la peine de se dépêcher.
Je trainais les pieds jusqu'à ma petite salle de bain, et pris une longue douche brulante. J'adorais la sensation de l'eau qui dégoulinait sur mon corps, comme à l'infini. J'avais l'impression de n'être rien, de ne faire qu'une avec elle. C'était agréable. Mais toutes les choses avaient une fin, et avec difficulté j'en sortis, saisissant mon uniforme de secrétaire parfaitement plié, posé sur l'étagère en hauteur.
Je m'habillai devant ma fenêtre, me fichant des regards indiscrets qu'il pouvait avoir sur moi, le regard rivé sur Buckingham Palace qui semblait briller même son le verglas. Le Londres hivernal offrait une beauté poétique mais bien mélancolique. Un peu comme moi, au final.
Mon portable vibra dans mon trench sur le porte-manteau. Il était l'heure. J'enfilai mes escarpins, mon manteau, une écharpe au hasard et juste avant de sortir, je l'attachai mes cheveux en une queue de cheval haute et d'un blond foncé terne. Le règlement. Soudain, je fus prise d'un doute. Je descendis mon écharpe, laissant une partie de ma nuque a découvert. La marque de morsure de ma partie de jambes en l'air de samedi était encore assez visible. Je sentais que j'allais bien me faire railler au bureau...
Sans perdre plus de temps, je pris mon sac à main et franchis la porte en prenant soin de refermer derrière moi, ce qui n'était pas toujours le cas. Une fois en bas, je hélai un taxi, mais celui-ci cru bon de m'ignorer et me passa sous le nez et d'au passage, répandre de la boue gelée sur mes mollets. Je jurai à voix basse et entrepris donc le trajet en courant. Ce qui était d'ailleurs une mauvaise idée, puisqu'à peine quelques foulées, que mes talons glissèrent sur le verglas et je tombai en avant, me rattrapant de justesse avec un lampadaire. Un autre taxi passa, et s'arrêta devant moi. Enfin ! Je soupirai de soulagement et m'engouffrai a toutes vitesse dans le véhicule chauffé, me promettant de donner un pourboire a ce brave homme.
Durant, le trajet, je m'appuyai contre la fenêtre recouverte de buée et d'une fine couche de glace, et je regardai les voitures et les bus défiler, ainsi que les bâtiments et les boutiques, m'autorisant à rêver. Ma vie, malgré tous mes efforts pour la changer, n'était qu'une routine morne et éternelle. Je passai mes journées derrière un bureau, a organiser l'emploi du temps de supérieurs que je ne connaissais pas, à être aimable au téléphone, puis je sortais dans le centre-ville, arpentant sans but, bars et musées.
Quand le soleil se couchai, j'allais en boîte, dansant jusqu'au bout de la nuit, ne pensant plus a rien et ramenant de temps à autres un copain avec moi. Je les multipliais, je n'arrivai jamais a conserver une relation durable et sincère, malgré toute ma détermination. Dans mon entourage, j'étais la seule femme de mon âge encore célibataire, sans enfants, avec une vie bien rangée. Ce n'était pas très sérieux.
Il fallait d'ailleurs, que je n'y remette, puisque mon dernier copain en date, Brice, m'avait plaquée juste après m'avoir fait cette fameuse morsure. "Juste pour le sexe" il avait dit. J'avais juste haussé les épaules. J'étais trop habituée à la situation. De toutes façons, je ne l'aimais plus depuis quelques semaines. Je m'étais lassée. Face à ma réaction, il avait pris un air blessée. Ah, l'ego des hommes...
Le taxi s'arrêta brusquement. J'étais arrivée à destination. Enfin presque. Le MI6 était une entreprise des plus discrètes, et pour la sécurité et la protection de celle-ci, ses employés s'arrêtaient quelques rues avant, feignaient d'entrer dans un bâtiment au hasard pour ressortir par derrière et rejoindre notre vraie base. Notre réseau était immense, étendu dans tout Londres, que dis-je, dans toute l'Angleterre ! Le lieu où je travaillais n'était qu'un assortiments de bureaux, avec, à son sommet les bureaux secondaires de supérieurs quand ils passaient pour des inspections, ou autres affaires. Je sortis donc du taxi, ayant payé le chauffeur avec un pourboire, comme promis, pour me diriger vers le Musée d'Histoire Naturelle. Je rentrai, attendis quelques minutes, puis pris la porte de derrière réservée aux employés. Ainsi, je pus rejoindre sans encombres mon bureau.
La première chose que je vis quand j'entrai dans le bâtiment, c'était une pagaille inexpliquée. Toute personne présente semblait stressée, mettait du zèle à la limite du ridicule dans ce qu'elle faisait. Qu'est ce qui se passait ? Personne non plus ne railla mon retard excessif. Etrange... Je ne m'y attardais pas trop longtemps, et montai à mon étage respectif. Là haut, même cirque qu'en bas. Mon scepticisme grandissant, je m'installai à ma place, et enlevai mon manteau et mon écharpe. J'entendis aussitôt le gloussement de mon voisin et meilleur ami, Paul.
"-On a eu une bonne nuit à ce que je vois !" lança t-il
"-Bah, il m'a largué juste après donc ça fait le contrepoids." Je haussai les épaules tout en allumant mon ordinateur.
"-On va au café après le boulot ? Tu n'as pas l'air en forme."
Je détournai mes yeux de mon écran pour lui sourire. Il avait toujours été extrêmement adorable avec moi, et ce, depuis notre premier échange. J'étais assez discrète et n'avait pas énormément d'amis, il était donc la première personne en qui j'avais confiance, ayant rompu tout lien avec ma famille.
Après le travail, il proposait toujours de m'accompagner, et il savait reconnaître les jours comme celui-ci, où mon humeur tirait vers la mélancolie. Les français avaient un sens de l'intuition supérieur aux Londoniens pur souche comme moi, enfin c'est ce qu'il assurait. J'aurai pu faire de lui mon compagnon assez facilement, mais je n'oserai pas risquer de briser cette amitié qui m'était devenue presque vitale.
"-Les matins d'hivers me rendent un peu triste... Au fait, qu'est ce qu'ils leur arrivent ? On dirait qu'ils travaillent comme si c'était le dernier jour !" demandai-je, toujours curieuse.
"-Je t'ai envoyé un texto, tu ne l'as pas reçu ?" répondit-il, étonné "Un des grands patrons est de passage aujourd'hui !"
Je retins mon souffle. C'était donc pour ça que mon portable avait vibré ! Je me mordis la lèvre et me mis, à mon tour à travailler avec une ardeur passionnée. J'étais arrivée tellement au retard, je risquai de me faire virer ! Mon cœur faisait le mille à l'heure et coordonnait parfaitement à la vitesse à laquelle je frappai frénétiquement les touches.
Mon dos se vouta malgré moi, et toutes les tâches stupides, les besognes de mes supérieurs me semblèrent d'un seul coup briller d'une importance sans borne. Paul me fixa, médusé, durant quelques minutes, puis éclata de son rire bruyant et moqueur, me faisant une fois de plus stoppée dans ma tâche:
"-Wah Calmos ! Il n'est en inspection que cet après midi ! Ce matin, il reste cloitré dans son bureau à éplucher des dossiers d'importance ! Tu es aussi paranoïaque que les autres toi !"
Je grognais et me détendis, pendant qu'il continuait de rire aux éclats, attirant l'attention des collègues aux alentours.
Ma matinée fut bien entendu très courte, suite à mon retard de grande envergure et l'heure du déjeuner arriva bien vite. Mais voulant rattraper mes heures perdues, je ne bougeai pas de ma place, continuant de trier, organiser, et appeler. Paul, telle une bonne fée, me pris un sandwich que je pus avaler entre deux taches minimes. Je ne sus pas quand l'après midi commença réellement, mais je continuai à travailler sans relâche, ne pensant plus à rien.
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"You can stay Under my Umbrella..." (Mycroft x OC )
Fanfiction"Caring is not an avantage..." Et pourtant, il tombera dans ce piège une seconde fois...