XVII - Ryo

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Mardi 4 Avril 2006

Après deux semaines d'intense collaboration avec Shinichiro, je peux certifier une chose : la joie que je ressens en travaillant sur des motos est une sensation incroyable, que j'avais oublié et que je ne pensais jamais retrouver. De manière générale, ces deux dernières semaines ont été comme une succession de révélations pour moi. Je reste lucide, je sais que je suis loin d'être redevenue l'ancienne Ryo. Mais, c'est comme si mon cœur, compressé depuis un an, acceptait de battre à nouveau. C'est un nouveau souffle, je me sens comme renaître. Certes, je reste la plupart du temps la Ryo stoïque et de marbre, mais il m'arrive de plus en plus de laisser mes émotions s'exprimer. Bien sûr, Shinichiro est loin d'être étranger à tout ça. Sa joie de vivre permanente, sa bonne humeur dès le matin, ses blagues ponctuant nos journées de travail... toutes ces petites choses font que je me laisse de plus en plus aller, tout du moins, avec lui. Je laisse parfois échapper ma frustration ou mon énervement. J'accepte de sourire quand il me fait un compliment sur mon travail, et, surtout, j'essaie de lui parler un peu plus, de mon confier. Rien de très personnel, mais c'est la première personne depuis un an à qui je raconte autant de choses.

On a pris l'habitude, ces deux dernière semaines, de terminer nos journées de travail par une bière, dans son appartement. C'est dans ces moments où je me sens le plus à l'aise. Au début, après cette première soirée et ce jeu qui a plus ou moins posé les bases entre nous, on évoquait simplement les motos, le travail, parfois nos semaines respectives. Mais au fur et à mesure, on a commencé à s'ouvrir l'un à l'autre. Lui, plus facilement, m'a parlé de ses frères et sœurs, de ses amis, de son passé dans un gang. Moi, n'ayant pas grand chose à lui raconter sur mon entourage, lui parle surtout des Ivoiry Angels, et des gens qui y sont, omettant bien évidemment Tama. Dans notre deal, il m'avait promis de ne pas évoquer ce sujet, mais en réalité, tant qu'il ne me rabâche pas de quitter le gang, en parler avec lui est plutôt plaisant. Il se montre très attentif, à l'écoute, et je suis tant soulagée. Tellement reconnaissante d'avoir rencontré cet homme, que la vie l'ait placé sur mon chemin. Parfois, je me dis que je ne le mérite pas, que je ne lui apporte rien, mais j'essaie de vite chasser cette idée. S'il y a bien quelqu'un avec qui je dois m'interdire d'avoir ce genre de pensée, c'est Shinichiro.

Ce mercredi soir, on est justement en train de monter à son appartement, histoire de s'autoriser notre bière quotidienne. Cependant, contrairement à d'habitude, cette fois, il m'a proposé de rester manger. D'après lui, son frère Manjiro dort chez lui ce soir, et donc, comme il doit cuisiner pour plusieurs dans tous les cas, une bouche de plus à nourrir ne le dérange pas. J'accepte avec plaisir, satisfaite de ne pas avoir à me contenter de mes piètres compétences culinaires ce soir.

Une fois en haut des escaliers, on se dirige vers la cuisine, et tombons effectivement sur le petit frère de Shinichiro. Ce dernier semble contrarié, et s'enfile un paquet de chips, perché sur son tabouret, regardant dans le vide. Shinichiro vient le décoiffer pour le saluer, ce qui fait râler le jeune adolescent.
« Comment va mon petit frère adoré ? lance l'aîné avec beaucoup trop d'entrain.

—Lâche moi, t'es relou.

Le noiraud se retourne vers moi en secoue la tête, les mains sur les hanches.

—Ça grandit trop vite, ces machins là. T'as vu comment il me parle ?

Je hausse les épaules, un début de sourire en coin, attendrie devant leur relation. Il s'adresse à nouveau à son petit frère, lui adressant une légère pichenette sur le front :

—Et dis bonjour à Rio, bon sang ! Qui t'as élevé ?!

Le jeune blond, qui n'avait probablement pas enregistré ma présence lui lance un regard noir avant de tourner ses yeux vers moi, me toisant légèrement.

Down in the mouth : Mikeyxoc et ShinichiroxocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant