Un brouhaha au bas de l'escalier. Tu t'es levé avec brusquerie. Tu as fouillé dans ta poche et tu en as sorti une petite pierre rose, toute brillante, que tu as déposée dans ma main, la plus belle de toute ta collection de trésors. Et là, dans le miroir brouillé de nos larmes, tu m'as fait la plus improbable promesse qu'un gamin de pas tout à fait six ans puisse faire :
- Sois pas triste, Noëlle de ma vie. Je ne t'oublierai jamais. Un jour, je te retrouverai. Je te le promets sur mon cœur !
Par la fenêtre du salon, je t'ai regardé partir. Tu as eu le courage de ne pas te retourner.
J'ai suivi ma famille vers l'inconnu, en vivant mon immense chagrin d'amour incompris. Autour de moi, personne n'a senti cette absence intolérable qui m'empêchait de sourire et de m'émerveiller. Tous pensaient que le temps et les découvertes à venir allaient arranger les choses. J'ai traversé mon enfance comme une voyageuse solitaire. Je suis devenue une fillette grave, trop vieille et trop mélancolique.
Pendant des années, j'ai espéré te revoir. J'ai attendu un miracle, un signe de toi. Nous revenions de temps à autre dans notre pays, surtout durant les vacances pour voir nos grands-parents, mais jamais à Montréal où tu habitais. Nous avions perdu le contact. Les promotions successives de papa nous ont fait voyager sur plusieurs continents. À la longue, notre extravagante errance m'a presque consolé de ta perte, sans jamais me la faire oublier.
Je crois que si j'ai réussi à grandir, c'est parce que je n'ai jamais oublié ta promesse. « Un jour, je te retrouverai, Noëlle de ma vie ! » Dans un coin de mon cœur d'enfant, je n'ai jamais cessé de t'attendre.