Zaia
Les ténèbres m'engloutissaient lentement, me plongeant dans un abîme sans fin. Chaque respiration devenait une lutte, chaque battement de mon cœur résonnait dans mes tempes comme un tambour assourdissant. Mon corps, brisé, était alourdi par une douleur qui me clouait au sol, incapable de bouger, incapable de penser. Autour de moi, l'air était saturé de fumée, de cendre, et de terreur.
Je savais que je ne devais pas succomber à l'obscurité, mais la lumière se dissipait, se faufilant hors de ma portée. La terre froide sous moi semblait absorber les dernières traces de chaleur qui me restaient. Les pierres rugueuses incrustées dans mon dos m'enfonçaient encore plus dans ce sentiment d'inévitabilité. Je sentais que la fin approchait.
Autour de moi, des éclats de voix et des cris de douleur résonnaient encore, mais ils étaient de plus en plus lointains, comme si le monde qui m'entourait s'éloignait de moi, ou peut-être étais-je celle qui s'en éloignait. Les bruits de combat, les effondrements, tout cela était un écho déformé par le brouillard qui envahissait mon esprit.
C'était la fin. Je l'avais accepté.
Mon esprit, tourmenté, cherchait encore à comprendre comment cela avait pu arriver. Comment les enchantements d'Elaris, qui nous avaient protégés pendant des siècles, avaient-ils pu tomber ? Comment les Tahaar, ces humains que nous pensions si faibles, avaient-ils pu franchir nos défenses ?
Nous avions sous-estimé leur volonté. Leur détermination. Ils s'étaient unis contre nous, et malgré nos pouvoirs, malgré notre lien avec la magie, ils avaient réussi à nous abattre. La cité des Velsyr, autrefois un bastion de grandeur et de sagesse, n'était plus qu'un champ de ruines. Et moi, j'étais sur le point de disparaître avec elle.
Mais alors que la brume de la mort m'enveloppait, j'ai senti une présence.
C'était faible au début, à peine perceptible, mais elle se rapprochait. Quelqu'un était là, une silhouette, une ombre dans la lumière mourante. Je luttai pour ouvrir les yeux, et à travers ma vision brouillée, je distinguai Ciliren. Ses cheveux noirs de jais étaient couverts de suie, sa robe déchirée et tachée de sang. Son visage, habituellement si serein, portait maintenant les marques de la fatigue et du désespoir, mais ses yeux... Ses yeux étaient toujours aussi brillants, animés par une force que je n'avais jamais vue chez elle.
Elle s'agenouilla à mes côtés, posant une main froide sur ma joue brûlante. Sa présence apportait un réconfort que je ne pensais plus possible de ressentir. Elle était là, avec moi, alors que tout semblait perdu.
— Ne pars pas, Zaia. Pas encore, murmura-t-elle, sa voix empreinte d'une détermination farouche.
Je voulais lui répondre, mais mes lèvres refusaient de bouger. Ma gorge était sèche, et la douleur me paralysait. J'étais sur le point de lâcher prise. Pourtant, Ciliren ne semblait pas prête à me laisser partir.
Elle posa sa main sur ma poitrine, juste au-dessus de mon cœur agonisant. Et soudain, une vague de chaleur émana d'elle, envahissant mon corps. C'était doux, réconfortant, mais aussi puissamment transformateur. Cette chaleur effaçait peu à peu la douleur qui me consumait.
Mon souffle, que je sentais faiblir, se stabilisa. Mon cœur, qui battait irrégulièrement, retrouva une cadence régulière. Je ne comprenais pas ce qu'elle faisait, mais je savais que quelque chose de plus grand que moi était en train de se jouer.
Son regard croisa le mien, et dans ses yeux, je vis une résolution inébranlable. Elle n'était pas là uniquement pour me sauver. Elle avait un but bien plus grand.
— Tu portes en toi une force que tu ignores encore, dit-elle, sa voix empreinte d'émotion. Une force qui doit être protégée, pour notre peuple, pour l'avenir des Velsyr.
Je sentis une énergie s'infuser dans mon corps, comme si les mémoires de nos ancêtres coulaient en moi. Des images défilèrent dans mon esprit, des paysages, des visages, des fragments d'histoires oubliées. C'était comme si tout ce que nous étions, tout ce que nous avions été, se transmettait à travers elle, à moi.
— Prends cette force, ajouta-t-elle en pressant davantage sa main contre ma poitrine. Laisse-la te guider. Elle est ton héritage. Tu deviendras notre mémoire, notre espoir.
Je ne comprenais pas tout ce qu'elle disait, mais je sentais la vérité de ses mots se graver en moi. Ciliren n'était pas là pour simplement me sauver. Elle me léguait quelque chose de bien plus précieux : l'histoire des Velsyr, leur savoir, leur magie, et tout ce que notre peuple avait défendu depuis des générations. Je devais devenir la gardienne de tout cela.
L'énergie autour de nous vibrait avec une intensité que je n'avais jamais ressentie auparavant. Une lueur entourait Ciliren, éclipsant même les flammes qui dévoraient encore la cité autour de nous. Cette lumière pulsait, se diffusant en moi, me remplissant d'une nouvelle force.
Et alors que mon corps se régénérait lentement, mon esprit s'ouvrit. Des visions déferlèrent en moi : des batailles oubliées, des visages d'ancêtres disparus, des chants anciens chantés par des voix depuis longtemps éteintes. L'histoire des Velsyr m'était transmise, non pas comme un simple souvenir, mais comme un fardeau que je devrais porter à jamais.
Ciliren retira sa main, visiblement épuisée par l'effort qu'elle venait de fournir. Elle me regarda avec une profonde tristesse, mais aussi une lueur d'espoir dans les yeux.
— Vis, Zaia, souffla-t-elle. Vis pour nous tous.
Elle vacilla en se levant, son corps affaibli par la magie qu'elle avait invoquée. Je voulus la retenir, mais mes forces me trahirent à nouveau. Mes paupières se refermèrent, et je sombrai dans l'inconscience, bercée par cette dernière lumière émanant de Ciliren.
Quand je me réveillai, la cité était plongée dans un silence étrange. Les cris, les hurlements de la bataille s'étaient éteints, ne laissant derrière eux que les échos lointains d'un monde qui s'était effondré. Les flammes qui dévoraient autrefois les bâtiments avaient laissé place à des cendres et des décombres fumants.
Je me redressai lentement, mes membres encore endoloris par la douleur. Mais quelque chose avait changé en moi. Je n'étais plus la même. Ciliren m'avait laissée avec un don, une malédiction peut-être. J'étais la gardienne de la mémoire de notre peuple. Une force inconnue pulsait désormais dans mes veines, plus puissante que tout ce que j'avais connu.
Je regardai autour de moi, cherchant une trace de Ciliren, mais elle était partie. Je savais que je ne la reverrais peut-être jamais, mais elle m'avait légué une mission sacrée. Les Velsyr ne tomberaient pas dans l'oubli. À travers moi, leur histoire vivrait.
Alors que je me levai, vacillant légèrement sur mes jambes, je sentis le poids de cette responsabilité s'installer en moi. J'étais désormais immortelle, liée à tout ce que notre peuple avait été et tout ce qu'il devait encore devenir. L'immortalité n'était pas un cadeau, mais un fardeau.
Je ne pouvais pas fuir. Je ne pouvais pas mourir. Pas tant que la mémoire des Velsyr n'aurait pas traversé les âges.
Je pris une profonde inspiration, et sous ce ciel assombri par les cendres, je compris que ma vie n'était plus la mienne. Mon cœur était habité par le passé, et mes pas me mèneraient vers un avenir incertain. Mais je savais une chose : je ne serais jamais seule.
Ciliren m'avait donné une nouvelle raison de vivre.
Et je devais honorer cet héritage.
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L'École d'Eltem - {T2}
ParanormalSuite aux événements survenus lors de la dernière simulation, Shae se doit de quitter Eltem. Isaak, Erwin et Sahin décident de l'accompagner pour assurer sa protection. Seulement, le périple à peine commencé, leur groupe fait déjà face à d'énormes d...