Chapitre 1: Dans L'Ombre de la Fuite

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Sahin 

Cela faisait des heures que nous avions quitté Eltem. La nuit nous enveloppait, froide et silencieuse, mais je savais que ce silence était trompeur. Le danger rôdait, invisible mais présent. Chaque bruissement dans les arbres, chaque souffle du vent semblait murmurer une menace. Isaak marchait en tête, toujours aussi impassible, mais je pouvais voir la tension dans ses épaules. Même lui, aussi solide qu'il paraisse, ne pouvait ignorer la gravité de la situation.

Je jetai un coup d'œil en arrière. Shae... elle luttait pour suivre. Son pas était lourd, et je pouvais voir la douleur dans chacun de ses mouvements. Elle essayait de ne rien montrer, mais elle ne trompait personne, surtout pas moi. Sa cheville avait pris un sale coup pendant l'attaque, et à chaque fois que son pied touchait le sol, je voyais son visage se contracter brièvement. Elle aurait dû demander de l'aide, mais comme toujours, elle se forçait à avancer, refusant de ralentir le groupe.

Isaak n'avait presque pas dit un mot depuis notre départ. Il semblait savoir où nous allions, mais je me demandais combien de temps encore il pourrait tenir cette façade. Je pouvais voir, sentir même, qu'il portait plus que la simple responsabilité de notre groupe. Il y avait autre chose, quelque chose qui le rongeait. Quelque chose dont je n'avais pas accès, pas encore. J'avais appris à ne pas poser de questions inutiles, pas avec Isaak, pas dans un moment comme celui-ci.

— Nous devons continuer encore un peu, murmura-t-il, d'une voix basse que seul celui qui écoutait attentivement pouvait entendre.

Je l'entendis, bien sûr, mais ce n'était pas pour moi qu'il parlait. Je sentais la fatigue nous peser à tous. Erwin ne disait rien, mais je savais qu'elle pensait la même chose que moi. Nos forces s'épuisaient. Shae, surtout, avait besoin de soins. La marche devenait difficile, et même si elle ne disait rien, je voyais bien qu'elle ne tiendrait pas longtemps.

Le chemin se fit plus sombre encore, les arbres formant une voûte dense au-dessus de nous. La lune, qui jusque-là nous avait offert un peu de lumière, semblait disparaître derrière les nuages. Chaque bruit me mettait en alerte, et je sentais le rythme de mon cœur s'accélérer. Les poursuivants n'étaient peut-être pas loin, mais nous ne pouvions pas continuer ainsi indéfiniment.

C'est alors qu'Isaak s'arrêta brusquement. Son regard scrutait l'obscurité devant nous, mais cette fois, il semblait hésitant. Je pouvais sentir cette légère pause dans ses mouvements, comme s'il n'était plus sûr de la direction à prendre. C'était inhabituel. Isaak n'hésitait jamais, il était toujours sûr de lui, implacable dans ses décisions.

Je fronçai les sourcils, me demandant ce qui pouvait bien causer ce moment d'incertitude.

— Isaak ? Soufflai-je, mais il ne répondit pas immédiatement.

Son regard oscillait entre deux chemins, puis finalement, il se décida et reprit la marche. Mais ce léger doute, cette fraction de seconde d'hésitation, ne me quittait pas.

Finalement, Erwin brisa le silence.

— Nous devrions nous arrêter bientôt.

Sa voix résonna dans l'air froid. Elle avait raison. Nous n'avions plus la force de continuer sans un moment de répit.

Isaak ne répondit pas tout de suite. Je savais qu'il hésitait encore. S'arrêter, c'était prendre un risque. Cela donnait à nos ennemis le temps de se rapprocher, mais continuer sans repos nous affaiblirait davantage. Finalement, il parla.

— Encore un peu plus loin. Il y a une grotte, pas très loin d'ici. Nous pourrons nous abriter là pour quelques heures.

Personne ne protesta. Nous n'avions pas le choix. Nous continuâmes à marcher en silence, chacun perdu dans ses pensées, espérant que la grotte offrirait la sécurité dont nous avions désespérément besoin.

L'École d'Eltem - {T2}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant