1.

15 1 0
                                    



Vendredi, 16h30

« Nora, ça fait des jours que je t'appelle, que je te laisse des messages tous plus ridicule les uns que les autres... Réponds-moi s'il te plait. Je sais qu'on a décidé d'arrêter tous les deux mais je ne m'attendais pas à ce que tu quittes la ville si vite. Je sais qu'on va mal, que tout va mal mais j'ai besoin d'entendre ta voix, de voir ton visage. Ne pars pas trop longtemps s'il te plait... Je...Rappelle-moi... »

Nora coupait son téléphone et le jetait sur le siège passager. Voilà deux ans qu'il lui avait laissé ce message. Deux ans qu'elle l'écoutait sans arrêt, pensant que cela l'aiderait à garder la face ou du moins à s'en convaincre. Elle soupirait longuement tentant de repousser la crise d'angoisse qu'elle sentait monter à mesure qu'elle s'enfonçait dans la forêt. Elle ne cessait de se ressasser les raisons pour lesquelles elle avait finalement accepté cette invitation et à mesure qu'elle les énumérait dans sa tête son estomac se nouait davantage. Pourquoi diable avait-elle décidé que ce serait une bonne idée.

La route qu'elle devait emprunter pour se rendre au manoir des Grant ne l'aidait pas à se détendre bien au contraire, elle roulait au pas, scrutant les environs avec vigilance. Elle traversait une première forêt sur une route sinueuse composée essentiellement de virages dont la visibilité n'était pas au beau fixe et elle avait beau avoir utilisé ce chemin des centaines de fois, elle ne l'aimait pas et détestait toujours autant conduire sur cette route.

La jeune femme se demandait s'il n'était pas trop tard pour faire demi-tour et rentrer chez elle, se glisser au chaud sous une couverture, à se morfondre devant un film d'amour accompagnée par un pot de glace et son chat. Après tout, elle n'avait pas répondu au message de Nathan, il ne saurait même pas qu'elle avait changé d'avis en cours de route et ainsi, elle parviendrait peut-être à faire disparaître le nœud qui torturait son estomac. L'expression « avoir le cul entre deux chaises » n'avait jamais été si bien représentée que dans sa situation. Ce n'était pas tant de participer à l'enterrement de vie de jeune garçon de Nathan qui la dérangeait, c'était plutôt tout le reste. Elle se sentait obligée d'accepter son invitation après ce qu'il avait vécu, ce qu'ils avaient tous vécu, dans cette maison, cet endroit. Tous ses amis qu'elle n'avait pas vue depuis deux ans, ses meilleurs amis, sa seule et unique famille et lui... Sera-t-il présent lui aussi ? Après tout, si la nostalgie s'était emparée de Nathan au point qu'il l'invite elle, pourquoi ne pas inviter les autres.

Ils étaient une famille. Ensemble jusqu'au bout. Comme ils avaient l'habitude de le répéter. Une famille. Parce qu'elle n'avait personne d'autre qu'eux dans la vie, ils étaient sa famille, tout comme elle était la leur. Mais deux ans s'étaient écoulés depuis ce drame dont plus personne n'avait jamais parlé et chacun avait pris un virage différent. Enfin, elle imaginait que les choses s'étaient passées comme ça parce qu'en réalité, c'était elle qui était partie, qui avait fui au moment où tout allait mal. Elle avait tout abandonné derrière elle et s'apprêtait à réapparaître comme si de rien n'était. Est-ce qu'ils l'avaient oublié ? Étaient-ils en colère contre elle ?

Sentant la bile remonter le long de sa gorge, elle s'efforçait de chasser ces pensées qui la rendait malade en baissant sa vitre pour laisser l'air glacial de la montagne lui fouetter le visage. Même les nombreux exercices de respirations qu'elle avait l'habitude de réaliser pour calmer son anxiété ne fonctionnaient pas, elle avait l'impression que sa ceinture de sécurité se resserrait sur elle et compressait sa cage thoracique si fort qu'elle avait la sensation de suffoquer. Plus elle s'évertuait à repousser ses souvenirs, plus ils défilaient dans son esprit, et elle avait lutté contre eux pendant ces deux longues années, elle avait fait en sorte d'être constamment occupée pour ne pas les laisser monopoliser son esprit. « Occuper son corps et son esprit pour ne pas y penser et un jour on n'y pense plus sans même s'en rendre compte ». C'était ce qu'elle avait lu dans un de ces livres de développement personnel et ce qu'elle avait appliqué à la lettre. Elle avait plus ou moins réussit à s'y tenir mais depuis le message de Nathan, elle était incapable de penser à autre chose et ses crises d'angoisses avaient elles aussi réapparues comme par magie. Autant de signes qui auraient dû l'alerter que c'était en tout point une mauvaise idée, malheureusement elle n'avait jamais eu pour habitude de faire ce qui était le mieux pour elle.

MenteursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant