3 - Léa

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Paris, jeudi 18 juin 2020

J'ai fait ma première séance de chimio lundi et jusqu'à hier j'ai passé tout mon temps au fond de mon lit, épuisée par les effets secondaires. Je ne me suis levée que pour aller aux toilettes ou vomir mes tripes. Je savais que la chimio secouait pas mal les organismes mais je ne pensais pas autant. Le pire c'est qu'il ne s'agit que de la première et que les prochaines seront, paraît-il, encore plus violentes.

Heureusement, ma mère a délaissé le restaurant qu'elle tient avec mon beau-père et est venue m'épauler. Il était inconcevable pour elle de me laisser seule, sachant pertinemment que je ne pourrai pas compter sur le soutien de Vincent, le "déserteur", comme elle l'a rebaptisé.  
Il est en déplacement pour quelques jours, des chantiers à superviser paraît-il.

Je ne suis pas dupe, je sais pertinemment que c'est faux. Il cherche juste à fuir. Fuir notre appartement, fuir ma mère, fuir ma maladie. Et me fuir, moi.

Il est censé revenir demain soir mais je ne sais même pas s'il va rentrer. À vrai dire, je ne sais même pas si j'ai envie de le voir. Lorsqu'il est là, on s'ignore ou on se dispute donc autant que je reste seule.

Un coup d'œil à mon téléphone m'indique qu'il est 8h15 et j'entends déjà ma mère préparer le petit déjeuner. Me sentant en meilleure forme, je décide de me lever pour la rejoindre. Je m'étire au fond de mon lit, passe une main dans mes cheveux et là c'est le choc. Du bout des doigts, je sens une mèche de cheveux se détacher. Je réitère mon geste et le résultat est le même.

Je me précipite dans la salle de bain et je ne peux que constater l'inévitable. Constater que le moment que je redoutais tant, encore plus que les chimios, est arrivé.

Je ne peux retenir ni un cri, ni mes larmes et je m'effondre en pleurs au milieu de ma salle de bain. Et tandis que des perles salées dévalent sur mes joues, ma mère fait irruption dans la pièce.

- Ma chérie, qu'est-ce qu'il se passe ? me questionne-t-elle, véritablement inquiète.

Elle s'assoit à mes côtés et me prend dans ses bras pour me bercer comme elle le faisait lorsque j'étais enfant.

- Léa, ma puce...

Elle n'a pas le temps de finir sa phrase que son regard se pose sur ma main et la mèche de cheveux qu'elle emprisonne. Et alors elle comprend.

- Oh ma chérie...

- Maman, j'y arriverai pas, dis-je entre deux sanglots, complètement découragée.

Ma mère s'agenouille devant moi et prend mon visage en coupe, séchant mes larmes du bout de ses doigts.

- Je suis là ma puce, je suis là et je ne te quitte pas. Tu sais, si je pouvais, je prendrais toutes tes douleurs, toutes tes peines et toutes tes peurs. Si je pouvais, je donnerais tout ce que j'ai pour ne pas te voir souffrir.

Le visage de ma mère est marqué par la peine et une larme roule même sur sa joue. Je m'en veux tellement de lui faire subir tout ça.

- Léa, cette guerre on va la mener ensemble, et on va la gagner, je te le promets. Le cancer ne vaincra pas. On sera plus forts que lui. Toi, moi, ton père, Marc, tes frères et ta sœur, on va combattre la maladie ensemble.

On dit qu'une mère pourrait tuer pour son enfant et à cet instant je voix dans les yeux de la mienne toute la rage qu'elle ressent de me voir dans cet état. Et telle une Valkyrie elle se transforme alors en une véritable combattante.

- Ma chérie, je sais que ce qui t'arrive est injuste et cruel, qu'à ton âge tu devrais vivre pour profiter et non pas te battre pour survivre. Mais tu es une guerrière Léa. Tu es forte et courageuse. Alors on va se relever, on va redresser la tête et faire la peau à ce satané crabe, d'accord ?

Renaissance [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant