Chapitre 3 : ∂є́ѕ¢єитє αυ ραяα∂ιѕ

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Avez-vous déjà connu ce sentiment-là, ce sentiment de dégoût envers vous-même, vous détestant pour n'être que lâcheté et faiblesse ? Car moi, je l'ai connu, ce sentiment, la perte de tout, oui, tout !! Le peu que j'avais, ce monde me l'arrachait. Dans ma dépression, une lueur d'espoir m'apparut dans ma vision troublée par la vie et son corollaire, la mort. Je me suis mis à penser que tout n'était pas perdu. Outre le fait d'avoir perdu un père, ma mère et ma "sœur", étaient sûrement en vie. C'est cette fugace idée qui me maintiendra le désir de vivre, car si je dois périr, je le ferai en compagnie des personnes que j'aime. Dès lors, la conviction de les revoir passa d'un mirage à un lendemain possible, par la seule force de mes mains.

Les gardes qui m'avaient capturé me traînaient avec une nonchalance telle que l'on aurait pu se demander si l'individu qu'ils transportaient n'était pas un être inerte, tant la valeur que ces hommes me donnaient était proche de celle d'une princesse au contact d'une serpillère usagée ne servant qu'à essuyer des détritus. Après plusieurs jours de marche, nous arrivâmes dans une crevasse. À l'intérieur de celle-ci, il y avait un espèce de passage que les gardes ouvrirent avec un matériel à la fois étrange et inhabituel. C'est alors qu'un des hommes, à l'aide de ses outils, parvint à ouvrir ce passage. C'est alors que nous fûmes amenés bien plus bas. Je ne peux pas vous dire à quel point la descente était haletante, ni combien d'heures elle avait duré. Tout ce que je sais, c'est qu'après cette marche de plus de trois jours et trois nuits, nous arrivions en cet endroit.

Les hommes vêtus bizarrement me placèrent dans une espèce d'enclos avec quelque chose au-dessus. Le seul moyen de sortir était une porte, et l'orifice par lequel l'oxygène parvenait jusqu'à moi était si étroit. Les jours passèrent, puis les mois, et une année s'écoula. C'est alors qu'une chose inespérée se produisit. Un homme grand, brun et élancé me délivra de cet enfer. Cet homme s'avéra être juste, avec des penchants pour la collection. Mais avant mon sauvetage par mon maître, mon séjour en cet endroit était la définition même de la souffrance. Moi qui croyais que rien ne pouvait encore me faire souffrir après avoir perdu toute envie de vivre, cet endroit me rappelait à quel point j'étais faible, à quel point ma condition était pathétique. La nourriture qu'on nous donnait était les restes des gardes après leur dîner copieux. Mais pourquoi cette différence entre eux et nous ? Et pourquoi étais-je donc là ? Quel genre de crime avais-je commis pour être traité ainsi ? C'est lors d'une des brimades quotidiennes des gardes qu'un d'entre eux me révéla l'histoire oubliée de la sélection et même de mon rang dans la société. Pour eux, les Gaïas ne sont que du bétail, pouvant être sacrifié sans remords, car l'homme n'a pas à culpabiliser pour la mort d'un moustique ni même à avoir de la pitié pour une bête sauvage, mais comme elle nous est utile, nous la soumettons et nous la domestiquons, car c'est le pouvoir des Gaïas sur l'essence terrestre.

Comme je vous le disais précédemment, l'homme qui m'a délivré de cet enfer s'appelait "Ulysse". Il était plutôt compatissant en me voyant, peut-être qu'il eut pitié d'un homme tel que moi, ou fut-il intrigué par cette lueur incandescente qui brillait dans mon regard et qui refusait de s'éteindre. Ce qui était sûr, c'est que je l'avais captivé. C'est alors qu'il me prit avec lui et m'entraîna pour que je devienne un serviteur plus approprié pour le servir lui.

"Le fait de n'avoir rien et d'être rien d'autre qu'un serviteur sera ton quotidien", m'avait-il dit, avec un regard oscillant entre la pitié et le dédain. Moi qui n'avais rien demandé à ce monde, moi qui voulais simplement goûter au bonheur d'une famille, pourquoi devrais-je subir tout cela ? Dans mon questionnement sur mon existence même, je me mis à maudire le jour de ma naissance et cette terre qui m'a vu naître. Le maître était moins sévère que les gardes avec lesquels j'avais passé une année entière, mais aussi plus juste, car je n'étais pas le seul serviteur à le servir. Il était le seul juge et le seul bourreau. C'était ainsi qu'il se définissait en tant que maître. Ce fut le début d'un autre voyage vers l'inconnu.
Dépossédé de tout, rien ne m'était offert, et s'il fallait vivre, alors je me battrais de toutes mes forces jusqu'à trouver ce lendemain où nous pourrions tous être réunis.

Alex D.Cool

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