Épluche et Feuilles

Chapitre 2

Morgane s'appuyait sur ses mains, posées derrière elle. Un de ses genoux avait pris place sur son bureau, lui permettant d'admirer la fumée qui s'échappait des oreilles de Karadec dans une position bien plus confortable. Les dents serrées, cherchant tant bien que mal à se contenir, ce dernier se rapprocha d'elle pour la fixer de son regard le plus noir.

- Pourquoi vous faites ça ?

Le côté drôle de cette histoire, c'était que Morgane n'en avait absolument aucune idée. Quoique, elle en avait bien une petite idée finalement. La chaleur qui commençait à se diffuser en elle, en le voyant au bord de l'explosion, était plus que parlante : elle mourrait d'envie de le voir s'énerver.

Ainsi, relevant les yeux vers le plafond, crispant les lèvres dans une ignorance enfantine, elle se retourna lentement, ne lui laissant voir que son dos. Le regard de Morgane s'abaissa sur sa droite, et Karadec la vit tendre la main vers un des  emballages vides de leur repas, trônant sur un autre dossier. Quand elle le fit voler d'une pichenette, le son de son ongle frappant le carton du conteneur, couplé à celui de l'atterrissage de ce même conteneur sur le sol, résonna dans tout l'open space.

Morgane eut à peine le temps d'amorcer la rétractation de sa main que Karadec l'empoigna avec force, stoppant toute possible progression vers un autre objet, quel qu'il pouvait bien être. Se tenant sur le bord de son bureau, il se pencha vers son oreille, laissant un peu de sa colère s'échapper d'entre ses lèvres.

- Arrêtez ça. Tout de suite.

Morgane était partie. Elle se laissait fondre dans le feu qui émanait des mots de Karadec. Qu'est ce qu'elle aimait ce feu.. Ses cuisses se serrèrent quand son esprit se laissa imaginer d'autres scènes où ils pourraient se trouver. Des scènes torrides, intimes, où elle pourrait profiter pleinement de son timbre sombre et brûlant. Où elle pourrait savourer toute sa poigne contre sa peau. Dans un effort qu'elle pourrait qualifier de surhumain, elle redescendit un peu de son euphorie et tourna la tête vers lui, le regardant à travers ses cils, les yeux embués de désir.

- Désolée mais, on vous a déjà dit que vous êtes canon quand vous vous énervez, Karadec ?

Tous deux se figèrent, les mots de Morgane se dissipaient dans le silence de la DIPJ. Il était évident que Karadec ne s'attendait pas à ce que leur soirée prenne cette tournure. Elle observa ses iris bouger frénétiquement autour d'elle, sans qu'une seule fois leurs regards ne se croisent. Il cherchait probablement quelle serait la meilleure façon de réagir, dans leur situation chargée de tension sexuelle. Et le fait qu'il prenne autant de temps en disait long sur son expérience des situations chargées de tension sexuelle.

Quand sa main gauche entra en contact avec le mug encore chaud de Karadec, Morgane sentit son sourire s'étirer encore plus sur son visage. Elle s'en saisit et le pencha vers elle, faisant mine d'en examiner le contenu. Comme elle l'avait prévu, cela le sortit de sa torpeur.

Il attrapa son bras de son autre main, ce qui la figea à son tour. La voilà maintenue de toute part à présent, pensa-t-elle, avec un air rêveur teinté de malice et un autre mouvement de l'intérieur de ses jambes. La voix de Karadec était encore plus dure qu'avant, si c'était encore possible.

- Morgane, n'y pensez même pas.

Dans un frisson de désir, cette dernière bascula légèrement la tête en arrière, lui offrant son plus beau sourire depuis son point de vue en contrebas.

- Vous avez raison, faut le finir avant.

Fermant les yeux, elle porta le mug à ses lèvres, imaginant parfaitement l'air abasourdi de Karadec sans avoir besoin de le voir, et avala d'une traite le reste de son café. Imperturbable, elle fit pendre le mug au bout de deux de ses doigts, sachant pertinemment que la tension artérielle du commandant grimperait en flèche face à la vision de son mug préféré, sur le point d'être lâché dans le vide. Mais elle n'avait pas anticipé que cela le rendrait si nerveux qu'il en deviendrait maladroit. Cherchant à tout prix à protéger son mug d'un destin funeste, sa main gauche se précipita avec une telle force que le mug glissa des doigts de Morgane.