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     Chûya se regarda un instant dans le miroir de sa chambre, alors que Gin finit de nouer le corset du jeune homme avec un petit sourire satisfait plaqué au visage. Le jeune homme était habillé avec un pantalon noir plutot moulant, une chemise blanche en soi enfoncée dans un corset –qui serrait au possible sa taille, l'empêchant de respirer correctement– et ouverte de deux boutons, ce qui laissait apercevoir le début de son torse. Il avait aussi opté pour une paire de bottines noires des plus classiques, son tour de cou habituel et sa paire de gants. Ses cheveux étaient, quant à eux, coiffés comme à son habitude –avec ses mèches les plus longues posées sur son épaule gauche. Le rouquin lâcha un souffle alors que sa camarade se recula pour lui laisser de l'espace.
    – Merci, Gin. Je n'aurai pas réussi à mettre ça seul, murmura-t-il tout en continuant de se regarder.
    La jeune femme se contenta de lui offrir un franc sourire en guise de réponse.
    Les prunelles azures du jeune homme parcouraient sa silhouette avec attention ; Dazai le remarquerait-il ? Verrait-il l'effort que Chûya avait fait ce soir ? Verrait-il son corps, qu'il avait finement mis en valeur ? Au fond, le rouquin espérait que oui. Mais, lorsqu'il se surprit à penser à son ancien partenaire, il fronça les sourcils.
    Alors qu'ils étaient proches et que Chûya avait tout abandonné pour lui, Dazai l'avait laissé il y avait quatre ans de cela. Il ne lui avait même pas dit un mot. Et pendant ces quatre ans, le rouquin n'avait pu s'empêcher de se dire que cela était de sa faute ; après tout, s'il avait porté plus d'attention à Dazai, s'il l'avait chérit et s'il lui avait donné tout l'amour possible, le brun serait resté. Ou au moins, ils auraient gardé contact. Non ?
    Chûya avait développé peu à peu une profonde haine envers lui-même depuis ce jour-là. Et rien ni personne n'avait réussi à changer la donne.
    Pourtant, depuis peu, les deux jeunes hommes se revoyaient assez régulièrement. Chûya n'avait qu'une envie, celle de pendre le brun dans ses bras et de ne jamais le lâcher. Il voulait l'aimer, le chérir, l'embrasser, le câliner, sentir son souffle contre sa peau, tout comme ses baisers et son corps. Il voulait Dazai. C'était aussi simple que cela. Mais, à chaque fois qu'il revoyait les prunelles brunes de Dazai, sa haine revint en sa mémoire. C'était comme si tout un tas de voix lui hurlait qu'il n'était pas digne de Dazai, qu'il ne méritait pas l'amour du brun mais bel et bien ses insultes et ses coups. Alors, instinctivement, il laissait ses foutues voix contrôler sa conduite, et toute sa colère envers lui-même se répercutait sur le brun.
    – Tu dois être heureux de pouvoir refaire équipe avec Dazai, s'exclama soudainement Gin.
    Chûya sursauta légèrement et cligna des yeux quelques secondes avant de se tourner vers Gin. La jeune femme le regardait avec attention tout en attachant un large ruban noir autour de son cou. La jeune femme était habillée d'une chemise blanche –comme celle du roux– et d'une longue jupe noir. Elle avait attaché ses longs cheveux noirs en un chignon bas, et une grosse mèche de cheveux tombait sur le côté de son visage. Elle s'était rapidement maquillé et avait remis son masque blanc. Gin était une charmante jeune femme, adorable même, qui se trouvait être très douée. Chûya s'occupait beaucoup d'elle, tout comme il s'occupait de Ryûnosuke ; il les considérait un peu comme ses cadets. La noiraude était très intelligente et aidait toujours ceux qu'elle aimait. Elle les protégeait aussi beaucoup.
    Le rouquin voulut répondre, alors il entrouvrit la bouche, mais rien ne passa la barrière de ses lèvres. Que devait-il dire ? Qu'il était heureux ? Il l'était... Mais il ne l'était pas en même temps. Euphorie et angoisse se mélangeaient, créant un drôle de sentiment dans le creux du ventre de Chûya. Il baissa le regard un instant ; la jeune femme le connaissait plutôt bien, tout comme Ryûnosuke ou encore Kôyô, alors ça ne servait à rien d'essayer de lui mentir. Ainsi, dans un soupir, Chûya haussa simplement les épaules.
    Gin s'approcha lentement et posa une main sur son épaule, elle l'observa avec un regard des plus sérieux, qui aurait même pu faire frémir le rouquin.
    – S'il te fait encore du mal, je lui trancherai la gorge.
    La voix fluette et douce de la jeune femme contrastait grandement avec ses mots, et ce fut ce qui fit rire le roux. Il lui offrit un petit sourire.
    – Merci Gin, mais je m'occuperai moi-même de lui trancher la gorge...
    – Comme tu voudras, susurra-t-elle en haussant les épaules.
    La porte de la chambre s'ouvrit et un jeune homme aux cheveux sombres et au long manteau noir entra dans la chambre rapidement. Il regarda tour à tour Chûya et Gin comme s'il se trouvait face à deux parfait inconnus. Ses prunelles sombres brillaient d'une étrange lueur, que le rouquin ne parvint pas à déchiffrer. Puis, après de longues secondes, il s'avança vers la jeune femme. Ses talons claquèrent contre le sol de la chambre silencieuse. Il prit une inspiration avant de prendre la parole.
    – Fais attention à toi, Gin.
    La jeune femme acquiesça et ses pommettes se levèrent légèrement, signe qu'elle offrait un sourire au noiraud. Puis, Le nouveau venu se tourna vers le rouquin. Il toussota légèrement dans le creux de sa main avant de prendre la parole :
    – Fais attention à elle.
    – Bien-sûr, Chûya acquiesça. De ton côté, essaie de te reposer Ryûnosuke.
    – Hum...
    Le frère de Gin détourna le regard d'un air las.
    – Dazai et Atsushi vous attendent dehors, annonça-t-il alors.
     Chûya soupira légèrement et prit sa longue veste noire. Il l'a posa sur ses épaules et mis son fidèle chapeau sombre sur le haut de son crâne avant de se tourner vers sa coéquipière. Elle fit un léger signe de la tête puis les trois jeunes adultes sortirent de la chambre. Ils se dirigèrent alors dehors, où ils y trouvèrent les deux détectives. Dazai et Atsushi n'avaient pas semblé avoir changé de tenue, contrairement à Chûya et Gin. En voyant le rouquin et la noiraude, Dazai leur fit de grands gestes du bras, un grand sourire plaqué sur le visage.
    Le cœur de Chûya battit rapidement alors que ses prunelles azures restaient fixées sur le brun. Ses cheveux qui volaient au vent, ses yeux bruns pétillants de joie, son grand sourire, ses traits doux, sa tenue qui lui allait toujours parfaitement bien... Chûya le regardait sous toutes les coutures alors qu'il serrait inconsciemment les poings. Il aperçut à peine Gin et Ryûnosuke commencer à parler avec Atsushi, seul Dazai avait son attention : le brun sautillait presque vers lui et, une fois devant lui, il plaça ses mains sur ses hanches en détaillant Chûya sans gêne.
    – Eh bien, tu t'es fait beau, s'exclama le brun.
    Le roux sentit son cœur battre à tout rompre, et il eut la sensation que celui-ci allait sortir de son torse. Une joie s'empara de lui, une joie intense, mais il réprima son sourire, voulant garder cet air agacé qu'il avait toujours avec le brun.
    – Vraiment, demanda-t-il quand même.
    Dazai esquissa un sourire narquois et se pencha afin d'être à la hauteur du rouquin, qui fronça les sourcils en le voyant faire, sentant la douille arriver. Dazai souriait toujours ainsi lorsqu'il cherchait à l'énerver.
    – Non.
    Et cette fois n'avait visiblement pas manqué.
    Un soupire passa les lèvres du rouquin sans même qu'il ne s'en rende compte, puis, il lui asséna un coup de pied, que le brun esquiva sans difficultés.
    – Tu fais vraiment chier, s'exclama le rouquin avec agacement en mettant ses mains dans les poches de son pantalon. Idiot.
    Dazai se contenta de rire.
    Cette fois-ci, le cœur du roux se compressa et fut douloureux. Il tenta de l'ignorer, mais il n'y parvint pas : il savait, et il l'avait toujours su au fond, que Dazai aimait plus que tout se payer sa tête. Avant que Dazai ne quitte la mafia et ne le délaisse, le rouquin avait espéré que derrière toutes ces taquineries et ses disputes se cachait un amour fort et pur. Un véritable amour. Il ne croyait pas au coup de foudre, ni aux histoires comme celles des contes de fée, mais Chûya croyait en leur propre histoire d'amour. Il s'était imaginé tout un tas de choses... Mais tout s'était écroulé lorsque le brun était parti, laissant derrière lui Chûya et son cœur fissuré, seul. Et depuis, chacune des taquineries de Dazai brisait un peu plus le roux. Un jour il allait exploser, et il le savait, mais il ne faisait rien pour changer cela.
    Et aujourd'hui encore, il sentit son organe vital lui être de plus en plus douloureux.
    Le brun passa soudain l'un de ses bras autour des épaules du roux avant de l'amener vers les autres. Le rouquin fronça davantage les sourcils et poussa son camarade. Puis, il soupira et alla rapidement s'installer dans la voiture –avec laquelle Dazai et Atsushi étaient arrivés– ignorant complètement les appels de Dazai. Il s'installa côté conducteur et laissa sa tête tomber sur le siège. Fermant les yeux, le rouquin prit une grande inspiration : la soirée s'annonçait mal.


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