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    La réception avait commencé depuis une bonne heure et demie, et Fyodor et ses compagnons restaient introuvables parmi les nombreux invités de la réception.
    Les deux binômes parcouraient la grande salle, communiquant régulièrement ensemble, slalomant entre les différents invités présents, buvant de temps à autre une petite boisson et discutant avec quelques personnes afin de se fondre dans le décor. Si Atsushi et Gin semblaient s'entendre sans trop de problème, l'ambiance entre Dazai et Chûya était électrique et plus que tendue. Depuis qu'ils étaient arrivés, ils s'étaient à peine échangé quelques mots –Chûya coupait rapidement court à leurs discussions, peu importe s'il s'agissait d'une taquinerie ou d'un sujet sérieux. Et Dazai était perdu : jamais, ô grand jamais, il n'avait vu le roux agir ainsi, et cela inquiéta grandement le brun. Que s'était-il passé pour que son partenaire ferme ainsi ses portes ? Au fond, Dazai pensait que cela avait un lien avec leur discussion dans la voiture. C'était même très certainement le cas, car c'était bien depuis ceci que le roux agissait ainsi. Mais... Dazai ne voyait pas ce qu'il avait bien pu faire, ou dire, de mal. Il agissait comme d'habitude avec son petit roux préféré : il le taquinait, beaucoup certes. Il avait peut-être touché un sujet sensible, mais tant bien même ce fut le cas, c'était bien la première fois que Dazai se retrouvait face au mur avec Chûya. En temps normal, le roux s'énervait un bon coup et ça allait bien après. Mais là... Il évitait même son regard ! Alors Dazai ne comprenait pas du tout.
    Le brun posa son regard sur le roux après avoir bu une gorgée de sa boisson alcoolisée. il le détailla rapidement, l'admirant avec un petit sourire. Chûya était d'une beauté sans nom, il fallait se le dire. Les prunelles brunes du jeune homme retracèrent lentement les doux et charmants contours du visage de son compagnon, passant pas sa mâchoire, son nez, ses lèvres... Que Dazai rêvait soudain d'accaparer. Il se demanda ce que cela ferait, quelle serait la sensation des lèvres du roux contre les siennes, leur goût. Il papillonna des yeux avant de relever un peu le regard, et ses pupilles plongèrent dans l'océan clair et lumineux qu'étaient les prunelles de Chûya. Aujourd'hui, particulièrement, elles semblaient brûler d'un mélange de colère, de tristesse et de passion, mais il ne saurait l'expliquer.
    Le rouquin était magnifique.
    – Chûya ?
    Le roux se reprit une nouvelle coupe de champagne sans même lancer un regard au brun.
    – On peut parler un peu, tenta alors Dazai.
    – Pour la cinquantième fois au moins : non, rétorqua-t-il avec froideur.
    Le brun fit un instant la moue avant qu'une idée ne mûrisse dans sa tête –en réalité se n'était que la continuité de ses précédentes pensées...– : si Chûya ne souhaitait pas parler avec lui, Dazai allait lui donner l'envie de lui parler. Alors, un fin sourire collé au visage, le jeune homme s'approcha de son partenaire et vint poser une main sur sa hanche afin de l'attirer contre lui. Chûya sursauta et leva le regard vers Dazai avec incompréhension. Les sourcils froncés et les yeux brillants –d'incompréhension cette fois-ci– du rouquin eurent raison du brun qui se perdit une nouvelle fois dans les prunelles azures de son compagnon. Chûya avait toujours eu un certain charme aux yeux de Dazai, son cœur ne battait que pour ce petit rouquin depuis leurs quinze ans. Dazai n'avait d'yeux que pour lui. Malheureusement, Dazai ne savait pas comment s'y prendre avec ce sentiment, alors il avait essayé de faire passer tout ce qu'il ressentait au travers de toutes ces taquineries, qu'il jugeait gentillettes.
    – Qu'est-ce que tu fais, murmura le roux en essayant de se libérer de l'emprise du brun.
    Malheureusement pour lui, le brun ne le lâcha pas, il entoura même sa taille de son second bras et l'attira contre son torse dans une étreinte chaleureuse. Chûya se crispa soudain, même sa respiration sembla se couper.
    – Dazai... Lâche-moi. S'il te plaît, dit le roux dans un murmure.
    Le brun se contenta de sourire en serrant le plus petit contre lui. Il posa alors son menton au-dessus du crâne du roux, ignorant totalement le chapeau de celui-ci, et commença a caresser avec attention le dos de Chûya. Ses gestes étaient doux et lents. Il pouvait sentir la poitrine de son camarade se soulever au rythme de ses respirations. Et là, maintenant, le brun se sentit apaisé et bien. C'était la première fois qu'il prenait son partenaire dans ses bras, de cette façon du moins. Et ce fut tellement agréable qu'il se promit de recommencer à l'avenir ; une étreinte de temps à autres, entre les taquineries, ça ne pouvait pas faire de mal, n'est-ce pas ?
    Il sourit doucement et vint passer sa main dans les cheveux du roux, il se sentit frissonner et se détendre peu à peu. Ce fut à cet instant là que le brun se décida à parler :
    – Tu m'en veux, pas vrai ?
    – Bien-sûr, idiot, murmura le roux contre son torse.
    Dazai ricana et il sentit soudain les bras de son petit roux préféré entourer son corps. Un grand sentiment d'euphorie traversa le brun alors que Chûya lui rendait son étreinte. Il n'y avait plus aucun doute, c'était l'une des plus douces et agréables sensation que le brun n'ait jamais eu. Et il recommencerait avec un grand plaisir. Son cœur battit un peu plus vite et ses joues commencèrent à rosirent. Mais il ne se sentit pas inquiet.
    – Je suis désolé, commença alors le brun. Je ne voulais pas te laisser.
    – Si tu ne le voulais réellement pas, tu ne l'aurais pas fait. J'aurai pu venir avec toi. Mori m'a dit que tu étais parti de ton plein gré, Dazai...
    Le roux pinça légèrement le flan du plus grand pour accompagner ses mots.
    – Chûya, je...
    – Je n'en ai rien à faire, le coupa-t-il. Tu es parti et je t'en veux, ça s'arrête là.
    Le regard figé dans le vide, Dazai repassait en boucle les mots du rouquin, cherchant les bonnes paroles. Que pourrait-il dire dans cette situation ? Peu importait ce qu'il disait, cela ne changerait rien. Chûya avait raison de lui en vouloir, même si Dazai avait eu des raisons bien précises de partir sans un au revoir. Alors, le brun se contenta de souffler doucement avant de déposer un doux baiser sur le haut du crâne de son ami.
    – Dazai, souffla le rouquin après quelques secondes de silence.
    – Oui ?
    – Je...
    Chûya se recula légèrement –assez pour pouvoir regarder le plus grand dans les yeux, sans le lâcher pour autant– et encra son regard bleuté dans celui brun de Dazai. Les prunelles du rouquin semblaient briller d'une tristesse sans nom, comme si le jeune homme était intérieurement déchiré et qu'il pouvait éclater en sanglots à tout moment. Cette vue suffit au brun pour être pris d'une profonde inquiétude. Mais il n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que le rouquin reprit la parole :
    – Si je t'ai suivi, dans la mafia, ce n'est pas pour rien. Je... Je n'avais rien ni personne, et tu as été le seul à donner une quelconque importance à ma vie. Tu m'as donné des objectifs et des espoirs, murmura le jeune homme alors qu'une larme rebelle traça sa route sur la joue pâle du rouquin. Je t'ai tout donné, tout. Sans exception ! J'aurai pu te suivre n'importe où, Dazai. Mais toi, tu... Tu... Tu as... Et puis...
    – Chûya, je...
    – Laisse-moi parler, je n'ai pas fini.
    Les mots de Chûya fendaient l'air. C'était comme s'il n'y avait qu'eux deux, comme s'ils ne se trouvaient pas entourés de membres du gouvernement. De toute façon, plus personne ne faisait attention à eux depuis de longues minutes.
    Les yeux brillant de larmes du rouquin avaient accaparé toute l'attention de Dazai, qui avait le cœur qui battait à tout rompre dans son torse. Le brun avait toujours détesté voir son partenaire aller mal, il lui souhaitait de sourire et de rire aux éclats, pas de pleurer. Alors, cette situation fendit le cœur du détective.
    – J'étais ton partenaire, tu étais le mien. Il n'y avait que nous deux ! Alors pourquoi tu es parti sans moi, Dazai ? Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait de mal qui aurait pu te donner envie de partir ? J'avais besoin de toi ! J'ai besoin de toi. Que ce soit dans la vie de tous les jours, ou même dans nos combats, j'avais et j'ai encore besoin de toi ! Sans toi je ne suis plus rien, la voix du rouquin se craqua soudain et il dut reprendre une grande inspiration avant de continuer. Sans toi je meurs, sans toi ma corruption aurait déjà eu raison de moi et depuis longtemps ! Dazai, tu t'en rends compte de tout ça ? Tu te rends compte à quel point tu m'es vital ? Je... S'il te plaît, dis-moi que je ne suis pas le seul à ressentir tout... Tout ça ! S'il te plaît...
    Les derniers mots du jeune homme n'avaient été que des murmures alors qu'une seconde larme coula sur la joue de Chûya, et Dazai put sentir les mains du rouquin serrer sa veste. Dazai voulut répondre, il entrouvrit alors la bouche, mais aucun son ne sortit. Que devait-il répondre ? Devait-il lui dire qu'il l'avait abandonné et laissé seul pour le protéger ? Devait-il lui dire qu'il avait peur que Mori ne se serve de lui pour le blesser ? Non. Il ne pouvait pas, il ne voulait pas, il n'y arriverait pas. Alors, les mots restaient bloqués dans le fond de sa gorge. Ses entrailles se nouèrent alors qu'il aperçut le regard de son acolyte se remplir de plus en plus de larmes.
    – Je t'en supplie, murmura le rouquin d'une voix tremblante.
    Dazai passa lentement une main sur la joue du rouquin, la lui caressant avec tendresse. Il déglutit, réfléchissant à vive allure ; que pouvait-il bien répondre ? Ce fut comme si son corps refusait de lui obéir, ce fut comme si son inconscient ne voulait pas le laisser répondre ! Mais, après quelques longues secondes de silence –qui semblèrent durer pendant des heures!–, le brun réussi à sortir quelques mots tremblants.
    – Tu es mon partenaire Chûya, répondit Dazai dans un murmure, tout comme Kunikida est mon partenaire, ou même comme...
    Le brun n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il reçut une violente claque sur sa joue, sa tête était à présent tournée sur le côté alors que le son sec raisonna quelques secondes dans la salle. La douleur n'arriva que quelque secondes plus tard, comme une petite brûlure qui se faisait de plus en plus douloureuse au fil des secondes. Il apporta l'une de ses mains sur sa joue alors qu'il pouvait sentir la chaleur du corps de son camarade s'éloigner de lui.
    Chûya venait de lui donner une claque. Mais pas une claque comme le rouquin essayait de lui en mettre en temps normal. Non, celle-ci révélait d'une véritable douleur.
    Dazai n'osa même pas tourner la tête vers le rouquin.
    – C'est comme ça que tu me vois ? Comme un simple partenaire ? Tu me vois comme tu vois tous tes collègues détectives ? Je pensais qu'on était proche !
    Chûya poussa violemment Dazai, qui recula de quelques pas –toujours sans oser regarder son camarade.
    – T'es qu'un con, Dazai, le plus gros con que j'ai jamais vu ! Vas te faire voir, j'en ai plus rien à carrer.
    Puis, sans un mot de plus, le roux sortit de la salle de réception, disparaissant totalement de la vision de Dazai, qui regardait le sol les yeux larmoyant. Avait-il réellement merdé avec Chûya ? Deux fois dans la même soirée en plus de cela ?

Dernier SouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant