mathilda, je l'ai rencontrée un jeudi soir. elle en avait vu défiler, des hommes. des solitaires, des infidèles, des enfoirés, des gentils pour la forme. mais des ados paumés comme moi, jamais. c'est mon bout de trottoir, avait-elle dit de sa voix rocailleuse, alors que je fixais la chaussée d'un air l'as. soit tu payes, soit tu te casses.
j'avais payé.
pourtant je l'avais pas touchée. les néons roses du motel égayaient un peu sa triste chambre. mais la moquette râpeuse et le papier peint jauni m'avaient foutu le tournis.
on est longtemps restés assis l'un face à l'autre, sans oser bouger. j'ai un peu parlé, juste parce qu'elle méritait de savoir à quelle point elle était belle.et mathilda, elle a souri, ce soir-là. un sourire tout maladroit, comme si elle avait oublié comment faire.