Chapitre 1

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Je respire. Le son des vagues contre les rochers me sort de mon inconscience. Ma tête est lourde et mon esprit divague, embarqué dans une tempête à l'intérieur de mon crâne. Le paysage tangue autour de moi comme si j'étais encore sur ce navire... Quelques crabes me pincent les orteils et des goélands essaient d'arracher le peu de vêtement qu'il me reste. La surprise fût de taille lorsque je me suis relevée. Ma robe a disparu et ma chemise arrive à la moitié de mes cuisses. J'avance, pieds nus sur le sable humide et froid. Où suis-je ? La lune éclaire la plage et je devrais, je l'espère, tôt ou tard tomber sur un chemin pour sortir de ce couloir entre la mer et la falaise. Le vent arrive par bourrasques, il emmêle et tire mes cheveux qui cisaillent ainsi mon visage. Les doigts engourdis et la peau tiraillée par le sel de la mer, je reprends mes esprits peu à peu. Je ne sais pas si la marée est haute ou basse, je presse le pas autant que possible. Le moindre coquillage, le moindre galet me fait tressaillir de douleur lorsque par malheur je pose le pied dessus. Combien de temps me reste-il avant d'être à nouveau avalée par la houle ? Des rochers à perte de vue et l'obscurité n'aidant pas, je risque de me retrouver coincée sur cette plage à la marée haute. Perdue, seule dans l'obscurité, les faisceaux de lumière blanche de la lune percent enfin au travers les nuages. Je frotte mes yeux, faisant ainsi tomber le sel séché de mes joues. Je n'ai plus de salive, ma gorge me brûle et je rêve de poser mes lèvres sur un gobelet de vin...

***

En levant les yeux, je vois au loin une lueur provenant d'une habitation. Elle a l'air si éloignée et surtout haute... La maison est au-dessus de la falaise, si j'avance encore, je ne la verrais plus. Il n'y a aucun moyen de grimper. Je m'approche toujours aussi difficilement. Alors que je contourne un éboulement de pierres, j'aperçois ma porte de sortie. Un escalier est taillé dans la roche et me permettra de gravir les dizaines de mètres qui me séparent du sommet.

Dès la première marche, je regrette déjà ce qu'il s'est passé. La coquille d'une moule m'entaille encore plus alors que j'essaye de me raccrocher à la paroi de la falaise. J'essaye du mieux que je le peux de garder un semblant d'équilibre tout en tenant ma main plus que meurtrie. Si cela était arrivé sur mon île avec les félins qui s'y trouve, ceux-ci auraient vite fait de me retrouver grâce aux traces de sang que je laisse derrière moi. Tortueux et glissant, chaque pas est une torture sous mes pieds écorchés. Je cherche mes prises en tâtonnant du bout de mes doigts les marches plus hautes pour prendre appui et me hisser. Je manque de dévaler l'escalier grossier plus d'une fois. Je gémis de douleur à chaque pas et me mords les lèvres pour penser à autre chose... Mes pieds glissent sur les algues formées par la mer. Ma main gauche me brûle de plus en plus. Je regarde le chemin qu'il me reste à parcourir jusqu'à la dernière marche. La fin est proche, quelques efforts et je pourrais trouver de quoi me soigner avant de repartir vers ma destination initiale. Je rampe presque arrivée à cette dernière marche, je sens de l'herbe rêche sous mes doigts. Je relève la tête. Il y a là, au milieu d'un champs, une petite maison en pierre.

***

Les faisceaux de la lune englobent les contours de la bâtisse qui se dresse face à moi. Je me relève en serrant les dents et m'approche. La lueur d'une bougie tamise une pièce que je peux voir à travers la fenêtre. Une cheminée avec quelques braises dans son âtre, une table en bois vieillie, une bougie à moitié consumée et ... Je recule soudainement d'un bond lorsqu'un animal faisant un bruit atroce et fort s'attaque à moi à travers le volet.

Le cri de cette boule poilue réveille un homme qui était allongé jusque-là dans son lit. Dans la pénombre, je ne l'ai pas vu immédiatement. Sa chambre, tout comme la mienne sur l'île est simplement séparée de la pièce à vivre par un large tissu. L'homme se lève rapidement, alerté par sa bête et attrape un grand bâton près de la table avant de quitter mon champ de vision. La porte claque rapidement, l'animal se plante devant moi et continue son vacarme en grognant et montrant ses dents pointues. Jamais je n'avais vu une telle chose, petit, agressif, des crocs plus petits qu'une panthère et une tête toute allongée. Ses poils gris et sales sont dressés sur son corps.

Prêtresses de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant