Chapitre 3 :

11 1 0
                                    

Nous étions toutes là. Un grand feu éclairait les environs. L'eau était noire. La plage et les palmiers dansaient au rythme des flammes. La musique s'élève dans le ciel.

Lili, l'une des matriarches est derrière moi et tapote sur mon épaule. Il est l'heure. Suivie par d'autres apprenties prêtresses, Lili avance à travers les arbres et les multiples plantes qu'abrite notre ile. Nous arrivons à l'entrée de la grotte sacrée. Les marches sont glissantes. L'ile regorge de cascades, de rivières et cours d'eau. Cela ne m'étonne guère de voir un cours d'eau sous terrain. Nous marchons et traversons les couloirs ruisselants pour atteindre la grande salle.

Nous savions que cette nuit allait arriver. La première avec celui qui deviendra notre protecteur. La rumeur se propage dans le couloir. Certaines disent que si notre prestation n'est pas satisfaisante, les matriarches ne s'embarrassent pas plus de nous. La tension est palpable. Alors que nous attendons patiemment, nous entendons des gémissements et des pleurs. Je serre la main de ma sœur de toutes mes forces alors qu'elle me murmure que tout se passera bien. Les autres apprenties n'ouvrent pas la bouche. Aucune ne se moque de moi alors que ma sœur reste là à me serrer la main. Malheureusement, elle ne peut m'accompagner jusqu'au bout. Les apprenties me regardent enfin et commencent à rier de moi. L'une d'elle sourit, prétentieuse et sure d'elle.

Son nom résonne à travers la lourde porte. Elle entre, encouragée par ses sœurs. Quelques instants plus tard, nous entendons des cris, les hurlements de cette apprentie. A-t-elle réussi ? Ce n'est pas normal. Ses sœurs se crispent et s'inquiètent tour à tour.

-          Gwennaelle

Nous y sommes, c'est à mon tour. Je pousse la grande porte. La pièce est sombre. Je devine les silhouettes des matriarches derriere un grand autel de pierre. Je m'avance et marche sur quelque chose de mouillé. Je regarde mes pieds et y voit du sang. La rumeur était donc vraie ? l'apprentie a été tuée ?! Je garde mon sang froid et attends les instructions.

Des pas s'approchent de plus en plus. La voix de la vieille Lili résonne.

-          Bien... Gwennaelle. Ton protecteur arrive. Tu dois le satisfaire afin de le gagner. Si tu n'y arrive pas, tu nous quitteras.

Notre protecteur est un homme qui a été enlevé, il y a de cela des années sur la terre des Hommes. Enfermé sur une partie recluse de l'ile, celui-ci est entrainé, encore et encore jusqu'à ce qu'il soit prêt. Il y a toujours un protecteur pour accompagner deux prêtresses. Il nous servira à nous entrainer mais veillera sur nous lorsque nous seront envoyées dans le monde des Hommes.

Les pas se rapprochent encore. Une des dresseuses arrive, suivie de cet homme qui va faire de moi une prêtresse. Il se place devant moi, assis au bord de l'autel. C'est à moi de jouer.

***

Une nouvelle nuit ardente. Je ne savais pas qu'il faisait si chaud dans cette région. Je repense à ce rêve, ces souvenirs qui me parviennent, les apprenties qui vivaient avec nous, nos années de formation... Et elle... Nous n'avons pas revu cette apprentie après son passage dans la grande salle. Godefroy est allongé sur les draps comme à son habitude mais cette fois ci, il ne dort pas. Il me regarde d'un air interrogatif et inquiet.

-          Tu faisais un cauchemar ?

-          Non, je... Je rêvais de ma vie d'avant...

-          Ton mari ? Que lui est il arrivé ?

-          Mon mari ? Ah oui... et bien... perdu en mer...

-          Tu m'as pourtant dit que tu étais veuve ?

Cela ne fait que quelques jours et je me perds dans mes mensonges. Les prêtresses ont prévu beaucoup de points à aborder et nécessaires, mais celui-là... Inventer une vie entière avant d'arriver dans le monde des Hommes... Je me rends compte que nous ne nous penchons pas assez sur la question. Je ferme les yeux et imagine ce que pourrait être cette vie là. Fille de paysans, enlevée à 7 ans par un médecin... Non... Ils sont trop respectables pour cela... Un paien. Victime d'expériences étranges, mariée à l'âge de 15 ans et veuve à 16. Une impossibilité d'avoir des enfants et un point plus que nécessaire... Les différentes expériences ont arrêté ma fertilité avant même que celle-ci est commencée. Justifier mon besoin de promiscuité avec la mer... Comment puis-je expliquer cela... Une maladie de l'air ? Je sais que certaines personnes ont besoin de l'air marin pour se soigner... Les guérisseuses de l'île m'ont déjà parlé de certaines de ces maladies qui touchent les Hommes... Voici mon histoire... L'histoire de Gwenn Nicfarell... La fille de Farell. Notre mère à toutes, notre déesse, l'immensité au-dessus de tout ce qui existe.

Prêtresses de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant