Chapitre 5

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Godefroy est parti tôt chez son « très cher voisin » récupérer la mule qui servira à notre voyage. Il n'a pas bu depuis deux jours et je pense qu'il reviendra saoul, comme à son habitude d'ailleurs. Il est rare qu'il ne boive pas et je me réveille souvent sans qu'il soit à mes côtés. Je suppose qu'il rend régulièrement visite à Alain dans le but de ne pas être seul à se tourner la tête. Par la suite, il rentre dans la nuit sentant cette boisson âcre qu'il apprécie tant, la bière. J'attends patiemment en pliant des robes qu'il m'a offertes en les faisant prendre le moins de place possible. En voyant la place que prennent les vêtements sur la table, je me rends vite compte que tout ne rentrera pas dans les besaces. Alain a proposé une petite charrette mais Godefroy hésitait encore ce matin à propos de la route que nous devions prendre. De toute façon, il m'a bien expliqué qu'un transport à roues était bien plus onéreux lors des péages aux ponts ou aux portes de la ville.
D'ailleurs, qu'elle est cette idée... Faire payer les personnes se promenant ou se déplaçant pour passer à certains endroits... Une petite chose que les matriarches ont dû oublier de nous apprendre.
J'entends les sabots de la mule avancer sur le chemin terreux. Je n'arrive pas à ranger le quart des robes que Godefroy m'a légué. J'en choisi deux qui me serviront bien une fois arrivée. J'ai ma cape sur moi... Une robe également, ce qui m'en fait trois...  Mes bottes sont bien rembourrées pour la route... Je crois que je suis prête...
— Gwenn ?
Il n'a pas encore passé la porte qu'il m'interpelle déjà.
— Je suis à l'intérieur !
La porte s'ouvre rapidement et je suis interloquée par la vitesse à laquelle il parle.
— J'ai bien réfléchis ! Les routes menant à Portours sont plus ou moins chères donc... J'ai une idée ! On ne peut pas prendre une route totalement gratuite. Nous devrions faire un détour de plus d'une semaine et il nous faut être le plus rapidement possible en ville pour rencontrer Boris avant qu'il ne parte. Sachant également que cette route nous ferait prendre par les montagnes et que l'hiver approche.
— Je vois... et ce qui nous fait prendre alors... ?
Il ne faut pas que j'oublie mon impératif... La pleine lune... 7 nuits me séparent d'elle. Je peux toujours repousser mon sacrifice d'un mois encore, mais où serait-ce à ce moment-là ? Et si nous étions partis pour un lieu loin de la mer avec ce Boris? Il me faut y être au plus tôot.
— Il y a une seconde route qui nous fait faire quelques détours et nous aurions 5 jours de voyage je pense... Mais 5 jours veulent également dire 4 nuits et je ne peux pas nous laisser dormir à la belle étoile ou payer autant de nuits à l'auberge pour nous trois.
— Nous trois ?
— La mule... Les aubergistes nous font payer l'écurie et le foin aussi cher que pour nous en règle générale... Ce qui nous amène à notre première route... 3 jours de voyage, la route est plate et dégagée, sécurisée, il n'y a normalement pas de bandits et nous avons deux lieux que je connais bien pour nous reposer. Une auberge à notre première escale ce soir et une connaissance un peu avant Portours qui nous hébergera gratuitement. Le choix le plus coûteux est finalement le moindre.
Je suis ravie. Dans deux jours je serais à Portours, je trouverais Cassandre et je pourrais enfin faire ce que ma déesse attend de moi ! Et dire que je voulais utiliser Godefroy... Sans lui je ne sais pas où je serais aujourd'hui et... Nous nous séparerons bientôt... Il a vraiment été gentil avec moi durant ce mois...N'y pensons pas !
Je regarde autour de nous et ne sens ni ne voits la boule de poil qui l'accompagne à son habitude.
— Où est ton chien ?
Son ton est plus sec et froid. Cela fait des années que l'animal lui tient compagnie...
— Avec Alain. Il lui servira bien à la ferme.
Le forgeron rassemble ses affaires et renverse une bourse remplie de pièces en métal rondes.
— Ce sont des pièces de monnaie ?
Il ricane encore face à mon ignorance. Qu'elle idiote... Bien sûr que ce sont des pièces de monnaies. C'est avec cela que Varen, le protecteur de Cassandre, a payé notre voyage à bord du navire. D'un autre côté... Il est forgeron... Cela aurait pu être n'importe quoi... Il y a tellement de pièces de métal là-bas sous le préau !
— Bien, nous aurons même de quoi prendre de bons repas !
Nos sacoches sont prêtes. Le feu dans l'âtre est éteint. La porte se referme derrière nous et la clef de la maison est cachée derrière le fameux tas de bûche duquel j'étais tombée un mois plus tôt.
Alors que je fais face au cheval aux grandes oreilles, je m'amuse à observer cses grands naseaux bouger au rythme de ses respirations. L'animal me dépassant gigote pendant que Godefroy serre les liens pour maintenir les sacoches et sacs en place. Hier soir, Godefroy a enfourné la majorité de son stock sec dans des toiles de jute. Un bon gros fromage, du poisson séché et un peu de viande. Nous trouverons des pommes sur la route me dit-il. Je ne connaissais pas ce fruit avant d'arriver ici. Il y en a un peu partout. Ils viennent d'arbres qu'ils appellent des pommiers, facile pour s'en rappeler. Ces fruits sont juteux et sucrés sauf si bien sûr il est ramassé au sol... J'en ai fait les frais... Je frissonne au souvenir de ce goût... Particulier...
Roannnnnn-Ro-Ro-Roannnn
Je recule d'un bond tombant à nouveau sur l'arrière-train. Il ressemble à un cheval, à la taille d'un cheval mais ce n'est pas un cheval ! Le cri de la bête est suivi de rires masculins qui n'arrêtent pas de se moquer de moi à la moindre occasion !
— Et bien tu n'as jamais vu de mulet ou d'âne non plus à ce que je vois
— Moque-toi, je t'en prie, je ne manquerais pas de le faire également lorsque l'occasion se présentera !
— Je veux bien voir ça ! Relève-toi, je n'aime pas te savoir à la portée des sabots de Yves.
Il me tend une main tremblante. Je n'avais pas remarqué ce fait depuis qu'il est rentré. Je m'appuie du bout des doigts sur la paume qui m'est tendue. Il m'empoigne en plus par le poignet pour me hisser vers lui. Sa peau est moite comme s'il avait fait un effort surhumain juste avant. Va-t-il bien ?
— Gwenn ?
— Oui ?
Il ne me lâche toujours pas et attrape quelque chose dans sa poche.
— Comme je te l'ai expliqué, pour voyager tranquillement et entrer en ville sans avoir d'ennuis, nous devons nous faire passer pour...
— Pour... ?
— Des époux. Mais des époux sans alliances seraient trop suspects... Surtout pour un forgeron et sa femme...
Qu'est ce dont ? Des alliances ? Je pose mes yeux sur le creux de sa main et je vois un anneau de métal blanc semblable à celui qu'il porte déjà.
— Ce n'est pas grand-chose mais... Je devais le faire pour que tu voyages paisiblement.
Il se pince les lèevres en glissant l'alliance à mon annulaire gauche...
— Te voilà plus officiellement Madame De... Deforge...
Le ton si triste dans sa voix me laisse penser que son esprit se remémore celle qui ne quitte jamais son cœur, sa chère Joséphine. Il secoue la tête comme pouvait le faire son "Clébard" après avoir fixé de la nourriture trop longtemps et monte sur le dos de Yves. Sa main toujours tremblante me hisse derrière lui bien adossée et confortable entre les provisions et nos effets. Un dernier regard sur cette maison qui m'a accueillie pour ma première péripétie en dehors de mon île et nous nous éloignons entre champs et bois.

***
A peine une heure après avoir commencé notre voyage, un grondement sinistre se fait entendre.
— Nous allons devoir faire une halte je crois.
— Déjà ? Pourquoi donc ?
— J'ai entendu un orage qui n'a pas l'air de vouloir se calmer...
Son ton ironique suivi de son rire mesquin me confirme qu'il sait pertinemment d'où vient ce bruit... J'étais si pressée de partir que j'en ai oublié de manger...
Nous avons développé une certaine complicité durant le mois qui s'est écoulé. En dehors des moments où il n'était vraiment pas bien et où il s'énervait sur tout et sur rien à la fois, nous en avons un peu appris l'un sur l'autre, bien que... de mon côté, mon discours et le récit de ma vie étaient bien rodés et surtout inventés de toute pièces. Quoi qu'il en soit, à mon grand regret et en dépit de mes avances insistantes, il ne m'a pas approchée et encore moins touchée ! Le seul moment où j'ai été aussi proche de lui après cette journée brûlante est cet instant, en haut de ce canasson.
Devrais-je profiter de ces prochains jours pour arriver à mes fins et l'inciter à rester avec moi jusqu'à la pleine lune ? Il peut toujours rester avec moi un ou deux jours de plus...
Appuyée sur mon fauteuil de fortune, je déplace mes mains sur les côotes du forgeron. Il se contracte sous mes doigts. Qui aurait cru que son corps soit aussi ferme pour son âge ? Je n'y avais pas pensé en effet lorsque nous avons partagé ce moment... Intense... Une douce chaleur parcourt mon corps de mon dos jusqu'à mes cuisses.
— Vous avez faim ?
— Que-Pardon ?
— Votre ventre... je sais pertinemment que ce n'était pas l'orage que j'ai entendu.
Par Farell... Je divague ma parole !
— Je peux toujours attendre, ne vous en faites pas.
— Espérons alors que vous saurez vous retenir jusqu'au prochain village. Je n'ai pas envie de finir en déjeuner
Ce n'est pas en déjeuner que je te voudrais Godefroy je te rassure... Je pose ma tête sur son omoplate et je sens son regard se poser sur moi un instant.
— Nous devrions arriver dans une demi-heure environ. Reposez-vous en attendant.
Le forgeron si rustre au premier abord, saoul et voir même incompréhensible si j'évoque notre premièere rencontre n'est finalement pas si sauvage qu'il en a l'air. Mes paupières se ferment et bercée par le pas cadencé du mulet, je me détends. Je sursaute légèrement quand mes deux mains sont jointes à nouveau sous celle de Godefroy si rugueuse mais si douce à la fois.
— Reposez-vous, je vous tiens. Vous étiez en train de glisser.
Je murmure, ou bien l'as t il au moins entendu? Un « merci » mais je tombe à nouveau.

***

Nous reprenons la route après avoir fait bonne pitance. Nous avons profité de notre halte pour acheter une miche de pain auprès du boulanger. C'est tout de même étrange. C'est le seul du village à pouvoir avoir un four à pain et surtout à le faire cuire à l'intérieur... Sur mon île nous pouvions en faire cuire comme bon nous semblait... Bien que surtout je n'avais pas envie de le faire mais les autres le pouvaient aisément.
— Nous avons encore trois heures devant nous avant que le soleil ne se couche. Nous nous arrêterons à l'auberge de la truite en espérant y être à temps.
— Nous sommes sur la bonne route dans tous les cas. Le boulanger nous a bien renseigné.
— Vous savez Gwenn, la parole d'un homme qui n'a jamais quitté son fourneau est bien pâle. Vous voyez là-bas ? En haut des montagnes ?
Les montagnes qu'il me désigne au-dessus des arbres ressemblent à celles de mon île mais bien plus lointaines et grandes avec, en effet, un point bien différent.
— Lorsque le sommet de ces montagnes se recouvre de blanc aussi tôt dans l'année, nous pouvons être sûrs qu'il ne vaut mieux pas être dehors en pleine nuit.
Sa main gauche toujours pointée vers ces reliefs, je suis hypnotisée par le bijou autour de son doigt. Il tremble de plus en plus.
— Tout va bien Godefroy ?
— Oui, oui... Vivement que nous arrivions.
— Puis-je vous poser une question ?
Comment lui demander cela... Il ne doit pas être bien de part son manque de boisson déjà mais si je lui dis en plus qu'il peut boire et que cela ne me gène pas, il risque d'y penser encore plus... Peut-être même qu'il n'aimerait pas que j'aie remarqué ce changement chez lui... Je vais trouver autre chose. Je ne vais pas empirer la situation !
— Me laisserez vous immédiatement après être arrivé en ville ?
— Bien sûr que non ! Il nous faut trouver Boris, vous savez, mon ami le marchand ! Puis je veux être sûr qu'il vous prenne bien en charge et convenablement.
Il est si préventif et attentionné...
Le soleil disparaît derrière les arbres et les étoiles montrent le bout de leur nez. Tout comme des lumières droit devant nous. Enfin l'auberge que nous attendions tant.
Une fois arrivés, le forgeron amène le mulet à l'arrière vers une étable. J'en profite pour l'attendre sur le chemin et m'étirer de tout mon long à l'abri des regards.
— Oh là ! Qui va là ?
La voix guère sympathique s'accompagne d'une silhouette et d'une lanterne. La lune éclaire déjà le paysage et l'endroit est plutôt désert pour une auberge accueillant des voyageurs... Les pas se rapprochent encore.
— Hey ! Répondez !
Godefroy répond alors que je suis tétanisée sur place. Cet homme me fait froid dans le dos.
— Des voyageurs. Nous nous rendons à Portours. Nous venons passer la nuit ici avec mon épouse.
— Ne restez pas dehors dans ce cas ! Entrez, entrez ! Les extérieurs ne sont pas sûrs la nuit.
Rassurée par l'arrivée de mon ami, il se tient juste derrière moi pour m'entraîner dans l'établissement. L'odeur de sa boisson favorite imbibe la pièce. J'en ai rapidement la nausée mais je pense à nouveau à Godefroy qui tremble toujours. Je reste figée là comme une statue attendant qu'il revienne de sa conversation fort distrayante avec le gérant de cette maison. Une grande pièce où se trouve un escalier pour monter à l'étage et quelques tables accueillant deux hommes déjà bien saouls malgré l'heure.
— Nous pouvons monter. Deuxième porte à droite.
Lorsque nous sommes seuls, Godefroy est certes protecteur mais beaucoup plus détendu. Je ne connaissais pas ce côté si tendu et alerte de sa personnalité. Il insère la clef dans la serrure de la porte et rentre précipitamment.
— Que se passe-t-il ? Un problème ?
Il s'avance vers la fenêtre et l'ouvre en grand, laissant le froid s'engouffrer dans la chambre. Godefroy s'appuie avec ses coudes sur le rebord en bois. Mais qu'a-t-il donc à la fin ?
— Godefroy !
La main effleurant son épaule, je ne peux que constater qu'il tremble de plus en plus.
— Godefroy... Ce... Est-ce dû à l'alcool ?
— Qu'est-ce que vous racontez ! Ce n'est pas du tout ça ! Occupez-vous de vos affaires !
Il me repousse violemment en lançant son bras en arrière. Il... Il n'a jamais été méchant avec moi... Je reste là. La bouche tombante.
— Gwenn... Je...
Je n'attends pas de savoir ce qu'il a à me dire et je sors. En un instant je me retrouve dehors. L'instant d'après, je suis à l'arrière de l'immense maison.
— Gwenn ! Attendez !
Je m'arrête lorsqu'une poigne ferme attrape mon bras gauche et lève ma main vers son visage que je ne vois pas.
— Et alors ma jolie ? Tu veux connaitre autre chose que ton mari ne peut pas te donner ?
Mais qu'est ce que c'est que... D'où vient-il ? Que me fait-il ? Pourquoi me dit-il cela ?! Un poing vient heurter le crâne de l'homme face à moi. Il ne faut pas plus d'une seconde pour qu'il se retrouve au sol.
— Gwenn ! Vous allez bien ? Je n'aurais pas dû vous... Je suis tellement navré...
Ses paroles sont comme de la fumée dans mon esprit. Que s'est-il passé ? Malgré moi, je marche. Mes pieds avancent tout seuls. Gwenn... Gwenn ? Répondez-moi. A la lueur de la lumière qui éclaire faiblement l'extérieur et celle de la lune reflétant les quelques cheveux blancs de Godefroy, je suis assise sur un petit banc entre la route et l'auberge. J'ai le regard dans le vide et je sens encore ce bras tremblant autour de mes épaules. L'odeur encore mélangée au feu de la forge et aux crins de Yves. Ces doigts charnus se placent sous mon menton avant de le relever avec la douceur dont il a l'habitude.
— Gwenn... Je suis désolé... Je ne voulais pas vous faire peur.
De son autre main, il vérifie malgré la luminosité très basse si l'homme ne m'a pas fait de mal. Je sors enfin quelques mots.
— Je vais bien...
— Il a réussi à enlever votre bague... Venez avec moi, je vais lui apprendre à s'en prendre à ...
Je le retiens en hochant la tête.
— Ce n'est qu'une bague Godefroy... Rentrons...
Dans quelques jours, il ne sera même plus avec moi... Au moins je pourrais faire ce que je dois faire sans me rappeler à quel point il a été gentil avec moi...

***

La nuit a été agitée pour mon compagnon de chambrée. Les tremblements et les sueurs ont été insupportables pour lui. J'espère qu'il tiendra le voyage. Pendant tout le petit déjeuner, il a eu le regard plongé dans sa soupe. Je veille et nous continuons notre route comme elle a commencé... Enfin... Sans les éclats de rires...

***
        Nous avons passé le guet prévu de ce soir vers midi. Nous avons bien avancé. Quelques pauses pour que Yves puisse se détendre un peu d'après Godefroy ou je pense plutôt qu'il n'osait avouer qu'il commençait à fatiguer...
— Nous allons loger ce soir chez une famille que je connais. Ce sont des clients qui habitent à moins d'une demi-journée de Portours.
— Seulement une demi-journée ?
— Il serait mal vu d'arriver de nuit et qui plus est...
— La vieille bourrique doit se reposer?
Comprendra-t-il ma touche d'humour ?
— La mule est encore dans ses belles années... Je ne me serais pas permis de l'emprunter si elle n'avait pas tenu le voyage.
Sans réponse de ma part, il se retourne un sourcil arqué comme s'il commençait à comprendre. J'en profite alors pour lui répondre. Les tensions de la veille et de la journée s'apaiseront peut-être ?
— Je le sais bien, notre destrier et même plutôt jeune si je l'ai bien observé
Je me mords fortement la lèvre alors que le forgeron, les cheveux tirant vers le blanc au fil des années, fronce les sourcils, ce qui accentue ses rides frontales.
— Chère demoiselle, insinuez-vous qu'il y a quelque chose de vieux ici ?
Je souris et il amène l'un de ses bras vers l'arrière pour me pincer la cuisse. Je retrouve enfin le Godefroy qui a quitté sa forge hier matin... Ses tremblements sont de moins en moins présents d'ailleurs... Peut-être que l'odeur omniprésente hier soir dans l'auberge était insoutenable pour lui ?
— Peut-être que je ne l'insinue pas ?
Il reprend son sérieux, regardant loin devant nous.
— Votre audace et votre impertinence me manqueront une fois reparti de Portours.

***

Nous passons la nuit chez les clients de Godefroy. La soirée se passe bien mieux que la veille. Nous appuyons encore sur notre histoire. L'absence de ma bague attriste Godefroy et l'inquiète. Ses clients ne sont sûrement pas dupes mais leurs avis ne comptent pas tant que cela.
Nous dormons tous ensemble dans le lit familial. Godefroy est tourné vers moi. C'est bien la première fois qu'il le fait intentionnellement. Je suis au bord du couchage. Je sais qu'il ne dort que d'un œil. Ce ne sera pas notre dernière nuit ensemble mais demain sera le commencement d'un nouveau voyage.

***

        Nous avons repris la route depuis quelques heures et je vois de hauts murs en pierre au loin. Godefroy m'a déjà expliqué ce que sont des murailles mais je ne pensais pas qu'elles pouvaient être si hautes.  Devant la grande porte pour passer ce mur, des dizaines de personnes avec des chariots attendent patiemment leur tour pour entrer.
Des Hommes habillés de métal fouillent les charrettes et arrêtent, frappent et renvoient une majorité de voyageurs. Godefroy est tendu et il pose sa main sur ma jambe pour me rassurer. Je suis légèrement étonnée mais je crois comprendre, je glisse ma main sous la sienne.
-          Mets ton capuchon.
Je m'exécute et je tiens mon rôle, celui de sa femme. Pendant le repas de la veille, nous avons tenu notre rôle à merveille, du moins je l'espère. Je suis Madame Deforge. Nous sommes de jeunes mariés en voyage de noce. Godefroy m'a également remis un laisser passer me permettant de circuler où bon me semble une fois en ville. Ce statut marital me permet donc une protection et une liberté supplémentaire dans cette grande fourmilière. Si seulement cet homme n'avait pas arraché ma bague... Le lendemain, au petit matin, nous avons cherché longuement le bijou. Impossible de le retrouver.
C'est bientôt à notre tour. Nous faisons avancer la mule à hauteur des gardes.
-          Noms et raison de votre venue !
-          Godefroy Deforge et voici ma femme Gwenn Deforge. Nous sommes en voyage de noce et je viens faire découvrir la ville à mon ignorante femme.
Le garde pas très amical regarde nos mains entrelacées et malgré notre promiscuité, il reste sur sa défense.
-          Jeunes mariés en voyage de noce alors ?
-          C'est exact.
-          Il est rare de voir des jeunes mariés sans que l'un d'eux n'est son alliance non ?
Godefroy se tends et réponds un peu plus sèchement.
— Nous avons été importunés sur la route et un homme a arraché l'alliance de mon épouse.
Les autres gardes, tout aussi mauvais que ce dernier rient et sortent leurs armes. Nous sommes encerclés et me voilà attirée en arrière par un homme qui m'agrippe par la taille et m'éloigne de Godefroy. Mon mari d'un jour se retourne pour me rattraper mais deux autres gardes se jettent sur lui pour le faire tomber en arrière.
— Et bien nous allons vérifier cela !
— Non laissez la ! Que faites vous ?! Laissez nous partir !
Les gardes me maintiennent pendant que leur chef parle à Godefroy.
— Nous allons l'examiner et l'interroger. Nous verrons bien si cette femme est bien « mariée ». De simples vérifications informelles suffiront à confirmer vos dires !
Je crie et secoue mes bras et mes jambes pour que les gardes me lâchent mais ils m'immobilisent en ramenant mon bras dans mon dos. La douleur est grande et me coupe le souffle.
— Gwenn ! Je te le promets ! Je te retrouverais ! Je te retrouverai toujours !
Le garde me pousse vers la grande porte. J'entends Godefroy crier mon prénom en me promettant de me retrouver. Je jette un dernier regard vers lui et je vois cet homme, épée à la main, utiliser le pommeau de celle-ci pour assommer mon ami. Mes cris ne s'arrêtant pas, mon tortionnaire fait de même avec moi.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 27 ⏰

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