Une faille dans la roche

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Annabeth observait la colonie parcourue par les demi-dieux et demi-déesses qui s'occupaient et s'affairaient à leurs activités quotidiennes. Deux "Apollon" affrontaient deux "Arès" pour savoir quel bungalow était le plus rapide et le plus agile à grimper le mur d'escalade plein de lave. Les pensionnaires du bungalow d'Aphrodite étaient toujours aux écuries : à l'extérieur, des garçons et des filles se maquillaient mutuellement tout en papotant, tandis que leurs frères et sœurs brossaient et harnachaient les pégases. Drew Tanaka restait à l'écart avec deux autres, jetant des regards noirs à Piper, qui écoutait une de ses sœurs lui expliquer comment prendre soin d'un sabot. Un brouhaha continu provenait de la forge, parfois entrecoupé des cris de surprise d'un "Héphaïstos" dont le gadget avait dysfonctionné. Quelques pensionnaires – un fils d'Iris, un fils d'Hécate et deux filles d'Hermès – profitaient de la chaleur du brasero du pavillon-réfectoire.

Annabeth secoua la tête. C'était comme si personne ici ne se préoccupait de ce qu'il se passait hors de la colonie. Certes, elle avait entendu quelques "Gaïa", "guerre", "géants" ou "Ethan" murmurés à par-ci par-là, mais ceux qui en parlaient préféraient changer de sujet rapidement pour discuter de choses plus plaisantes. Elle savait que parler de tout cela ne faisait que décourager les autres, ce qui ne servait à rien. Mais, tout de même, elle n'arrivait pas à penser à autre chose.

Elle secoua la tête, se concentrant de nouveau sur la tâche qui l'occupait. Elle versa un peu de l'eau contenue dans le seau à côté d'elle sur sa pierre à aiguiser, posa le bord de la lame de sa dague en bronze dessus en respectant le bon angle, puis fit glisser la lame en avant de la main droite – celle qui tenait l'arme – pendant que la gauche maintenait la pierre en position. Ensuite, elle releva sa dague, la remit dans sa première position et recommença l'opération. Quand les copeaux métalliques commençaient à s'accumuler, elle versait à nouveau de l'eau.

Ce genre d'activité lui permettait de s'occuper l'esprit quand elle en avait besoin mais qu'elle ne parvenait pas à se concentrer sur un livre. Assise sur le sol près du lac, penchée au-dessus de la pierre à aiguiser posée sur une planche de bois, elle-même posée sur ses cuisses, Annabeth affûtait sa lame. C'était plus simple que de concevoir de nouveaux bâtiments pour l'Olympe.

Sauf que cela ne lui occupait pas l'esprit. Geste... après geste.... après geste, le fil de sa lame s'affilait et sa conscience de la situation dans laquelle elle se trouvait se faisait plus aiguë. Percy avait disparu ; chaque seconde qui passait les rapprochait du réveil de Gaïa ; Ethan était mort ; et, pour couronner le tout, Y/N était au bout du rouleau ! Il n'avait pas dormi depuis qu'ils étaient revenus à la colonie, la veille, et il ne lui parlait presque plus : parmi les quelques mots qu'ils avaient échangés, la plupart d'entre eux étaient ceux de ses cris, hurlés dans le bureau de Chiron il n'y avait pas deux heures de cela. Elle savait à quel point c'était difficile pour lui – ça l'était pour eux tous. Ne pouvait-il pas le voir ? C'était dans ce genre d'épreuves qu'ils devaient être là l'un pour l'autre. Mais Y/N construisait un mur tout autour de lui, et elle ne comprenait plus rien : ni ce qu'il ressentait, ni ses propres émotions.

Elle était en colère. Et cette colère faisait qu'elle avait honte. Chiron arrivait à garder le contrôle sur ses émotions. Elle devait rester patiente et s'efforcer de comprendre ce qu'Y/N ressentait, à l'intérieur.

Le simple fait d'essayer de résoudre ce problème la rendait folle. Combien de temps supporterait-elle cette spirale infernale de pensées ? Elle était toujours en train de réfléchir, sans pour autant que rien ne change autour d'elle. Bientôt, elle en était sûre, elle allait exploser.

Elle versa un peu plus d'eau sur la pierre et continua d'aiguiser la lame de sa dague. Elle n'aimait pas ce que cette action répétitive l'amenait à penser. Elle était la fille d'Athéna : elle aurait dû être capable de régler le problème. Mais, de plus en plus, elle craignait de perdre l'équilibre sous le poids du chagrin et de devenir totalement inutile.

Annabeth Chase x Lecteur (Reader) - Le fils de Junon - Livre 7Où les histoires vivent. Découvrez maintenant