Annabeth Chase x Lecteur (Reader) - Le fils de Junon - Livre 7

Tous les chemins mènent à Rome

Percy commençait à en avoir sérieusement assez des mégères aux cheveux de serpents.

Elles auraient dû mourir trois jours plus tôt, quand il leur avait jeté une caisse de boules de bowling à la tête, au Bargain Mart de Napa. Elles auraient dû mourir avant-hier, quand il les avait écrasées avec une voiture de police à Martinez. Et, clairement, elles auraient dû mourir ce matin, à Tilden Park, quand il les avait décapitées.

Mais non. Percy avait beau les tuer et regarder leurs corps s'effriter, chaque fois elles se reformaient tels d'énormes moutons de poussière démoniaques. En plus, il n'arrivait même pas à les semer.

Il atteignit le sommet de la colline et reprit son souffle. Quand les avait-il tuées pour la dernière fois ? Ça devait faire dans les deux heures. Or il avait remarqué qu'elles ne restaient jamais mortes plus longtemps que ça. Il n'avait quasiment pas dormi ces derniers jours. Et il s'était nourri de ce qu'il avait pu grappiller : des nounours en guimauve trouvés dans des distributeurs, des bagels rassis et même un burrito infect, d'un fast-food dont il préférait taire le nom. Il avait les vêtements déchirés, brûlés par endroits et tachés de bave de monstre.

S'il avait survécu jusque-là, c'était pour la seule et unique raison que les deux mégères – les gorgones, tel était le nom qu'elles se donnaient – n'arrivaient pas à le tuer non plus. Leurs griffes n'entamaient pas sa peau. Elles se cassaient littéralement les dents chaque fois qu'elles essayaient de le mordre. Il n'empêche que Percy arrivait au bout de ses forces. Il n'allait pas tarder à s'écrouler de fatigue et alors, il avait beau être dur à tuer, il était presque certain que les gorgones trouveraient un moyen de l'achever.

Où fuir ?

Il balaya le panorama du regard. En d'autres circonstances, il aurait apprécié la vue. À sa gauche, des collines dorées s'enfonçaient vers les terres, parsemées de lacs, de forêts, et çà et là de pâturages avec des vaches. À sa droite, les plaines d'Oakland et de Berkeley s'étiraient vers l'ouest, vaste damier de petites villes résidentielles, peuplées de plusieurs millions de personnes qui n'avaient sans doute pas envie de voir débouler de bon matin deux monstres et un demi-dieu.

À l'ouest, la baie de San Francisco scintillait sous une brume argentée. Derrière, la ville elle-même se perdait dans une nappe de brouillard dont n'émergeaient que les sommets de gratte-ciel et les tours du pont du Golden Gate.

Percy sentit une tristesse vague s'emparer de lui. Quelque chose lui disait qu'il était déjà allé à San Francisco. Il y avait un lien entre la ville et les vagues silhouettes dont il pouvait se rappeler. La louve lui avait promis qu'il reverrait les personnes qu'il voyait flous dans ses souvenirs et retrouverait la mémoire – à la condition qu'il mène à bien son expédition.

Devait-il essayer de traverser la baie ?

C'était tentant. Il sentait la puissance de l'océan juste au-delà de l'horizon. L'eau lui redonnait des forces. Surtout l'eau de mer. Il l'avait découvert deux jours plus tôt, quand il avait étranglé un monstre marin dans le détroit de Carquinez. S'il parvenait à la baie, il pourrait mener le combat final. Peut-être même pourrait-il noyer les gorgones. Mais la côte était à au moins trois kilomètres de là : il y avait tout une ville à traverser.

Il avait une autre raison d'hésiter. Lupa la louve lui avait dit d'aiguiser ses sens – de faire confiance aux instincts qui l'avaient dirigé vers le sud. Or, maintenant, son radar à tête chercheuse sonnait comme un dingue. Il était presque arrivé à destination ; il sentait que son but était quasiment sous ses pieds. Impossible, pourtant : il n'y avait rien au sommet de cette colline.

Le vent tourna. L'odeur aigre des reptiles parvint aux narines de Percy. Il entendit, à une centaine de mètres en contrebas, des bruissements dans le sous-bois – des brindilles brisées, des feuilles écrasées, des sifflements.