1. Demande de renfort

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« Qu'importent les trésors !
Plutôt qu'argent entasser, mieux
vaut amis posséder. »

- Nikolaï Gogol -

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Un homme poussa la porte de la petite taverne militaire paumée au fin fond de Kanach, essoufflé: il portait l'étoile rouge, insigne de l'URSS, à la poitrine.

Les ordres de l'Etat-Major étaient enfin arrivés, et le suspens, l'anxiété et l'irritabilité étaient à leur comble.

Les jeunes soldats de l'armée rouge se pressèrent autour de lui, plus impatient que jamais, espérant une bonne nouvelle pour leur escouade.

- Demande de renfort... il reprit une nouvelle fois son souffle avant de continuer, demande de renfort immédiat au front de l'Est...

Un grand froid s'abatti dans la petite gargote, tous savaient ce qui les attendaient s'ils y allaient, ou s'ils n'y allaient pas: la mort.

D'un côté, tranchées, obus, gaz, chars-d'assauts, traumatismes, et de l'autre, l'exécution pour avoir "trahi la Patrie".

Malheureusement, les ordres sont les ordres, et le cerveau humain étant codé pour la survie, les troupiers choisiraient toujours l'enfer au lieu de la fusillade, et ce sans la moindre hésitation.

Assit tout au fond de la taverne, un jeune homme de la vingtaine écoutait les conversations d'une oreille distraite, plus occupé à graver des lettres aléatoires, à l'aide d'un couteau, sur le comptoir.

A le voir ainsi, ses longs cheveux aussi blanc que la neige lâchés et ses vêtements immaculés, on aurait pût croire qu'il fut un garçon sage et empathique, recruté de force par l'armée rouge.

Oh, la vérité en surprendra plus d'un, mais ce jeune homme, malgré son jeune âge, était un criminel au casier judiciaire bien garni, dont la peine de mort avait été repoussé sous peine de servir l'Union Soviétique jusqu'au dit décès. Son cas était celui de beaucoup d'autres "anciens criminels", recruté en raison de manque de soldats.

C'était toujours mieux que d'aller au goulag après tout.

Il faisait aussi parti de ces personnes qui, même en ce temps de guerre, réclamait une partie de "l'Empire Soviétique", comme aimaient l'appeler les Puissants, une partie qui serait indépendante et porterait un nom bien à elle, avec une langue tout aussi dérivé de l'alphabet cyrillique, mais assez différente du russe pour faire la distinction, c'était d'ailleurs là la motivation de la plupart de ses crimes.

Les autres était motivée par une désir illusoire, purement égoïste: être libre, sans toutes ces lois inutiles.

Libre de ses sentiments, libre de son être, libre de toutes les choses qui le rendaient normal, qui le rendaient humain, juste libre.

Sachant cela, le portrait que l'on se faisait de lui passait de l'ange au fou, et c'était exactement la façon dont il désirait qu'on le voit.

Ce vingtenaire, tristement connu de la police et du gouvernement, ce nommait Nikolaï Gogol, et c'était sûrement un des seuls de ce pauvre bar délabré à ne pas montrer de mécontentement à partir au front, sûrement car il n'avait pas conscience du supplice qui les attendait.
Après tout, il n'avait ni famille ni femme qui l'attendait au foyer, alors pourquoi pas.

"Ils en font des caisses, ce ne doit pas être si terrible" pensa-t'il, à tord malheureusement.

Malgré son passé pas si lointain, il était extrêmement bien intégré dans son peloton, et avait nombre d'amis à qui - au dépit des rumeurs, Nikolai était quelqu'un de très sociable et amicale, bien qu'un chouïa antipathique - il tenait plus qu'à sa propre vie.

Pour la Patrie - FyolaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant