4. Son sang nourrira la terre

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« Nous rabaissons trop la
providence quand,
par dépit de
ne pouvoir la comprendre, nous
lui prêtons nos idées. »

- Fyodor Dostoievsky-

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Lorsque le lourd pan de toile cirée retomba derrière lui en un bruit sourd, Fyodor poussa un soupir las.

Il détestait avoir à tuer des soldats pour rien, et il détestait encore plus devoir se traîner - disons clairement les termes - un boulet de la pire espèce.

Ses dernières semaines avaient été épuisantes: entre l'avancée des Allemands Nazies sur leurs terres du côté européen et les attaques japonaisses sur la Chine sur la côte est, il ne savait plus d'où donner de la tête.

Et cela se voyait à l'état de ses ongles, rongés jusqu'à la pulpe et même au sang, mais aussi à ses poignets bien plus fin que ceux d'une personne en bonne santé.

On aurait pût croire, que dans sa situation le pire aurait été cette lueur rancunière dans les yeux des soldats et des civils.

Ou alors, cette impression que tous voulait le voir disparaître.

Peut-être plutôt la violence qu'il subissait verbalement, alors qu'il ne faisait que de se battre pour la Patrie...

Mais non.

En vérité, le pire, c'était qu'il aimait cela.

Il aimait cette envie de meurtre palpable lorsqu'il passait dans les villages, il aimait les visages crispés de rage de tout ces pions insignifiants.

Il aimait la façon dont l'expression de ce soldat c'était décomposée lorsqu'il avait ordonné la mort de son ami, comment il c'était jeté sur lui pressant ses doigts contre sa gorge pour que le moindre reste d'oxygène disparaisse, le désespoir au fond de sa pupille rétrécie lorsqu'il avait compris que son désir de meurtre était irréalisable.

Maintenant qu'il y repensait, c'était assez étrange, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti une telle satisfaction à frôler la mort.

Fyodor n'était pas suicidaire, loin de là, pourtant il aimait inexplicablement que les gens le détestent, voir cherchent à le tuer.

A cette pensée, il passa sa main sur son cou: c'était douloureux, il aurait sûrement une marque de la belle couleur des ciels d'été.

Son regard se posa finalement sur la corbeille de fruit au fond de la tente.

Il n'avait pas souvent le temps de manger, de plus il n'en ressentait que rarement l'envie, il en éprouvait même parfois un certain malaise, bien qu'il se sache pertinemment atteint d'anémie. Doublé de son anorexie - ou ce qu'il considérait comme, car il ne faisait pas vraiment attention à son apparence physique tant qu'il restait présentable -, cela lui offrait une constitution assez faible. Et un complexe, il faut le dire, mais en ces temps de guerre il avait trop à penser pour s'en préoccuper.

L'ébène considérait ces maladies comme anodines, tant qu'elles ne laissaient pas place au scorbut¹, mais il ne pouvait nier les symptômes plus que présents chez lui:

Il était constamment fatigué, avait toujours un teint blafard et ne pouvait faire la moindre activité un temps soit peu sportive sans être essouflé à en cracher ses poumons.

C'était aussi pour cette raison qu'il était stratège et non soldat, son état physique ne le lui permettait pas.

Au bout de quelques minutes, il se décida enfin à prendre une pomme, choisissant la plus pourpre, et croqua dedans à contre-cœur.

Pour la Patrie - FyolaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant