Chapitre 42

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                          Adélaïde
                        17 et 18 ans

Couchée sur mon lit, je pleure. J'ai besoin de me vider.
Une rupture n'est jamais facile, mais il le fallait. Pour son bien-être. Je ne veux pas être une source de ses problèmes. J'ai pris la bonne décision même si ça fait mal.
Je continue de m'apitoyer quand Tyler entre dans ma chambre, après avoir toqué.
- Adélaïde, viens, dit-il, d'une voix blanche.
- Tyler, je veux rester seule pour ce soir, je murmure.
Il se racle la gorge.
- C'est urgent, Adélaïde. Aux infos, ils parlent d'un accident de voiture qui a eu lieu à quelques mètres du cimetière.
Je me relève et demande, perplexe :
- Pourquoi c'est urgent ? Quel est le rapport avec moi ?
Il baisse la tête comme accablé par un poids qui le pèse.
- Tyler ?
- Je pense que c'est la voiture de Louis.
- Non, je lâche. Non, non, non.
Je répète ce mot encore et encore. Je refuse.
Je quitte ma chambre en courant et vais dans le salon. La télé est allumée sur la chaîne des infos :
- Ce soir, commence le journaliste, un adolescent a trouvé la mort dans un accident de voiture. Le véhicule a été percuté par un camion. Le jeune homme est mort sur le coup, suite au choc de la collision. Le chauffeur du camion, lui, a été transporté à l'hôpital. Après de nombreux tests, on a découvert qu'il conduisait sous état d'ivresse.
Le jeune est mort sur le coup, suite au choc de la collision.
Cette phrase tourne en boucle dans ma tête. Je n'arrive plus à écouter le présentateur. Je regarde le lieu de l'accident qu'ils ont filmé. Je reconnais la voiture de Louis dont le devant est totalement détruit.
Non.
Je refuse d'y croire. C'est un cauchemar. Ce n'est pas possible sinon. Il doit sûrement être dans sa chambre en train de lire ou jouer avec Pumpkin.
Je récupère mon téléphone et appelle Winter. Je suis sûre qu'il va me répondre et me rassurer en disant qu'il va bien.
Une sonnerie.
Puis deux.
Trois.
Quatre.
Cinq.
- " Bonjour, vous êtes sur la messagerie de Louis Winterson "
Sa voix résonne dans toute la pièce, mais il n'est pas là.
Il ne sera plus jamais là.
L'appareil glisse de mes mains et je me mets à genoux. Je crie jusqu'à ne plus avoir d'air. Je place mes mains sur mon visage et éclate en sanglots. Je hoquette, je pleure, je souffre.
C'est ma faute !
Ma putain de faute !
Je sens les bras de Tyler qui m'enlacent, mais mes sanglots s'intensifient.
- Pourquoi es-tu tombé amoureux de moi ?
- Pour mon cœur, c'était une évidence.
Son cœur qui ne bat plus. Je ne l'entendrai plus...
- Pourquoi lui ?!, je clame. C'est moi qui voulais mourir ! Pourquoi c'est lui a perdu la vie, alors ?!
- Adélaïde, on est désolé pour Louis, dit Tim.
Je relève la tête et le vois avec Ana. Les deux sont en larmes.
- Vous êtes là depuis combien de temps ?
- Assez pour comprendre, répond Ana.
- Je l'aime, j'affirme en regardant Tyler dans les yeux.
- Je sais et lui, il t'aimait encore plus. À l'infini, Adélaïde, confie-t-il en séchant mes pleurs du pouce.
Adélaïde Carter, je t'aime à l'infini et je suis sûr que même après notre mort, on se retrouvera.
- Dégage de cette maison !, crie ma mère.
- C'est ce que je vais faire, rétorque mon père, je veux dire, Jacob.
Ils apparaissent dans le salon et sont stupéfaits de nous voir ainsi.
- Vous en faîtes de ces têtes, déclare ma génitrice. Qu'est-ce qui se passe ?
- Vous allez arrêter de vous disputez, oui ?, crache Tyler. Il y a des problèmes beaucoup plus grave ici.
Nos parents jettent un coup d'œil à la télé où ils aperçoivent les débris de l'accident.
- Conduite sous état d'ivresse, je suppose, dit ma mère. Pourquoi prendre le volant quand on a bu ?
- Louis est mort, j'annonce d'une voix cassée.
Cette phrase se répète dans ma tête.
Je ne veux, toutefois, pas y croire.
Mon Louis.
Mon Winter.
Je me mets debout et sort de la maison.
J'ai besoin d'être seule.
Je marche dans la nuit en sanglotant.
Ma vie ne sera plus jamais la même sans lui.
En une soirée, j'ai perdu mon petit ami et mon meilleur ami.
Sans m'en rendre compte, j'arrive chez les Winterson.
Je remarque le père de Louis assis sur le perron.
- Bonsoir, monsieur Winterson, je dis
Il soupire :
- Tu sais qu'il est...
- Oui.
- Assieds-toi, me propose-t-il en tapotant la place à côté de lui.
Je l'obéis. Ses yeux sont bouffis.
J'entends un cri provenant de l'intérieur qui me fait sursauter.
- C'est Ashley ?
Il hoche la tête.
- Je viens juste de rentrer, m'explique-t-il. Un policier est venu nous voir, il y a une heure et m'a tout raconté. Il nous a demandé si on voulait voir le corps. Ashley a refusé. Elle ne pouvait pas. Elle a perdu son unique fils.
- Vous aussi.
- Moi aussi, concède-t-il. Je l'ai vu...Il ressemblait à un ange endormi.
- Un ange endormi pour l'éternité, j'ajoute.
Il acquiesce.
- Heureusement, il n'a pas souffert. J'avais l'impression qu'il se tapait juste une petite sieste. Seulement, son visage était parsemé d'entailles dû aux débris de la vitre.
Il lâche un soupire et poursuit :
- Je...je regrette d'avoir été aussi odieux avec lui, de le comparer à Henry, de ne pas avoir accepté ses choix.
- Maintenant, c'est trop tard, je déclare.
- J'ai été un mauvais père, Adélaïde.
Sa voix se brise.
- J'ai forcé Henry à être comme moi et ça l'a plongé dans une dépression.
- Comment vous le savez ?, je questionne en me rappelant que Louis est le seul à savoir de la dépression de son frère.
- J'ai lu la lettre d'Henry avant de la transmettre à Louis, avoue-t-il. Lui, il a compris que le fait de me ressembler, allait entraîner sa perte, mais je n'ai pas voulu l'accepter et il est mort ce soir sans être au courant que je l'aime et que je suis fier de lui.
Il se lève.
- Je dois aller voir comment va Ashley. Maintenant, j'ai peur qu'elle s'en aille à son tour.
- Restez près d'elle, monsieur Winterson. Elle en a besoin.
Il hoche la tête.
- Viens, Ashley t'aime plus que moi. Tu es comme sa fille après tout.
Je me sens coupable.
- Encore une chose, ajoute-t-il.
- Oui ?
Il retire quelque chose de sa poche.
- C'est la seule chose qui a survécu avec son téléphone. C'est toi qui devrais l'avoir.
Il me tend le portable de Winter ainsi que ma broche.
Une de mes larmes coulent sur les objets.
J'allume le téléphone et vois une notification annonçant un appel manqué de ma part. Le fond d'écran, c'est moi en train de faire du vélo, les cheveux au vent.
Un sourire se crée sur mes lèvres en repensant à ce jour...et à tous les autres jours passés avec ce garçon qui m'a tant aimé.
- Tu viens ?
Je porte de nouveau mon attention vers monsieur Winterson.
Il a, lui aussi, connu une perte ce soir.
- Le ciel est parsemé d'étoiles, je souris.
Il me sourit et me répond :
- Qui font briller nos nuits. Comme Louis.
- Louis fait briller nos journées, monsieur Winterson, je dis en pénétrant dans la maison.


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