1. Kitashi (1/3)

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Le soleil se refléta sur la carrosserie d'un bleu métallique. Minobe Kitashi gara la berline sur le parking du lycée Nishi d'un coup de volant expert. Les pneus crissèrent, le frein à main tiré claqua et il referma précautionneusement la portière. Celle de son coéquipier claqua bruyamment. Encore. Kitashi le toisa par-dessus ses lunettes de soleil. Iwasaki Jun grimaça et articula silencieusement une excuse. Alors qu'il posait sa veste de costume sur le toit du véhicule pour libérer ses mains et attacher la moitié de sa chevelure en une demi-queue de cheval — il évita le regard perçant de Kitashi — un agent de police en uniforme les interpella. Le portefeuille de Kitashi se déplia pour découvrir son insigne de police et sa carte d'identité. L'agent hocha solennellement du chef avant de jeter un coup œil à Iwasaki. Ce dernier, l'élastique entre les dents et les doigts dans ses mèches châtain, lui adressa un sourire et un haussement de sourcil.

« Il est avec moi, expliqua Kitashi. Qu'est-ce qu'on a ?

— Inspecteurs, les salua-t-il d'une courbette en maintenant d'une main sa casquette de service. Il y a un peu de marche jusqu'à la scène de crime. Si vous voulez bien me suivre. »

Kitashi ferma la voiture et emboîta le pas à l'agent. Iwasaki s'empara de sa veste qu'il plaça entre son poignet et sa hanche et, les mains dans les poches, rattrapa les deux hommes.

« Loin comment, monsieur l'agent ?

— Un peu plus de trois kilomètres, et ça grimpe un peu.

— Un peu comment ?

— Ça suffit, Iwasaki », marmonna Kitashi d'une voix dure.

Ils pénétrèrent sous le couvert des arbres. Il faisait plus frais ici, mais pas plus sombre. Les dernières feuilles écarlates qui pendaient aux branches ne tarderaient pas à tomber. Les faibles rayons du soleil disparurent derrière les nuages et Kitashi releva ses lunettes sur son crâne. Iwasaki enfonça un doigt dans la manche de la veste de costume de Kitashi pour attirer son attention. Leurs yeux se croisèrent. Une décharge électrique parcourut Kitashi comme un coup de tonnerre et il s'écarta. Si Iwasaki s'aperçut de quelque chose, ce que Kitashi redouta un instant, il n'en montra rien, car il déblatéra ses futilités avec une énergie qu'il aurait dû garder pour la marche qui les attendait.

« ... Je ne dis pas ça que pour moi. Tu as vu tes chaussures ? » Il désigna la paire de derbies de marque en cuir noir. « Tu vas les ruiner dans la boue et les cailloux.

— C'est certain que ce n'est pas toi qui vas te ruiner avec ce que tu portes aux pieds. »

Iwasaki baissa la tête vers sa propre paire de chaussures, de vieux mocassins usés jusqu'à la corde. La dernière affaire les avait achevés lorsqu'il avait dû poursuivre un suspect en fuite jusqu'à une déchèterie, un jour de pluie. Il n'avait pas eu le temps d'en acheter une nouvelle paire, et Kitashi le savait.

« Ça, c'est petit. J'aurais bien aimé t'y voir, toi, à patauger dans les sacs poubelles. »

Ils débouchèrent enfin au sommet de la colline, les chaussures poussiéreuses, ce qu'Iwasaki ne manqua pas de souligner. Des auréoles ornaient sa chemise. La température, anormalement haute pour la saison, avait grimpé alors que l'heure avançait. Le soleil était à son zénith lorsqu'ils arrivèrent devant l'entrée d'une grotte aux alentours barrés par du ruban de balisage. Plusieurs agents, tous en uniforme bleu marine et gilet pare-balle, montaient la garde. L'équipe de l'unité scientifique était déjà sur place, leurs tables et équipements installés au soleil, les corps emballés dans des combinaisons blanches. L'agent désigna aux inspecteurs cinq moines rassemblés au couvert d'un arbre à peine plus haut qu'eux. Ils étaient en grande conversation les uns avec les autres.

Le silence après l'orageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant