CHAPITRE 7

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C'est enfin le jour de la reprise du tournage de mes scènes. Angoissée à l'idée d'arriver en retard et de ne pas pouvoir répéter un peu avant que mon tour ne vienne, je finis par arriver bien trop en avance. Toutes les équipes sont déjà présentes depuis sept heures du matin pour tourner les scènes d'action et je m'attarde suffisamment en passant pour apercevoir Matt fuir à toute vitesse dans une ruelle, poursuivi par d'autres acteurs, alors que la caméra le suit.

Après avoir repéré un coin calme près de la loge maquillage, je décide de m'y installer et de réviser en silence mon texte. Pourtant, la tranquillité qui régnait est rapidement brisée par des éclats de voix de deux personnes entrant dans la loge. Les murs doivent sûrement être faits en carton puisque je parviens à entendre clairement chaque bribe de conversation entre les deux maquilleuses venant d'entrer dans la loge.

« Franchement j'ai dû mal à croire qu'ils l'aient choisi pour remplacer Miranda. C'était peut-être une peste mais elle était expérimentée au moins, déclare l'une d'elle sur un ton moqueur.

— Et elle était bien plus belle, c'était tellement simple de la maquiller, s'esclaffe l'autre. »

Mon corps se fige à l'entente de ces mots. Les palpitations de mon cœur accélèrent et soudain l'envie de vomir me prend. Je suis tiraillée entre l'envie de débarquer dans cette loge pour les remettre à leur place, et la honte de savoir que c'est peut-être ce que tout le monde pense secrètement de moi sur ce plateau. N'y tenant plus, je me lève d'un bond et m'apprête à partir quand Sarah apparaît soudainement devant moi.

« Bah qu'est-ce qu'il t'arrive ? On dirait que tu viens de croiser un fantôme, lance-t-elle sur le ton de l'humour mais nuancé avec une pointe d'inquiétude.

— J-J'essayais de réviser mon texte ici mais je n'y arrive pas. Je dois trouver un endroit calme. »

Son regard me scrute plusieurs secondes, alors que les voix de ses deux assistantes me parviennent encore, déblatérant de nouvelles remarques plus horribles les unes que les autres à mon sujet. C'est comme si elles hurlaient ces mots à mes oreilles, alors que j'ai l'impression d'être la seule à les entendre. Comme une réponse à toutes mes prières, Sarah m'indique immédiatement une salle vide servant entre autres de débarras pour les éléments du décor pour la journée. Et sans un mot de plus, elle accélère le pas et tourne dans l'angle du bâtiment, comme si elle était soudainement investie d'une mission d'une importance vitale. Je finis moi-même par quitter ce couloir lugubre où mes pensées sombres ne font que s'entrechoquer dans mon esprit.

J'arrive finalement dans la pièce que m'avait indiqué Sarah et constate qu'il n'y a effectivement personne. Je me mets immédiatement à répéter mon texte. Mes répliques fusent rapidement, vivement, brutalement. Il me faut plusieurs minutes avant de me rendre compte que mon jeu ne va pas. Les propos des deux assistantes maquilleuses sont encore ancrés dans mon esprit et je n'arrive pas à les retirer. Tout comme je n'arrive pas à effacer la colère que je ressens au fond de moi et qui s'insinue dans chaque parole qui sort de ma bouche. Je finis par me convaincre que cela ne sert à rien de m'entraîner si c'est pour ce résultat. Alors, après avoir jeté un coup d'œil à ma montre et avoir constaté qu'il me restait une bonne demi-heure, je décide de profiter du temps qu'il me reste pour me calmer et me vider l'esprit.

Une scène de ma période à l'école de théâtre me revient doucement, alors que j'arpente les recoins de cette pièce remplie d'objets et de matériel divers. Ce jour-là j'avais été choisie par l'un de mes professeurs pour préparer une scène avec lui. Tout le monde avait été surpris sur le moment, dont moi, puisque ce genre de proposition n'était en général adressée qu'aux meilleurs élèves, dont je ne faisais malheureusement pas partie. Les critiques avaient fusé autour de moi, je m'en étais vraiment prise plein la figure dans mon dos et même une fois ouvertement par une des filles de ma promotion. Ce n'était pas la période la plus joyeuse de mes études puisqu'elle aura duré plusieurs mois, pourtant, je ne regrette rien de tout cela. J'avais été choisie et c'est tout ce qui comptait pour moi. Les remarques et les petits commentaires mesquins faisaient mal, mais je gardais la tête haute.

La rançon de la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant