Le nouvel esclave

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- Comment sont-ils dressés ?

La voix grave et chaude de l'homme imposant qui se tenait devant lui fit trembler Rello d'un frisson incontrôlé. Il n'arrivait pas à décider s'il devait désirer sa silhouette élancée et musculeuse ou s'il devait craindre ses yeux noirs et son visage pâle impeccablement rasé, encadré par de longs cheveux aussi sombres que ses yeux. En revanche, il était persuadé de détenir la bonne réponse à la question.

- Comme l'exige la tradition, monseigneur. Je vous assure qu'aucun d'eux ne saurait même songer à vous désobéir. Ils ont appris les conséquences d'un tel affront dès leur premier jour en ces murs.


La grimace qui défigura fugacement les traits lisses et durs de son client surprit le dresseur. Il formait et vendait des esclaves depuis de nombreuses années et chacun de ses clients avait toujours recherché ses talents. Il y avait mille et une façons de briser un homme. Il les connaissait toutes et les mettaient chaque jour à l'œuvre pour offrir à ses acheteurs les esclaves les plus obéissants et les plus soumis. Pourtant, quelque chose dans l'attitude de ce client lui disait qu'il n'était pas satisfait du tout des services de Rello. Le commerçant se secoua et plaqua de nouveau un sourire béat sur son visage. Il était hors de question qu'il perde une vente aujourd'hui et cet homme, s'il en croyait ses vêtements taillés dans les tissus les plus précieux et qui épousaient si parfaitement son corps qu'ils avaient certainement été cousus spécialement pour lui, pourrait bien être son plus gros coup du mois.

Rello se retourna vers la petite dizaine d'hommes et de femmes alignés en rang dans la salle de vente, chacun éclairés par une lumière qui mettait en valeur leurs silhouettes dénudées. La tête droite et le regard baissé, les esclaves montraient une soumission parfaite. Les cheveux des hommes avaient été rasés sur les côtés et laissés plus long sur le dessus tandis que ceux des femmes avaient été coupés dans un carré parfait. Leurs poignets et leurs chevilles étaient liés par de grossières menottes en fer et reliés entre eux par des chaînes, leur laissant peu de marge de mouvement.

Théodore se força à garder une posture neutre et impassible. Il connaissait bien la réputation de cette maison, il savait parfaitement ce qu'il trouverait lorsqu'il avait franchi la porte de cette grande échoppe située au cœur de la ville. Chacun de ces esclaves avait volontairement renoncé à sa liberté, que ce soit pour nourrir leurs familles, pour échapper à la cruauté de la rue ou pour tout autre raison qui leur était propre. Ceux-ci auraient probablement dû se renseigner davantage avant de céder leur vie à cette échoppe en particulier. Les maisons d'esclaves qui pratiquaient encore les techniques ancestrales de dressage se faisaient de plus en plus rares. Celles qui les utilisaient toujours pour enseigner la soumission étaient pointées du doigt et nombreux étaient ceux qui luttaient pour les interdire. Malheureusement, ces complaintes étaient rarement entendues par le Magistrat, qui réglait les affaires de commerce et à qui ces maisons graissaient allègrement la pâte.

La voix enjouée de Rello fit sortir Théodore de ces pensées.

- En voyez vous qui vous plaisent, monseigneur ?


L'air ravi du commerçant mettait les nerfs du noble à rude épreuve. Il vouait un mépris sans borne à ces vendeurs qui se ressemblaient tous avec leur tailleur bon marché souvent trop petit pour eux, leurs lunettes carrées et leur barbe de trois jours savamment entretenue pour faire comme si elle ne l'était pas. Il détourna le regard d'un air de dédain et reporta son attention sur les esclaves alignés devant lui. La plupart d'entre eux étaient petits et minces, étant donné qu'ils étaient destinés à des postes de personnel de maison ou d'esclave de plaisir. Leurs corps n'arboraient aucune séquelle des sévices qu'ils avaient probablement subi mais leurs regards éteints ne trompaient pas Théodore. Alors qu'il passait devant chaque esclaves pour les examiner de plus prêt, notant avec dépit leur absence de réaction, l'un d'eux attira son regard.

Chemins De Soumission : Espoir [Publié - Éditions O'Plaisir]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant