Chapitre 17 : Maman

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[Flashback]

Après cela, les nuits ont continué de défiler, et j'ai toujours été impatient de retourner dans cet endroit. Cependant, je dois avouer que cette semaine, je me sens de plus en plus agacé. Matthew ne cesse de parler de Lorian, son mentor, de ses cours, du royaume divin, de leurs origines et de leur puissance, de tout ce qu'ils font pour nous, de comment ils équilibrent la nature et le destin. En vérité, je commence sérieusement à en avoir marre.

Alors que dans les premiers songes que nous avons fait, je n'arrivais à penser à rien d'autre qu'à ces rendez-vous nocturnes avec lui. Je n'attendais que ça, jour après jour, nuit après nuit. Désormais certains soirs je retarde le moment d'aller me coucher, car ce n'est pas moi qui contrôle le voyage pour m'y rendre....

"Luka tu rêvasses" me réveille ma mère.

"Ah oui, pardon..."

"Je te trouve préoccupé en ce moment, est-ce que tu vas bien ?"

Je n'ose pas lui dire que moi aussi, je m'inquiète pour elle. Je remarque assez régulièrement ses yeux se perdre dans le lointain, comme si elle cherchait quelque chose au fond de son esprit.

"Non, tout va bien, maman, ne t'inquiète pas. Tu veux quelque chose ?"

"Je te demandais de me casser quatre œufs, s'il te plaît."

"Ah, oui bien sûr."

Alors que maman épluche et coupe les pommes en quatre, je sors pendant deux minutes pour aller chercher les œufs dans notre poulailler. Les rayons du soleil de fin d'après-midi filtrent à travers les arbres, éclairant notre jardin d'une lumière douce et tamisée. Je prends quelques instants pour savourer le calme de notre forêt.

En revenant dans la cuisine, je casse les œufs dans un bol et les lui tends, tandis qu'elle mélange le tout dans un saladier, elle me demande :

"On chante ?"

Le doux parfum des pommes coupées emplit l'air, créant une ambiance encore plus réconfortante. Je souris à l'idée de chanter avec elle, comme nous le faisions si souvent.

"Euh... d'accord." dis-je en souriant.

Le sourire de maman s'élargit, tandis qu'elle coince le saladier sous son bras droit et, fouet en main, mélange la pâte avec énergie avec sa main libre.

"Notre comptine préférée ?" demandé-je.

"C'est parti" répond-elle avec un sourire radieux.

"Dans la forêt lointaine
On entend le coucou
Du haut de son grand chêne.
Il répond au hibou.
Couc...."

En une seconde, un battement de cœur, un souffle et tout a basculé.

Comme si le temps avait fait une pause, puis avait repris d'un coup en avance rapide.

Soudain, elle s'arrête de chanter. Son sourire se fige, et l'éclat dans ses yeux s'éteint.

Ses bras se relâchent, le fouet et le saladier qu'elle tenait, s'écrasent sur le sol, créant un fracas assourdissant. Les morceaux de verre volent, projetant des éclats brillants dans toutes les directions.

"NOOOOOOOONNNNNNNNNNNN !"

Ce hurlement déchire l'air et semble faire vibrer toute la pièce, il s'incruste dans mon être, il s'infiltre dans mon âme et dans chaque cellule de ma peau, son visage terrifié se grave à jamais dans mes pupilles. Je comprends que, dans ce cri, la bulle de bonheur, dans laquelle on vit, éclate, et alors que je vois son âme se briser en deux instantanément, je sais que c'est notre fin. Et les rayures de mon cœur créé par la longue absence de Matthew s'approfondissent.

Le mariage ElfiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant