Le mariage Elfique

Chapitre 22 : Le nouveau-né

Pdv de Matthew

Ce matin-là, en sortant du bureau, ma mère m'attendait dehors avec toutes mes affaires.

Elle avait réussi à obtenir des nouvelles de Luka, après lui avoir demandé par la communication divine, mon père s'était rendu chez les Lorwyn avec une équipe de secours.

Ils avaient constaté le décès de Sylvana et le coma profond de Luka et celui-ci avait immédiatement été hospitalisé.

Après la fin du conflit entre le peuple de la Lune et le peuple des Etoiles, mes parents sont restés quelque temps au palais, car ils y étaient bien installés et appréciaient leur vie à la cour.

Mais avec le décès des parents de Luka, le contrat de tutorat s'était enclenché et comme je retournais vivre avec eux également, cela n'était plus possible pour eux de rester là-bas.

Mes parents ont dû rechercher une nouvelle résidence en dehors du palais et c'est le roi qui a mis à notre disposition une nouvelle maison en ville.

Mon père avait réussi à organiser le déménagement depuis la chambre d'hôpital de Luka, tandis que ma mère et moi avions mis deux jours pour rentrer du royaume divin.

Lorsque j'ai finalement retrouvé Luka, alité dans cet hôpital en attendant que nous puissions emménager dans notre nouvelle maison, j'ai été confronté à une vision douloureuse.

Luka était sorti du coma, mais il était méconnaissable. Ses yeux, autrefois si brillants, étaient maintenant vides et sans expression. Il ne bougeait pratiquement pas à part ses yeux et sa bouche, mais il ne prononçait aucun mot.

Il passait la plupart de son temps à dormir, et ses périodes d'éveil étaient rares, et lorsqu'il était conscient, il semblait perdu dans un monde intérieur, déconnecté de la réalité qui l'entourait.

Il ne montrait aucune réaction envers les personnes qui l'entouraient, y compris moi-même. Luka ne reconnaissait personne.

Puis nous avons emménagé dans notre nouvelle maison, et les jours ont défilé.

Dès le début, Luka m'a paru comme un bébé, à la fois dans ses besoins et dans sa rééducation. Il ne pouvait pas exprimer ses besoins autrement que par des cris ou des pleurs, surtout lorsqu'il avait faim. C'était difficile à voir.

Luka était apathique et indifférent. Il était difficile de le motiver à faire des efforts. Il fallait le stimuler constamment et l'encourager à participer aux exercices.

Puis les jours, les semaines, les mois passèrent. Luka continuait de se rétablir lentement, puis il a commencé à sourire et à rire, montrant qu'il commençait à s'intéresser à son environnement.

Après un an de rééducation, il était enfin capable de se tenir assis, debout, de manger et de marcher seul.

Environ sept ans après "l'accident", il savait lire et écrire, il arrivait à s'habiller et à se brosser les dents sans aide, acquérant ainsi une certaine autonomie dans sa vie quotidienne.

Mon père, ma mère, et moi-même avons été présents autant que possible. Bien que Luka ait rapidement accepté mes parents, pour une raison que j'ignorais, il me rejetait.

Dans les premières années, sa colère était palpable dès qu'il me voyait, et même par la suite, je sentais que ma présence l'agaçait. J'avais d'abord pensé que c'était lié au fait que je lui parlais souvent de l'ancien Luka, mais j'ai fini par comprendre que c'était simplement ma présence qui le perturbait. Il me défiait et me contredisait sans cesse, parfois avec violence, pour des raisons qui m'échappaient.

Au fil du temps, je me suis effacé et j'ai préféré le regarder de loin, satisfait de voir son rétablissement progresser, même si notre relation restait complexe.

Il y a environ quatre ans, Luka a eu soif d'indépendance. Il voulait partir de la maison pour poursuivre des études universitaires et avoir un logement étudiant. Mon père m'avait même demandé mon accord pour cela.

La vérité, aussi difficile soit-elle, c'est qu'il ne m'appartenait plus.

À travers les communications divines, j'avais échangé à plusieurs reprises avec Lorian au cours des dernières années. Il m'avait évoqué l'idée que ce rejet pourrait être attribué à un reste de colère enfouie au plus profond de lui, une colère dont son corps se souvenait encore.

De toute manière, je ne souhaitais pas l'obliger à quoi que ce soit, même si j'avais éventuellement la capacité de lui restituer les souvenirs de son passé. Je ne voulais pas le contraindre à s'engager dans un mariage ou à établir cette connexion d'esprit, surtout à un moment où il me rejetait complètement.

Je ne voulais pas le confronter de nouveau à son dernier souvenir, à ce sentiment dans lequel il avait été plongé durant la dernière semaine de sa vie.
Il m'arrivait de remonter ce souvenir, de voir les draps souillés de sang, ses mains écorchées et le regard vide de sa mère.

Ne serait-il pas préférable pour Luka de laisser tout cela derrière lui ?

Il me suffisait de le voir de loin en train de construire sa nouvelle vie.

Cependant, je persistais à me complaire dans nos souvenirs, les siens comme les miens.

C'est ainsi que Luka a continué à me filer entre les doigts. De temps en temps, il venait dîner à la maison, mais encore une fois je le sentais loin, comme s'il était gêné d'être ici, mal à l'aise en ma présence ou en celle de mes parents.

Puis, au fil du temps, j'ai vu à quel point il s'éloignait de moi, surtout quand il est devenu un très bon ami de Weini, j'ai compris que je n'étais définitivement plus son unique et meilleur ami.

J'ai même été témoin de certains baisers avec des elfes et des elfines. Il était devenu une personne complètement différente, mais c'était une personne que je ne pouvais m'empêcher de continuer à aimer, même si chacune de ces actions me brisait un peu plus le cœur.

Le pire dans tout ça, c'est que je ne pouvais même pas lui en vouloir car c'était mon choix, j'avais fait le choix d'être à ses côtés tout en maintenant une certaine distance et en restant silencieux.

Je m'étais construit un mur que je ne pouvais pas franchir mais malgré tout son indifférence m'accablait un peu plus davantage. Je vivais au jour le jour.

Certaines nuits, dans mon lit, j'avais l'impression de perdre pied, heureusement cette sensation d'oppression disparaissait le matin après une bonne nuit de sommeil, quelque chose parvenait à me détendre et à m'apaiser durant ces moments de mal-être, même si, curieusement, mes vêtements étaient trempés à chaque fois. Je trouvais cela étrange mais je n'ai pas voulu chercher à en comprendre la raison car cela m'aidait à affronter une nouvelle journée.

Mes parents m'observaient souvent d'un air triste. Je savais qu'ils en parlaient régulièrement entre eux.

En dépit de ses dons divins, ma mère n'avait pas anticipé la tragédie qui s'était abattue sur la famille Lorwyn. La nouvelle du sacrifice du roi s'était répandue tardivement, et personne n'avait pu prendre des nouvelles de sa femme et de son fils.

Autrefois, quand elle venait me voir dans le royaume divin, avant de rentrer au palais, ma mère faisait toujours un détour pour dire bonjour à son amie Sylvana dans le village de la Luminara.

Et lors de ce vendredi tragique, elle devait se rendre chez les Lorwyn juste après m'avoir rendu visite. Elle était censée partir du Royaume divin le lundi pour arriver chez eux le mercredi. Il ne restait que quelques jours. Si seulement...

Cependant, ma mère m'avait expliqué que le destin de Luka n'était pas de mourir ce jour-là.

Autrefois, elle avait émis une prédiction concernant la famille Lorwyn, prédisant la perte d'un de ses membres et soulignant l'importance de sa préparation.

Pourtant, ni elle ni la chamane n'avaient pu entrevoir davantage d'éléments.

*** 

Merci a Fleur pour la correction de ce chapitre