Les liens perdus

07: Appréhension.

Jour J.

Je suis prête.

Le bol de céréales sur la table, je tourne le lait avec ma cuillère tout en ressassant les deux dernières semaines passées à m'entrainer. Le temps m'a filé entre les doigts mais je suis fière d'être parvenue à le  saisir quelques fois.

Les entrainements furent rudes, je me suis poussée à bout et Finn a dû me forcer à rentrer à la villa plusieurs fois car je ne voulais pas m'arrêter. Il était vraiment agacé, non pas que ce n'était pas justifié mais je n'allais pas m'arrêter pour autant.

Des pas se font soudain entendre dans les escaliers, et la silhouette de Nathan se dessine progressivement dans mon champ de vision. Je termine le bol d'une traite et le rejoins dans la cuisine, où il se prépare son propre bol de céréales.

— Bonjour, bien dormi ?

Il me lance un regard empli de sommeil. Ses cheveux sont ébouriffés et de légères ondulations retombent devant ses yeux. Je réalise qu'à ce moment-là, j'avais oublié à quel point il est beau.

— Pas vraiment, mon lit est trop grand. Admet-il et ça me surprend.

— Reviens alors.

— Tu me poignarderas pendant mon sommeil ? Me demande-t-il tout en versant le lait sur ses céréales.

Je hausse les sourcils, surprise par sa question. En réalité, je suis surtout surprise par le ton sérieux qu'il vient d'employer.

— C'est pour ça que tu es parti ? Car tu pensais que je remettrai ça ?

Le silence additionné à son regard dubitatif suffit à me répondre. Je laisse échapper un souffle, blessée par notre échange.

Comment a-t-il pu croire que je le poignarderai pendant son sommeil ? C'est insensé. Je l'avais menacé en début d'année mais je ne pensais pas qu'il serait persuadé que la menace tenait toujours.

J'ai merdé, et en beauté.

— Je suis désolée, ça n'arrivera plus.

Et j'espèce qu'il entend ma sincérité car je suis on ne peut plus sérieuse.

Il me dévisage pendant ce qui me parait une interminable minute puis, décide de hocher la tête. Il me dépasse et part s'assoir pour manger convenablement. Je le talonne et me place pour lui faire face. Ainsi, nous pourrons discuter.

— Tu es prête pour ce soir ? M'interroge-t-il, me coupant l'herbe sous le pied.

Je me contente de hocher la tête, je ne pense pas qu'on soit réellement prêt à vivre des choses. Elles nous tombent toujours sans prévenir. On peut se croire prêts, mais je suis convaincue qu'on ne l'est jamais entièrement.

— Et toi ?

— Comme toi. Je suis content que ça bouge enfin.

Je hoche de nouveau la tête, triturant mes doigts avec une certaine appréhension. Une boule se forme progressivement dans mon ventre à mesure que les secondes passent. Car plus le temps avance, plus le temps qu'il nous reste s'amincit.

Je prends une grande inspiration, confrontant son regard de fumée.

— La patience paie, n'est-ce pas ?

Son regard se voile d'une légère douceur et il se contente de sourire avec un faible mouvement de tête. Je lui rends son sourire et apprécie ce début de journée.

Les tensions sont apaisées, notre duo va pouvoir arrêter de battre de l'aile. Ma culpabilité laisse désormais place à l'appréhension.

Soudain, des bruits de pattes résonnent jusqu'à nous. Derrière Nathan, la silhouette de Satan se dessine rapidement tandis qu'il accourt vers nous, la gueule ouverte et la langue pendante.