ℝ𝕠𝕝𝕝, ℂ𝕒𝕞𝕖𝕣𝕒 ... 𝔸𝕔𝕥𝕚𝕠𝕟 !

1 - Le fracas d'une rencontre ...

Ce que j'appréciais le plus à la campagne, en plus de l'air frais et de l'indescriptible odeur plaisante du foin qui sèche à l'extérieur, c'était bien le calme matinal qui précédait le vacarme de nos bottes en action le reste de la journée.

Aujourd'hui, ce calme était bien mon meilleur allié au vue de l'horrible nouvelle qui venait de me tomber dessus. Le nez plongé dans mes céréales, je refusais d'accepter cette décision qui n'était pas la mienne, mais dont les conséquences me promettaient bien des contrariétés.

— Je t'en prie Seo-Woo, ne fais pas la tête. Fais plaisir à ton vieil oncle et souris un peu, tu veux ?

Abandonnant ma cuillère sur le rebord de ce bol de lait que je peinais à ingurgiter, je levai les yeux vers le sexagénaire en face, son sourire bienveillant ne suffisant aucunement à me décrisper.

—Je ne vois pas comment je pourrais sourire alors qu'on va bientôt être envahis de petites starlettes ridicules !

Mon ton acerbe fit grimacer le plus jeune de l'attablée qui semblait être en totale opposition avec mon opinion. L'écolier ne s'exprimait pourtant aucunement et mangeait avec précaution, faisant attention à son uniforme scolaire d'une propreté étincelante.

— Non mais sérieux tonton, pourquoi t'as dit oui ? me plaignis-je en tapant du pied comme une gamine capricieuse.

— Parce que si j'avais refusé, ce ne seraient pas des super-stars qui nous auraient envahis mais bien des huissiers.

— Là il t'en bouche un coin, se permit de chuchoter le gamin qui assistait à la scène, attentifs aux échanges verbaux qu'il suivait avec autant d'acuité qu'il regardait ses fameux matchs de tennis de table à la télévision.

— Tu exagères ! répondis-je à mon oncle sans oublier d'envoyer ma main valser contre la nuque du morveux qui se permettait même de commenter à présent. On s'en serait sortis ... On n'a pas besoin d'accueillir des acteurs à la noix chez nous pour améliorer notre situation !

— Ces acteurs à la noix comme tu dis, vont sauver notre ferme. Sais-tu depuis combien de temps, notre auberge n'a pas eu de pensionnaires ?!

Mon oncle avait l'air d'avoir peser le pour et le contre, suite à la demande inhabituelle qu'avait formulé cette maison de production spécialisée dans les téléfilms romantiques.

— Je sais ... C'est moi qui prépare les chambres pour nos pensionnaires je te rappelle, grommelai-je.

—Justement. Alors tu devrais savoir que sans leurs précieuses réservations de dernière minute, on serait déjà en train de faire nos bagages et nos animaux prendraient le chemin de l'abattoir !

Mon oncle se montrait ferme. Et bien qu'au fond de moi, je savais pertinemment qu'il avait raison, je ne pouvais m'empêcher de faire la tête en pensant à ces divas qui allaient s'octroyer mes services.

Quelle jeune femme d'à peine vingt ans a pour ambition de cirer les bottes d'un couple d'acteurs à la plastique refaite pendant deux longues semaines et faire comme si ça lui plaisait ? Je préférais encore décrotter les sabots de nos chèvres !

— La situation financière est si critique que ça ? tentai-je à nouveau, percutée malgré tout par les informations troublantes que me livrait mon oncle.

Je n'ignorais pas le gouffre financier qui avait fini par se creuser à cause des annulations récurrentes de réservations et les pertes liées à la récente crue qui avait enseveli une bonne partie de nos récoltes. Toutefois, mon oncle n'avait jamais laissé entendre que le déficit était d'une telle ampleur.