VIGILANTES

PARTIE II

Le clocher pointait vers la lune pleine et brillante qu'il semblait vouloir atteindre, mais qui serait toujours hors de portée. Coincée entre deux bâtiments résidentiels, l'église se confondait avec le style du quartier, si ce n'était le vitrail circulaire qui distinguait la façade, tel un portail vers un autre monde. Les lieux de cultes dégageaient une atmosphère particulière, celui-ci ne faisant pas exception. Ses briques rouges paraissaient renfermer des années de secrets. 

Daredevil gravit les marches qui menaient vers l'entrée, Spider-Man lui emboîta le pas. 

一 Non. Toi, tu restes ici, l'intima-t-il. Je vais faire du bruit pour qu'il  sorte de sa cachette et l'attirer à l'extérieur. Dès que tu me vois revenir, tu cours. 

Peter ne protesta pas. L'édifice lui donnait déjà suffisamment la chair de poule sans qu'il n'ait besoin d'y rentrer. C'est ainsi qu'il se retrouva seul, les bras ballants, à attendre dans le froid. Son manque de sommeil qui s'ajoutait à la liste lui arracha un bâillement. 

Il restait cependant vigilant, jetant régulièrement des coups d'œil à droite et à gauche. Le paysage était aussi immobile qu'une peinture : la lune, l'église, l'obscurité, la peur et lui. L'unique mouvement qui cassa le tableau fut une affiche dont le coin se soulevait sous l'effet du vent. Sur le papier placardé contre un mur, un homme chauve souriait de toutes ses dents. Un slogan y était fièrement étalé.

"Vote William Sander and he will kill the spider"

Peter essayait de ne pas trop prêter attention aux nouvelles élections pour le futur maire de New-York. Mais il ne pouvait éviter les débats le concernant. Le maire actuel le laissait agir librement, ce ne serait néanmoins pas le cas de la majorité des candidats qui voyaient en lui une menace qui empêchait la police de faire son travail correctement. Il aurait aimé que ces gens comprennent que son objectif n'était pas personnel ou égoïste. Au contraire, il voulait juste aider ceux qui ne pouvaient se défendre. Il faisait de son mieux chaque jour et cela semblait encore insuffisant. Peut-être que si les politiciens voyaient quel type de monstre il chassait en ce moment même, ils réaliseraient. 

Ses muscles se tendirent. La seconde suivante, un vacarme provenant de l'intérieur l'église parvint jusqu'à lui. Pensant que Daredevil pouvait maintenant sortir d'un instant à l'autre, il se mit en position, prêt à courir. Puis une minute s'écoula, une deuxième, et une troisième sans que le justicier ne sorte. Une quatrième. Une cinquième. Spider-Man gardait son calme. Peut-être que ça ne faisait pas si longtemps et qu'il exagérait. Ou peut-être que le plan n'avait pas fonctionné et que Daredevil était en danger. Il ne lui fallut pas plus pour s'élancer vers la porte. Il poussa violemment le lourd battant. Par réflexe, il projeta une toile. Celle-ci retomba mollement sur le sol. 

Vide. L'église était vide. 

Les bancs religieusement alignés n'avaient pas bougé. Il avança lentement, pas après pas. Dans le lourd silence, il percevait les échos persistants de toutes les prières murmuraient entre ces murs. Il chercha des yeux ce qui avait pu provoquer le bruit. Les rayons de la lune qui filtraient à travers les vitraux révélaient la poussière en suspension. Ce n'est que là qui la remarqua. La croix normalement dressée derrière l'autel était renversée. Du sang maculait le métal doré de la pointe. 

Le plan n'avait pas fonctionné. 

Daredevil était quelque part blessé, ou bien déjà mort. Il chassa la seconde option de ses pensées. Ce n'était pas le moment de céder à la panique, pas quand son coéquipier avait besoin d'aide. Il se concentra alors sur une chose : le retrouver.  

Il examina les alentours, repérant plusieurs portes. Les églises étaient de vieux bâtiments qui regorgeaient de cachettes. Pour autant, il sut directement vers où aller. Des traces de pas ensanglantées menaient jusqu'au fond du chœur, vers une porte entrouverte qui l'invitait à entrer. Il s'y dirigea en faisant de son mieux pour ignorer la quantité de sang au sol. La porte donnait sur un escalier étroit qui lui ne menait vers... nulle part. Et ce nulle part était le dernier endroit où il souhaitait aller, il n'eut pourtant pas le choix. Ce fut à l'aveugle qu'il descendit les marches, son sixième sens en alerte. Il percuta un obstacle en plein face. Paniquant un instant, il réalisa que ce n'était qu'une grille et la contourna. Il gardait ses bras tendus devant lui. Il préférait éviter de se prendre un mur. Il pensa à Daredevil qui évoluait en permanence privé de sa vision. Son respect pour lui grandit. Il n'imaginait pas comment cela... Une main lui agrippa la cheville. Il poussa un petit cri en secouant sa jambe prisonnière.