Sirius

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Assis sur la banquette inconfortable, un pied sur l'espèce de mousse bleue, ses écouteurs au volume maximum et le réducteur de bruit enclenché, Sirius scrutait l'écran de son téléphone en attendant que ces quarante-cinq minutes s'écoulent.

Les pires quarante-cinq minutes de sa vie. Ou presque. A quelques détails près.

Il détestait les lavomatiques.

Il détestait surtout le fait que sa foutue machine à laver dernier cri l'ait lâchée un dimanche soir à 22 h 30. Il avait mieux à faire, un dimanche soir à 22 h 30 que de se trimballer dans Londres avec un sac à dos plein à craquer de ses fringues à laver.

Il écrivait des textos à James pour se plaindre, entendant parfaitement dans sa tête la voix de Lily lui dire « tu aurais pu passer à la maison ».

Oui, il aurait pu. Sauf qu'on était dimanche soir, et que depuis des années, James réservait tous ses dimanches à Lily et seulement Lily. Surtout depuis Harry. Sirius ne venait jamais bouleverser une tradition, il l'avait trop fait. Il était chez eux la majorité de son temps alors, les dimanches, il s'assurait de les laisser en paix.

Swipe gauche. Swipe droite. Swipe droite. Swipe gauche.

Il swipait sur Grindr au même rythme que la musique : vite. Mais surtout, il swipait sans but. Il se faisait lamentablement chier.

Il aurait pu aller faire un tour en attendant que sa machine finisse de tourner, mais il se souvenait toujours de la fois où Mary s'était fait voler ses affaires quand elle était étudiante.

Si on venait à lui voler ses fringues, il serait capable de mettre cette putain de laverie en feu. Sans aucun scrupule ni regret.

Il souffla, attrapa son paquet de cigarettes et sortit de la laverie aux murs bleus digne des hôpitaux.

Il faisait bon, dehors. Il était parti sans veste dans la précipitation, mais il se rendit compte qu'il n'y en avait pas besoin.

Il alluma une cigarette, aspira une longue bouffée en fermant les yeux et recracha la fumée en levant la tête vers le ciel.

« Salut, Reggie » souffla-t-il pour lui-même, un léger sourire au bord des lèvres, quand il rouvrit les yeux et qu'ils tombèrent sur l'étoile de son frère.

Elles apparaissaient petit à petit, les étoiles, sans qu'on le réalise, et Sirius avait toujours trouvé ça un peu magique. Il était à deux doigts de tirer la banquette de la laverie pour la mettre dehors, s'allonger dessus, et regarder le ciel. Les quarante-cinq minutes passeraient ainsi plus vite.

Il partit écraser et jeter sa cigarette dans la poubelle de la rue d'en face et sursauta presque quand il vit quelqu'un déposer des habits dans la machine à laver à côté de la sienne.

Qui pouvait bien venir faire une putain de machine à 22:45, un dimanche soir, sérieusement ?

Lui. Se rappela-t-il en grimaçant.

Il était bien là, tranquille, tout seul, sur cette vieille banquette inconfortable, à swipper des types inintéressants aux photos bien loin de la subjectivité, pour s'occuper. Maintenant, il allait falloir qu'il surveille que ce gars ne lui vole pas ses fringues.

Bon, il était grand, plus grand que lui en tout cas. Il y avait peu de chances qu'il rentre dans ses jeans et t-shirt. Mais il pouvait très bien les revendre.

Sirius avait un sérieux problème de confiance.

Il entra de nouveau dans la laverie au sol gris abîmé et sale, en faisant claquer ses Dr. Martens. Il voulait bien faire entendre à ce type qu'il ne le laisserait pas voler ses fringues.

Laundry DayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant