La Guerre Des Clans - Une Guerre Sans Fin || TOME 1|| - Épopée Écarlate

CHAPITRE 5

Petit Jaguar ouvrit les yeux. Il pouvait sentir un nid de mousse sous son corps engourdi. Le chaton releva soudain la tête. Tout ce qu'il c'était passé la veille venait de lui revenir, tel un coup de tonnerre. L'odeur métallique du sang, les cadavres tachés de pourpres, les cris terrifiés de ses camarades. Pris d'un soudain dégoût, Petit Jaguar se mit à vomir. Après avoir régurgité son dernier repas, le jeune chat se releva. Ses yeux étaient luisants, perdus dans le vide. Il ne remarqua même pas son frère, pelotonné contre lui. Petit Jaguar essaya tant bien que mal de se recoucher,  mais une subite douleur lui arracha un gémissement désespéré. Petit Margay, toujours endormi, se réveilla en sursaut. Ce dernier écarquilla les yeux à la vue de son frère.
-Tu es réveillé ! Miaula-t-il, en se frottant contre Petit Jaguar. Ce dernier semblait surpris. Pour la première fois, il pouvait déceler de l'inquiétude, de la tristesse, mais également du soulagement dans le regard d'habitude si passif de son frère.
-Que c'est-il pass-》 Petit Jaguar s'arrêta soudainement. Sur sa langue, il sentait encore le goût du sang de chat. Il avait l'impression que sa gueule en était pleine. A nouveau, il ce sentit nauséeux. Secoué d'une violente toux, il fixait ses pattes, la respiration saccadée. Il avait tué un chat. Il l'avait assassiné. Il l'avait mutilé. Rien qu'en y pensant, il vomit à nouveau. Inquiet pour son frère, Petit Margay se glissa à toute allure dans la petite caverne qui servait de tanière à la guérisseuse, tout en hélant son nom. Petit Jaguar s'assit. Toujours secoué par la toux, il essayait tant bien que mal de retirer le goût atroce qu'il avait sur la langue. Il s'arrêta soudain. Ce n'était…pas si mal ?
D'un côté, cela n'était pas si terrible…non ? Le jeune chaton avait l'impression de se dégoûter lui-même. Il ne ressentait pas de regrets. Aucune pitié pour le félin désormais mort. Sa mâchoire se serra soudain. Son pelage se hérissa. Il était en pleine réflexion en son plus profond intérieur. . C'est lui qui as voulu nous tuer, non ? S' il meurt…Quesque sa change. Petit Jaguar fut pris d'un soudain frisson. Il sursauta quand, à bout de souffle, Petit Margay et Belle Prune sortirent du rideau de fougères.
-Petit Jaguar. Tu es réveillé ! Comment te sens-tu ? Miaula la guérisseuse, d'un ton heureux. Ses yeux semblaient fatigués. Elle ne devait presque pas s'être reposée,  avec l'attaque des chats inconnus.
-Je...pense que je vais bien ? Gronda Petit Jaguar, ne croyant pas ses propres paroles. Physiquement, cela pouvait aller. Mais qu'en était-il de son mental ? Le jeune chat était totalement perdu. Tuer. Ne pas tuer. Cela dépassait totalement ce pauvre chaton de cinq lunes. Les trois félins relevèrent la tête lorsqu'une tête tachetée passa par l'entrée de la tanière. C'était son père. Dans ses crocs, pendait un lièvre, quasiment de la taille d'un chat. Son regard s'arrêta un instant sur Petit Jaguar.
-Je vois que tu es réveillé. Mangez. Gronda t il d'un air satisfait, avant de lâcher sa prise au sol et de tourner les talons. Petit Margay fit un léger mouvement de tête vers son frère. Il semblait avoir repris son caractère habituel. Respectueux et distant. Les deux chatons remercièrent la guérisseuse, qui s'en fut trier ses remèdes. Petit Jaguar sembla réticent à planter ses crocs dans le lièvre juteux. Il prit tout de même une bouchée. Le sang du lièvre entra dans sa gueule, tandis qu'il arracha un morceau de chair. Le cadavre du félin mutilé lui revint soudain en tête, mais, au lieu de paniquer, il l'ignora. Au contraire, il continua de mâcher la dure chaire du livre. Jetant un coup d'œil à son frère, quelque chose lui vint soudainement à l'esprit. Lui aussi, il avait tué ce chat. Lui aussi, il l'avait assassiné. Dans ses yeux, Petit Jaguar pouvait le voir. Malgré son air calme et indéchiffrable, de l'incompréhension était visible au plus profond de son frère. Tout comme lui, il se demandait que faire. Les deux frères restèrent ainsi. Devant le lièvre, fixant intensément le sang qui s'en échappait.  Leurs yeux étaient ternes. Toute leur innocence s'était envolée au moment où ces deux là furent en mesure de voir la cruauté de ce monde terni par la loi du sang.