Revirement de situation

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Alors que je me remets de mes émotions, encore penchée sur le bureau, mon regard est attiré par une fente sur la plinthe derrière la grande chaise en cuire. Je me redresse, rhabille mon short, et m'avance intriguée sous les yeux interrogateur de Démon.

• Que fais-tu Val ?

J'attrape un ciseau, puis à quatre pattes dévisse la plinthe.

• Qu'est ce qui te prends ? Que fais-tu avec cette plinthe ?

Je ne sais pas quoi lui répondre, je sens une étrange sensation en moi, c'est particulier, inexplicable, il y a quelque chose là derrière. Je n'arrive pas à la dévisser, j'y mets toute ma force mais la vis ne bouge pas.

Démon se met à genou à côté de moi.

• Attends, je vais t'aider.

Il sort un couteau de son jeans, je le laisse faire, la vis est tendue dans le bois. J'observe ses bras couverts de tatouages, ses mains marquées, son cou imprègne d'encre, il est beau, j'aime son corps, ce style qui crie au danger. Ce que j'aime par-dessus tout, c'est qu'il ne me prend pas pour une folle, il sent que l'instinct me pousse à retirer cette plinthe.
Une fois retirée, on découvre un trou dans lequel est glissée une boîte métallique de 3cm d'épaisseur. On se regarde comme si on vient de découvrir un trésor.

• Tu as un œil très aiguisé Val. À toi l'honneur.

Je prends la boîte, l'ouvre et saisi l'enveloppe qu'elle contient. Lorsque je retire ce qu'elle renferme, mon cœur explose, mon estomac se noue, je suis en sueur. Je me tourne vers Démon et je le vois complètement décomposé, je me demande même si sa réaction n'est pas pire que la mienne.

Des bouleversements nous en avons connus dans nos vies. Des situations merdiques au rebondissements positifs, mais ce que nous venons de découvrir est tout simplement inimaginable, personnellement je suis apeurée, mes mains tremblent, mon cerveau débite à 300 km/h, mon cœur est en tachycardie, et surtout j'essaie de parler, mais aucun son de sort de ma bouche. Démon est blanc comme neige, les yeux vitreux, la bouche entrouverte, en état de choc. Il me saisit l'enveloppe ainsi que la photo qu'elle contient.

• Val, c'est Liam !

Je le regarde avec de grand yeux. Je sais bien que c'est mon frère...

• Putain Val, c'est quoi ce bordel ! Tu es au courant ?

Comment peut-il me poser la question, ne voit-il pas que je suis décomposée autant que lui ?

• Non, évidement que non !

Découvrir une photo de son frère est une chose, mais découvrir une photo de Liam sur laquelle il est bien plus âgé que lorsqu'on l'a enterré en est une autre. Nous avons mis en terre le corps de mon frère il y a 6 ans. Comment est-ce possible de voir une image de lui sur laquelle il est plus mur, il porte une barbe, son style n'est pas celui qu'on a connu. Comment cela se peut-il?

• Démon, est ce que ça veut dire eu mon frère est en vie ?
• Je ne sais pas, je ne comprends plus rien.

On relève les yeux de la photo et on se fixe. Je sens sa main sur ma joue, il essuie les larmes qui ruissellent sur mon visage, puis il appuie son front contre le mien.

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DÉMON;

De toutes les situations compliquées de ma misérable vie, celle-ci est vraisemblablement la plus inattendue, jamais je n'aurais pensé vivre un tel revirement de situation. Cette photo de Liam est incroyable, elle est suffisamment proche pour qu'on distingue nettement son visage, c'est lui, je le reconnais, il a pris de l'âge, comme moi, il a mûri, mais c'est toujours lui, et ses tatouages ne trompent pas, il n'y a aucun doute possible. Aucune autre information, une boîte métallique quelconque, une enveloppe blanche standard, une photo sans aucune inscription au dos, juste une photo prise dans la rue. Mais quelle rue ? Ou est-il ? Comment est-ce possible ? Comment Butch a-t-il pu nous cacher ça ? Pourquoi cette photo est-elle cachée dans ce bureau ? Comment va se sentir Val après cette révélation ? Comment faire pour le retrouver ? Pourquoi ? Où ? Quoi ? Val ? Moi ? Je repense à sa mort, lorsque je suis arrivé et que je l'ai retrouvé sur sa moto, son corps et sa Harley complétement brûlés, puis je repense à l'enterrement, nos vies détruites, les difficultés que nous avons traversé avec Val, là douleurs que nous avons ressenti, comment est-ce possible, et s'il est en vie, pourquoi n'est-il pas à la maison ? Je ne comprends plus rien. J'ai peur de ce qui va suivre, j'ai peur de comment gérer cette information, je crains que ma femme soit déstabilisée, mal, inquiète, perturbée.

Nous sommes rentrés chez moi, jamais le silence n'a été aussi pesant entre nous qu'en ce jour. Je ne peux pas la laisser seule, pas après ce qu'on vient de découvrir. Et je sais que les jours qui vont suivre seront une épreuve supplémentaire pour nous deux. Une partie de moi est dans une colère noire, déçu que mon meilleur ami, mon frère, me fasse un coup pareil. Je l'ai pleuré, je me suis haï de n'avoir pu agir, d'être arrivé trop tard, et lorsque je découvre cette photo, je me pose tant de question que je n'arrive pas à suivre tout ce que débite mon cerveau.

Val s'est endormie dans mes bras entre deux sanglots. Je la tiens fort contre moi, je peux sentir son cœur battre très fort, malgré qu'elle soit plongée dans un sommeil profond. Impossible à fermer l'œil, je fixe un point dans la pénombre cherchant une solution. Les minutes puis les heures passent, je me refais toutes les scènes d'avant et après son « décès ». Nous étions constamment ensemble, qu'est ce qui a bien pu m'échapper ? Qui hormis Butch pourrait nous communiquer des informations ? Il n'avait pas d'autre famille que Val, et apparemment elle-même a été mise à l'écart.

Val se réveille en sursaut ;

• OLIVIA !
• Quoi ? De quoi tu parles Val ?
Elle est agitée, essaie de s'échapper de mon étreinte.
• Je dois lui parler !
• Calme-toi Val...
• Non Démon ! Est-ce que tu connais Holly ? Olivia ? Celle qui possède le restoroute ?
• J'y ai mangé une fois avec Butch, quel est le lien ?
• Elle était là le jour de la lecture du testament, mon père lui a légué une maison de plage. Ils avaient forcément un lien important les deux !
• Ok, il est possible qu'ils aient eu un lien, mais penses-tu réellement qu'elle soit au courant de quelque chose alors que même toi, sa propre fille, tu n'as pas été mise dans la confidence ?
• Démon, on doit bien commencer par une piste. A moins que tu aies une autre idée ?

Je regarde ses yeux bleus, ils sont insistants et vifs. Je l'embrasse sur le bout du nez :

• Ok, habille-toi, on y va !
• Merci Démon !

On prend ma moto, je ne la sens pas en état de conduire. Je ne sais pas comment on se sent, on est juste perdu, on est dans un brouillard, et on ne sait pas par où commencer, c'est compliqué. Il est 6h30 du matin lorsqu'on arrive au restoroute. Nous nous installons sur une banquette, mais Holly n'est pas là. Val est stressée, elle est agitée et bien trop silencieuse. Lorsque la serveuse vient pour prendre notre commande je me permets de lui demander où est Holly.

• (Serveuse) Elle commence son service à 07:00.
• Très bien.
• (Serveuse) Vous désirez boire quelque chose ?
• Un café court, sans rien et un cappuccino avec supplément de chocolat et deux sucres pour la demoiselle.

Val relève ses yeux dans ma direction alors que la serveuse s'en va.

• Comment sais-tu ce que je prends ?
• Val, je sais tout de toi, je te connais depuis toujours
• Ok, que sais-tu d'autre sur moi ?

Je la regarde amusé ;

• Alors qu'est-ce que je sais de ma femme. Je sais que lorsque tu es triste tu manges des brownie que tu trempes dans un verre de lait. Je sais que tu n'aimes pas la bière, mais lorsqu'on t'en propose une, tu ne refuses jamais. Je sais que tu commences toujours tes soirées avec un verre de Cosmopolitan et je sais que pour notre première sortie au resto, tu as bu un Gin tonic hibiscus rose.
• Mais t'es un psychopathe, tu m'espionnes ou quoi ?

Au moins je lui décroche un sourire.

• Je n'ai pas fini, lorsque tu es blessée tu deviens agressive, lorsque tu es triste, tu fuis, lorsque tu es inquiète, tu te mordilles la lèvre inférieur, lorsque tu es heureuse, tes yeux virent au gris, lorsque tu es malade, tu aimes être seule, lorsque tu es amoureuse, tu cherches le conflit
• Démon, tu me connais mieux que moi-même.
Je lui souris
• Ce n'est pas Démon qui te connaît, c'est Julian

Val baisse les yeux sur nos mains entrelacées.

• Tu n'as pas encore compris que ce n'est pas une histoire qui a démarré y a deux ans, mais qu'on a toujours été destiné à être ensemble ? Quoi qui se passe, quoi qu'on fasse le destin nous pousse l'un vers l'autre
• Je le sais, je le sens et c'est avec Julian que je veux être.

La serveuse dépose nos cafés, mais nous ne prêtons pas attention à elle.

Lorsque la raison s'oppose à la passionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant