Red Night

🧛 𝕻𝖆𝖗𝖙𝖎𝖊 𝖉𝖊𝖚𝖝 🧛

Une cinquantaine de personnes emplissaient le réfectoire - un immense réfectoire - où de grandes tables de pique niques avaient été disposées parallèlement les unes aux autres, et où flottait une odeur de frites et de bacon. Une odeur qui, accessoirement, aurait dû donner l'eau à la bouche à Katsuki, mais qui bizarrement, ne lui fit ni chaud ni froid.

Y'a un truc qui ne va pas.

Il fallut une demi-seconde à Katsuki pour comprendre ce qui le dérangeait : le silence total. Personne ne parlait. A la cantine de son lycée, il ne pouvait même pas s'entendre réfléchir, alors qu'ici, c'est ce qu'ils semblaient tous faire : réfléchir.

La veille, Shota avait conduit pendant une bonne heure avant de l'amener ici, il lui avait expliqué que c'était une sorte de colonie de vacances pour les adolescents comme lui., Katsuki n'avait même pas cherché à le contredire, trop épuisé et dégoûté de lui-même pour argumenter. Shota l'avait conduit dans un bungalow vide et l'avait fait installer dans une des chambres à l'intérieur pour qu'il y passe la nuit, puis il lui avait donné pas moins de trois bouteilles remplies de... sang. Il lui avait précisé au passage que des barrières étaient installées tout autour du campus et qu'elles déclencheraient une alarme au moindre passage, au cas où lui viendrait l'idée de filer. Katsuki ne tenta même pas de leur fausser compagnie, essayant juste de trouver le sommeil malgré la confusion transcendante dans laquelle il pataugeait.

Résultat : il avait passé la nuit à se retourner dans son lit, sans fermer l'œil, la tête pleine de questions sans réponses. Que lui était-il arrivé ? Qu'était-il devenu ? Boire du sang, jamais cette idée ne lui serait venue à l'esprit ! Avant, il avait même tendance à avoir la nausée rien qu'en en voyant...

Le lendemain, Shota était revenu le chercher, les bouteilles étaient complètement vides, et il avait semblé surpris de le trouver là. Il avait essayé de le faire manger, de la vraie nourriture, cette fois, mais Katsuki n'avait pas été capable d'avaler le moindre morceau. A la place, Shota lui avait redonné une tasse de sang.

Katsuki passa une nouvelle fois en revue l'ensemble de la salle, un nouveau coup d'œil pour se confirmer à lui-même qu'il n'avait strictement rien à foutre ici avec tous ces dégénérés qui croyaient aux créatures fantastiques. Depuis huit heures du matin qu'il assistait à la procession de groupes de jeunes qui arrivait au fur et à mesure, certains plus étranges que d'autres.

Il remarqua dans le lot quelques ados aux crânes rasés, qui arboraient des tatouages, ou alors des cheveux colorés, le visage perforé de piercing. Et des tonnes au look gothique. On aurait dit une colo pour ado à problème, et décidément, le noir semblait être la couleur totem des fous.

Ironique, venant de celui qui avait un verre de sang à moitié vide juste devant lui.

Il s'était assis à une table à l'extrémité du réfectoire, tout proche de Shota qui lui avait d'ailleurs bien fait comprendre qu'il l'avait à l'œil. Et puis, de toute façon, Katsuki ne comptait pas s'éloigner de lui pour le moment. Le flic se tenait debout à l'avant de la salle, il en jetait avec sa carrure musclée et son regard sombre.

Katsuki lâcha un énième soupir. Il ne savait même pas ce qu'ils attendaient tous, dans ce silence morbide. Ils étaient à la morgue ou quoi ?

- Bien ! Je vois que tout le monde est là ! On va pouvoir commencer, fit une voix de femme, devant.

Katsuki tâcha de trouver le visage qui se cachait derrière cette voix et se heurta à une jeune femme à la longue chevelure noire et aux yeux bleus. Elle s'installa à la droite de Shota, dont l'ennui faisait pâle figure face à son enthousiasme.

- Bienvenue à Yuei. Nous sommes ravis de vous accueillir ici, revenants comme nouveaux.

Elle devait avoir vingt-cinq ans à peine. Elle arborait un débardeur jaune poussin dissimulé sous une veste en nylon blanc et un jean noir. Ses grands yeux bleus étaient rehaussés d'un fard à paupière rosée et sa bouche mise en valeur par un rouge à lèvre pourpre. Elle devait être le genre de personne pleine d'énergie que fuyait Katsuki. Shota, à côté d'elle, ne devait pas être plus âgé, bien qu'il fasse la quarantaine avec sa mine de déterré.