BLOODY HELL

1. H A L L O W E E N • M A K E - U P

La tête légèrement inclinée, Lexi observait son reflet dans le miroir en triptyque qui se tenait au dessus de son bureau. Il s'agissait d'une sacrée antiquité, héritée de son arrière-arrière grand-mère. L'argent qui le sertissait était rouillé par endroits - peu reluisant partout. Il n'y avait aucun doute que cette couleur empirait l'apparence du visage qui se présentait en son sein.

Lexi était belle, d'un type de beauté hivernal, à haut contraste: de grands yeux marrons aux longs cils, une longue chevelure d'un brun du bois d'un noyer, et une peau pale, marquée par une multitude de tâches de rousseur. Mais un manque de sommeil récurrent avait creusé des cernes violacées sous ses yeux et donnait à sa peau un aspect maladif.

La main enfouie dans sa crinière, elle soupira avant de se saisir de sa trousse de maquillage. Ce soir-là , c'était Halloween - et elle n'avait pas l'intention de ressembler à un cadavre, malgré le fait que ça corresponde au thème. Au vu des vêtements qu'elle avait à disposition, elle avait décidé de se présenter à la soirée en tant que vampire. Un classique. En réalité, son teint blafard marqué par la fatigue ne dénotait pas du rôle, alors elle finit par se résoudre à élaborer un mélange sophistiqué de contouring ténébreux et de smoky eye, agrémenté de touches de faux sang, pour endosser son rôle d'un soir.

Son ami Arlo l'avait menacée de représailles physiques si elle esquivait une soirée de plus. Lexi avait été réveillée au milieu de la nuit. Pour une fois qu'il ne lui avait pas fallu quatre heures pour s'endormir, on la tirait des bras de Morphée... Se maudissant de ne pas avoir laissé son téléphone en silencieux comme elle le faisait d'habitude, elle avait tendu le bras vers sa commode et étouffé un gémissement en allumant l'écran. Il était trois heures du matin. Qui aurait bien pu avoir l'idée de la harceler de messages à cette heure-là si ce n'était pas Arlo ?

arloooo 🦕
biatch
check your instagram
i'm having a halloween party tonight and you're coming (or else)
ok love you bye

Alors qu'un baillement à faire se réveiller les morts l'avait secouée, Lexi s'était promise de négocier un répit avec son meilleur ami après une bonne nuit de sommeil, quand elle serait fraîche et dispose. Son anxiété sociale s'était terriblement empirée depuis le début de sa première année d'Université, et elle n'était pas sûre de parvenir à tenir une soirée entière entourée d'étrangers sans crise de panique, une perspective des plus déplorables.

Mais le matin du 31, Arlo avait débarqué chez elle et par un quelconque miracle, avait réussi à la convaincre que de socialiser n'était peut-être pas si terrifiant que ça. Il aurait pu convaincre n'importe qui de se laisser dévorer - la personne concernée aurait même proposé des sauces en accompagnement. Quoi qu'il en soit, Lexi avait promis qu'elle y serait.

Bien que convaincue, elle regrettait tout de même d'abandonner le confort ultime des soirées passées sous la couette à regarder sa série du moment, une bouillotte au creux des bras et une tasse d'infusion bouillante à portée de bras pour survivre aux températures automnales britanniques. Elle se fit à reculons à l'idée de devoir sortir ce soir-là, et de devoir affronter ses vieux démons ; les humains.

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Arlo partageait un appartement avec deux colocataires, qui avaient des styles vestimentaires en adéquation avec le kitsch de la décoration du propriétaire. Étriqué, couvert de moquette psychédélique du sol au plafond, le logement présentait malgré tout l'attrait d'un jardin partagé avec les voisins et d'un vieux hangar réservé aux habitants du 3/1, 2 Georges' Street. Vous l'aurez deviné ; chez Arlo.

Le hangar avait été réhabilité en une piste de danse de fortune, et le jardin investi par les rares invités qui préféraient discuter dans une atmosphère plus relaxée, partager des joints, ou simplement ne pas se ridiculiser sur le dancefloor.

Le mobilier de jardin était d'un blanc crasseux, sali par les années passées à subir les sautes d'humeur des cieux anglais. C'était là que Lexi avait établi demeure. Assise sur une table en plastique qui avait légèrement ployé sous son poids pourtant réduit, la jeune femme s'était échappée du hangar et de l'agression du sound system sur ses conduits auditifs. Également à la recherche d'un air plus respirable, et elle avait été rassurée de voir que seuls trois fumeurs occupaient une partie du jardin. Après avoir regardé dans quel sens soufflait le vent, elle se tourna vers le sud afin d'éviter d'inhaler la fumée des cigarettes.

Ledit vent soufflait avec une certaine douceur cette nuit-là ; le froid était largement supportable malgré l'exposition de ses jambes dénudées aux éléments. Par chance, il ne pleuvait pas. Le ciel était d'ailleurs dégagé, un miracle à Glastonridge. Les conditions étaient idéales pour admirer la froide luminosité de la pleine lune qui régnait en maître sur l'horizon.

Lexi prit une gorgée de sa bière, les yeux levés vers l'astre de nuit, et ramena ses jambes sur la table afin de s'assoir en tailleur. À ce moment-là, une fille la rejoint. Elle était grande, très grande, avec des yeux couleur glacier et les cheveux comme le sable des plages de Suède, d'un blond cendré. Elle était d'une stature bien plus imposante que Lexi, les épaules larges et les biceps explosant sous sa tunique à inspiration scandinave.

Lexi se trouva incapable d'arrêter de l'observer, malgré son anxiété de paraître trop intense. Cette fille était l'une des plus belles créatures sur lesquelles elle avait jamais posé les yeux. Le rouge monta à ses joues tandis qu'elle réalisa qu'à chaque fois que son regard se posait sur les lèvres charnues de l'inconnue, elle avait l'impression qu'on lui retournait l'estomac de désir.