« L'ELEVAGE »

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La circoncision communément appeler « djoudjou » dans la langue wolof, il s'identifie plus dans la culture manding.
Si l'éducation de la femme est un processus qui démarre chez ses parents pour ensuite être peaufinée chez son mari ; pour l'homme,
c'est de fréquenter la case des hommes pour acquérir la maturité.
Une pièce était choisie dans la maison la plus isolé de la demeure et à cet effet le garage avait été choisi étant donné que la voiture n'y était plus. Cette pièce était désormais notre demeure. Un décor le plus simple qui pouvait exister une grande natte en paille étalée à même le sol nous servait de lit, un vieux fauteuil mis à côté pour je ne sais qui, les murs n'étaient même pas recouverts de peintures, seuls les toiles d'araniers nous servaient de décor, à peine balayé, le sol recouvert de poussier. Seul le confort et le lux manquaient en ce lieu qui a était notre demeure ce durant deux mois ou plutôt deux longues et dures mois.
A mon reveil je somnolait encore sans doute à cause du lait caillé du « lakheu » Nous étions au nombre de 7 circoncis, dans la pièce un de mes grand frère ibou boké nous servait d'assistant, un autre cousin du quartier Doumassou, Djoumbory nous assistait également. La seule chose qui nous différenciait d'eux, c'était le fait qu'ils soient circoncis avant nous mais ils étaient considérés véritablement comme de nouveau initiés. Le même sort nous étiez tous réservé. Tous soumis à une surveillance stricte et rigoureuse dont une personne s'évertuait- à gérer. Une personne qui jusque-là demeurait inconnue, inconnue de par sa personne mais ses prouesses de management restaient discrètes aussi. Mais pas pour très longtemps car sa première réaction nous a suffi pour comprendre qu'il incarnait l'autorité. Un réveil brutal en vers mes autres camarades car comme s'il était furieux de les voir dormir. D'une voix rauque et autoritaire nous disait « al willi al willi al willi » une langue manding qu'il maitrisait à la perfection, cela voulait simplement dire levez-vous, levez-vous. Cette langue constituait désormais notre langue d'échange, tous nos communications se faisaient à travers cette langue. Cette langue représente 5.5% de la population nationale qu'on retrouve le plus dans la basse Casamance dans la région de Sédhiou. Elle, cette langue forme un ensemble avec le Sarakolé, le Diakhanké, le Bambara et autre la grande famille des Malinkés qu'on retrouve également dans la sous-région en Mali, chez les deux guinées.
Je n'avais toujours pas compris pourquoi avait-on besoin de toute cette équipe technique pour nous surveiller car je pensais toujours que notre quotidien allait reprendre son cour normalement mais rien, rien ne sera plus avant. Une nouvelle vie démarrait pour moi ou plutôt pour nous. Le rendez-vous du donner et du recevoir, où la soumission était le mot d'ordre, un temple de la sagesse. Tout était à redéfinir la manière de s'assoir pour manger, tcomment manger, comment tenir le bol, comment parler aux ainés, la manière de regarder les gens. Toutes les aptitudes que j'avais acquises s'envolaient, je demeurais étranger dans cette nouvelle vie ou tout était à réapprendre.
Je me rappelle encore s'il m'arrivait la maladresse de regarder un ainé dans le blanc des yeux, une gifle en plein figure me servait de rappel pour baisser le regard.
Chaque matin se réveiller de bonheur était une obligation, la seule activité qui me réjouissait dans la journée me réveiller de bonheur. Avant de prendre le petit déjeuner il nous fallait nous réunir au tour de la calebasse pour les leçons du jour. On s'accroupît au tour de la calebasse les deux doigts de la main gauche : l'index et le petit bonhomme posés sur l'alentour de la calebasse, le reste des doigts pendaient et nous servaient de claquer la calebasse. Une façon de répondre à la question posée par un de nos superviseurs qui avait un petit bâton dur qu'il frappait sur la calebasse puis la question s'en suivait. Ce même bâton lui servait pour de bon coup raide sur la tête pour cause on avait pas pu déchirer les énigmes auxquels nous étions exposés. Ce même rituel était répété à l'heure du repas, le soir venu le même scenario se reproduisait et les coups nous étaient affligés. Je ressens encore la douleur sur ma tête de ce dur et sec bâton cogné contre ma tête, de même que les fouets des tiges d'acacia reçus. On me rouait de fouets parce que j'ai eu la faiblesse de pleurer après les cous reçus sur la tête. Car pour lui, cette personne qui nous surveillait, un homme doit savoir souffrir en silence, un homme doit subir et se résigné à subir davantage sans piper mot comme pour nous dire que la vie est cruelle et sans pitié donc les faibles n'ont pas leur place dans la société, sinon être au bas de l'échelle.
Les plats qu'on nous n'avaient aucun goût à cause des sciences de bastonnades avant chaque repas d'abord, puis nous les ndjoullis ont n'avaient pas droit de toucher le milieu du bol pour bénéficier des légumes et viande ou même du poisson. Je revois encore les marques des cuillères sur le dos de la main affligés par notre dresseur parce que j'avais eu l'impolitesse de toucher le milieu du bol. Le mieux que nous avions à faire c'était d'attendre sagement d'être servis et si l'intention ou l'envie lui venait de le faire. Aujourd'hui je me demande aussi est-ce vraiment réel le jour où izbody, oui c'était son nom il fallait bien un nom pour identifier l'auteur d'acte ignoble que méprisable. Oui est-ce vraiment réel qu'il a osé prendre l'eau qui nous servait de laver nos sales mains pour imbiber le riz avec après avoir retiré tout ce qui était présent comme légumes de mêmes que le poulet. Il insistait avec l'eau comme s'il mettait de la sauce puis izbody nous obligea à manger jusqu'à racler le bol. Tant d'autres supplices nous accablaient, nous étions à la merci de cet homme sans couverture parentale, aucun membre de la famille pour nous couvrir. Il a été dépêché je ne sais d'où. Parait-il qu'il nous venait des quartiers périphériques de kolda en ce temps-là ; Médina Chérif. Il n'avait que pour mission nous qu'il menait à la perfection sans doute. Il nous considérait comme des objets aucune forme de sentiment ou de compassion n'était établie entre nous. Il maitrisait avec perfection ses sujets, il nous maitrisait. On se pliait à sa volonté, c'est lui qui définissait le bien ou le mal ; le bon comportement du mauvais. Il avait fini de nous apprivoiser, le dressage se poursuivait. Il suffisait d'un simple regard de sa part pour nous de comprendre ce qu'il voulait dire. Un langage plus que corporel que verbal par moment que seuls les initiés pouvaient déchiffrer et comprendre. Il parlait peu, sa voix n'était audible que pour donner des injonctions. Je me souviens plus de l'oscillation de sa voix que de la voix elle-même.
- « AL WOOOYANG
- DJIOUBOOOLO
- MA MOY
- BIIIIIISI
Ces mots ou charabias de la langue manding étaient les préambules des cours de chants. Il nous apprenait des chansons toujours avec la langue manding parfois peulh et en de rare cas en wolof. Il fallait maitriser ces chants et le plus tôt serait le mieux car ces cours de chants étaient accompagnés de coup de fouets. Vous imaginez, des chants crées expressément dans le but de lapider.
- BOUTE YENN BALLO BOUTE
-BOUTE YENN BALLO BOUTE
- SACCA WANDI BALLO
- WARTA À BALLAFA LA WARTA
- A WARTA NIANTO BALLAFARTA WAULENE MIRA
Une chanson mélodieuse et rythmique qui s'accompagnait de coup de fouets ainsi, les mélodies se mêlaient aux cris et pleur des uns des autres.
Cette chanson dont les paroles traduisaient littéralement
« frapper, tu as frapper mon corps
frapper tu as frappé le corps d'autrui
Pitié, la pitié du circoncis est immense ... » était une manière de légiférer le fait de nous lapider sans cause rationnelle. Avaient ils vraiment besoin aussi de cette chanson rythmique au connotation péjorative pour avoir le droit de nous frapper ? Après tout, tout ceux qui étaient autorisés à pénétrer dans le local que nous occupions avaient le droit sur nous, le plein pouvoirs de nous affligés des sévices. Soit par le biais des « passines », des chansons, ou de leur bon vouloir. Le «passine »  c'est la pratique qui se faisait au tour de la calebasse avec des séries d'énigmes qu'on déchiffrait. Parfois, nous avions droit à des énigmes qui découlaient de pure imagination et inventions de nos aînés ou de nos superviseurs. Comment décortiquer une imagination dont même l'inventeur n'aurait pas pu donner forme, mais ce n'était qu'une volonté manifeste de nous malmener comme pour se venger de tout ce qu'ils auraient subi avant nous dans la case des hommes. Cette attitude en vers nous, nous mettait déjà la puce à l'oreille par rapport à notre conduite en vers ceux qui auront la malchance d'être circoncis après nous, nos futurs proies.
   Chaque grain de riz avait une importance particulière lorsque nous mangions; oui une importance plus que capitale. Et comment ?
Aujourd'hui, comme beaucoup de soir, nous avions le droit de sortir de notre enclos et se mettre au niveau de la grande espace familiale. Le dîné y était servi très souvent. C'est le moment que nous avions pour établir le contact visuel avec les autres membres de la famille, chacun s'attelant dans sa tâche. On les suivait du regard discrètement et eux en particulier les femmes, elles nous lorgnaient avec un regard pitoyable et curieux sans oser piper mots. Nous sentions parfois dans leur regard la volonté de vouloir s'offusquer de notre état barbaresque. Mais qui aurait osé défier l'autorité de izbody l'intransigeant; autant blasphémer, profaner; s'attirer les ennuis d'ailleurs que d'avilir le vénéré maître.
Vous vous rappeler de l'importance du grain riz dont je vous parlais? Oui évidemment! Ce fameux soir notre diné avait un goût particulier comme si les femmes s'étaient appliquées davantage pour nous faire plaisir. Pour une fois, nous mangions sans la surveillance stricte de notre kouyan Mansa (le grand maître). Pourquoi d'ailleurs autant de changement en si peu temps. Notre sort était entre nos mains. Et pourtant, même cette marge de liberté accordée, nous avions du mal pour en jouir car la peur était déjà installée en nous. En réalité tout ceci n'était que le calme avant la tempête.                    
Subitement, il était là à notre hauteur, à la seconde près il s'était volatilisé comme par magie pour ensuite réapparaître devant nous. En ce temps d'intervalle ci court lui a suffit pour apporter un bâton car il y'a toujours des tige d'acacia en réserve. Aussitôt il commençait à nous fouetter et nous, le dos courbé la tête baissée, nous étions à sa merci sans rien comprendre puis il retira le bol et nous obligea de ramasser et manger les grains de riz par terre. On devait manger sans verser le riz au sol à t'il voulu nous faire comprendre. Pourtant des mots simples auraient suffi pour le faire mais non lui son langage était plus physique que verbal. Le tout se déroulait sous le regard impuissant et complice de nos tantes, oncles et mères.
La soirée ne faisait que commencer. Il poursuivi avec son grognement au moment où nous ramassions « les pépe thiép » (grains de riz) mêlés au sable, nous les mangions avec le grincement de nos dent frêle contre les grain de sable. Et là en ce moment précis l'irréparable c'était produite: une de nos tante en l'occurrence Dienaba, elle s'est alarmée et jugeait que c'était trop oui trop de supplice et de maltraitance. Izbody nous ordonna aussitôt de rejoindre notre abris. Le « khoulot »  le querelle c'était entre lui et certain membre de la famille. Cette soirée, nous l'avions passée amèrement. Il nous avait lessivé, laminé toute la nuit durant à tel point qu'on s'en est voulu à tout ceux qui ont voulu prendre notre défense. Un Kankouran était sorti à cet effet qui s'en est pris aux femmes.
        A notre réveil avec des courbatures, izbody restait silencieux, il était plus silencieux qu'à l'accoutumée et ce durant toute la journée; un silence rempli de bruit. Ce même silence nous laissait perplexes. Visiblement il se sentait incompris, le désarroi restait visible sur un visage pâle qu'il affichait avec des geste nonchalants. Izbody aurait trouvé la maison trop étroite pour continuer à cohabiter avec les membres de la famille après leur dispute houleuse de la veille. Ainsi izbody ramassa ses  quelques affaires et sans préavis nous abandonna. J'étais triste pour lui au fond mais la joie de la liberté retrouvée que je ressentais, que nous ressentions me submergeait déjà. C'était l'acquittement totale de notre sentence. Ha! Ha! La liberté.
Pour un moment nous étions libre de tout mouvement, comme par exemple de sortir notre espace privé et faire le tour de la maison qui me semblait nouveau. Chaque pièce de la maison me paraissait changée.
A présent il ne restait plus que nos deux autres superviseurs Ibou et Djoumbory qui essayaient tant bien que mal de restaurer l'autorité mais c'était perdu d'avance car rien ne pouvait plus être comme avant.

Mon enfance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant